L’état de préparation des forces allemandes est désormais « confidentiel »

Le 11 mars, la chancelière allemande, Angela Merkel, a apporté son soutien aux propositions faites la veille par Annegret Kramp-Karrenbauer, celle qui lui a succédé à la tête du parti chrétien-démocrate [CDU] au sujet de l’avenir de l’Union européenne [UE]

Pour rappel, dans une tribune qui se voulait être une réponse à celle publiée plus tôt par le président français, Emmanuel Macron, Mme Kramp-Karrenbauer a réfuté l’idée d’instaurer un salaire minimum européen « adapté à chaque chaque pays », de créer un « bouclier social pour les Européens » et de « mutualiser » les dettes afin de financer des projets d’avenir.

En revanche, la présidente de la CDU a proposé que la France cède son siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies au profit de l’UE [ce qui est juridiquement impossible, seuls les États ayant le droit d’y sièger] et de construire un « porte-avions européen » afin de faire de l’UE une « force de sécurité et de paix. »

Même si elle a admis qu’il y a d’autres priorités, Mme Merkel a estimé « bien et juste que, côté européen, puissions disposer d’un tel équipement. » En quoi cela serait-il juste? Mystère…

Quoi qu’il en soit, l’idée d’un groupe aéronaval européen est envisageable [du moins, pour ce qui concerne les unités de surface, ndlr]. Mais pas celle d’un « porte-avions européen », dans la mesure où cela reviendrait à trouver la solution aux problèmes de Landau et à percer les mystères de l’équation de Navier-Stokes. En effet, il faudrait se mettre d’accord sur un schéma industriel [qui suppose le maintenance d’un tel navire], un montage financier, les technologies à déployer, la configuration [STOBAR ou CATOBAR, comme le Charles de Gaulle?], les compétences à réunir, l’armement, le contrôle politique et les questions opérationnelles et pratiques [par exemple, quelle langue de travail à bord, avec quelles procédures?].

Bref, faire une telle proposition, qui sous-entendrait la création d’une « armée fédérale européenne » dont il n’est actuellement pas question, n’est pas très sérieux en plus d’être contre-productif. Ce qu’a d’ailleurs fait valoir l’ex-diplomate Wolfgang Ischinger, désormais président de la Conférence de Munich sur la sécurité. « Un porte-avions est une instrument de puissace géopolitique et militaire. Une condition préalable à son utilisation serait une stratégie commune et un mécanisme décisionnel ciblé – l’Allemagne est à des années-lumière de cela! », a-t-il dit.

Par ailleurs, disposer d’un groupe aéronaval suppose de mettre en oeuvre des capacités critiques, comme par exemple [et dans l’idéal] des sous-marins nucléaires d’attaque [SNA], afin d’écarter les menaces sous-marines. Or, l’Allemagne n’en a pas… Et elle a même les pires difficultés à maintenir opérationnels ses 6 U-212A, des sous-marins à propulsion classique.

En effet, au premier semestre 2018, a indiqué le général Eberhard Zorn, le chef d’état-major de la Bundeswehr, aucun de ces six navires n’était prêt à prendre la mer. La situation se serait améliorée par la suite, avec trois sous-marins opérationnels.

Mais on n’en saura pas plus et c’est l’une des seules confidences que s’est autorisé à faire le général Zorn. Car, dorénavant, le rapport sur l’état de préparation des forces allemandes, remis chaque année au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr], est désormais « vertraulich », c’est à dire « confidentiel ».

Et cela, a fait valoir le général Zorn, en raison de la « portée de ce rapport », qui permettrait à des personnes « non autorisées » de « tirer des conclusions concrètes sur les capacités actuelles de la Bundeswehr », ce qui porterait « atteinte aux intérêts et à la sécurité de la République fédérale d’Allemagne. »

Quoi qu’il en soit, il faudra donc se contenter des affirmations du chef d’état-major de la Bundeswehr, selon l’état de préparation des 10.000 systèmes d’armes allemands s’élevait à environ 70% en 2018. Pour le général Zorn, il faut y voir un effet des mesures prises pour augmenter la disponibilité des pièces de rechange et réduire le temps de maintenance.

Par ailleurs, ce rapport serait « plus complet » que les précédents étant donné qu’il présenterait des « informations détaillées » sur les cinq principaux systèmes d’armes utilisés par le commandement cyber de la Bundeswehr. Ce qui expliquerait aussi le fait qu’il soit confidentiel.

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