Pour la disponibilité de ses navires, la Marine nationale mise sur la maintenance prédictive

Depuis une réforme conduite en 2003, le Maintien en condition opérationnelle [MCO] Naval repose sur trois piliers : l’équipage, qui prend soin de son navire au quotidien, les actions du SSF [Service de soutien de la flotte], du SLM [Service logistique de la Marine] et du SID [Service d’infrastructures de la défense, pour les infrastructures portuaires], sans oublier celles de la Direction générale de l’armement [DGA], et, enfin, les industriels, qui travaillent étroitement avec les services étatiques.

Cette organisation a depuis donné pleinement satisfaction, avec une disponibilité de 71% pour la flotte française [et de 50% pour les sous-marins, selon le ministère des Armées], avec un budget annule dédié au MCO d’environ un milliard d’euros.

Ce dernier « remplit ses objectifs dans les budgets impartis et donne satisfaction aux utilisateurs finaux ; et il est bien positionné en comparaison avec d’autres pays », souligne-t-on à l’Hôtel de Brienne.

Pour autant, il s’agit de faire encore mieux. D’où la mission de modernisation du MCO Naval confiée par la ministre des Armées, Florence Parly, au chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Christophe Prazuck et au directeur central du SSF, l’ingénieur général Guillaume de Garidel, sur la base d’un rapport remis par l’expert indépendant Jean-Georges Malcor.

La première priorité est de « transformer la gouvernance du MCO Naval », en insistant sur le renforcement de la coordination entre les différents acteurs concernés, en particulier entre le SSF et le SID. En outre, la maintenance réprésentant jusqu’à 60% du coût de possession global d’un navire, elle devra être prise en compte dès la conception ou la réalisation de nouveaux bâtiments. C’est ce que prévoit d’ailleurs, pour l’ensemble des programmes d’armement, la nouvelle version de l’instruction ministérielle sur les opérations d’armement [IMOA].

« Il est nécessaire de donner au SSF les moyens d’assumer ses responsabilités dès le stade de conception de sorte que le MCO ne soit plus une variable d’ajustement. Le SSF sera donc mieux associé et intégré au sein des équipes de programme », explique le ministère des Armées, qui précise aussi que sa politique industrielle devra être « davantage explicitée pour permettre aux industriels d’avoir suffisamment de visibilité sur leurs opportunités. »

En outre, poursuit-il, « la capacité des ingénieurs de la DGA à prendre en compte, dès la conception des programmes, les enjeux de la maintenance de systèmes navals, ne sera possible qu’en permettant des respirations entre les différents organismes », ce qui signifie qu’il faudra encourager le « brassage des expériences » avec des « périodes d’embarquement » afin de permettre « un véritable partage de culture, un melting pot de la DGA et de nos armées. »

Quant au SLM, il devra évoluer pour « MCO naval du XXIème siècle », en devenant une « université technologique pour les marins. »

Une autre priorité porte sur l’exportation, en faisant connaître davantage les compétences françaises en matière de MCO naval aux partenaires étrangers et fournir à ces derniers un meilleur accompagnement. Pour cela, sur la proposition de l’amiral Prazuck, il est question de mettre en palce une « offre de formation de niveau master ‘MCO maritime’, à l’interface entre la Marine nationale, les universités et écoles d’ingénieurs, les entreprises de la filière navale », afin de valoriser les savoir-faire en matière de MCO sur la « scène universitaire internationale ».

Enfin, l’innovation, un thème cher à la ministre, n’est pas oubliée. Et l’accent sera mis sur la maintenance prédictive. « Anticiper les besoins de réparation ou de modernisation de nos navires grâce à l’analyse de données massives [big data], entraîner des modèles statistiques sur ces données [machine learning], rendre nos bateaux plus intelligents et plus autonomes [smart ship] : ce sont autant d’initiatives étatiques et industrielles engagées ces dernières années par les acteurs étatiques et industriels, toutes pleines de promesses pour un MCO naval modernisé », relève le ministère des Armées.

Pour autant, il n’est pas question d’innnover pour le plaisir de le faire [« le mieux est l’ennemi du bien », dit-on…]. En clair, chaque innovation doit avoir une « pratique, explicite, nécessaire en fin de compte. » D’autant plus que cela suppose de prendre quelques risques…

Aussi, Mme Parly a décidé « d’ouvrir des discussions sur le partage de responsabilité et du risque dans le cadre de la maintenance prédictive [ou prévisionnelle] » avec les industriels. Elles devront aborder les « enjeux de gestion et de partage de la donnée dans un écosystème ouvert à la concurrence », précise le ministère. Et le tout, en prenant en compte évidemment la menace « cyber ».

Avant d’aller plus loin en matière de maintenance prédictive, un des Bâtiments de soutien et d’assistance métropolitain [BSAM, ex BSAH] sera utilisé comme banc d’essai pour « conformer les opportunités » qu’elle peut offrir au MCO Naval. Le navire désigné pour cette expérimentation n’a pas été précisé. Peut-être qu’il s’agit du BSAM « Seine », qui, alors qu’il vient d’être réceptionné à Toulon par la DGA ce 5 mars, devra accomplir un déploiement de longue durée avant d’être admis au service actif.

Reste que mettre en place un modèle de maintenance prévisionnelle, considérée comme « disruptive », doit se faire avec méthode et prudence. En effet, l’enjeu est de pouvoir constituer des bases de données exploitables et fiables sur ce qui peut provoquer des pannes. Ce qui suppose de collecter, en continu, les informations les plus pertinentes.

Illustration : Naval Group

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