Il y a 70 ans, l’Ouragan, premier avion de chasse à réaction français, effectuait son premier vol

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, leurs usines ayant été bombardées et leurs bureaux d’études contraints à l’inactivité pendant cinq années marquées par des innovations technologiques majeures, les constructeurs aéronautiques français accusent un retard considérable par rapports à leurs homologues américains, britanniques et russes. Quant aux Allemands, après la capitulation du IIIe Reich, ils sont alors « hors-jeux ».

Cela étant, le gouvernement alors conduit par le général de Gaulle fait de la recontruction de l’industrie aéronautique française une priorité nationale. Et c’est ainsi que, en novembre 1946, et malgré des moyens limités en raison des difficultés économiques de l’après-guerre, la France finit par intégrer le club très fermé des pays capables de concevoir un avion à réaction, avec le S.O 6000 « Triton ». Et cela grâce à l’opiniâtreté d’un ingénieur : Lucien Servanty.

Après le premier vol du « Triton », la Société nationale des constructions aéronautiques du Sud-Ouest [SNCASO] se voit attribuer un marché d’études pour mettre au point un avion de combat propulsé par un réacteur, le S.O 6020 « Espadon », avec la perspective d’une commande portant sur une centaine d’exemplaires. Seulement, les essais se révèlent décevants, l’appareil étant trop lourd par rapport à la puissance de son moteur.

Toutefois, en 1947, la SNCASO décroche un autre contrat pour mettre au point une version allégée de son Espadon. Seulement, réduire la masse de cet appareil de 600 à 700 kg n’est pas simple… Et Marcel Dassault, qui a eu vent de ces difficultés grâce à ses contacts à l’état-major de l’armée de l’Air dans le cadre du programme MD-315 Flamand, va sauter sur l’occasion. Il constitue une équipe d’ingénieurs [avec Jean Cabrière], qui ne mettra que quelques mois à établir les plans du futur chasseur, lequel doit être simple et efficace.

Le choix du réacteur – en l’occurrence le Rolls Royce « Nene », construit sous licence par Hispano Suiza – sera déterminant, comme le sera également celui d’une voilure basse en flèche, ce qui permet l’intégration en dessous d’un train d’atterrissage rétractable. Le fuselage, circulaire est dessiné à partir d’une entrée d’air située à l’avant.

Une fois les plans arrêtés, Marcel Dassault tente un coup de poker. Sans attendre une commande officielle, il lance, dès avril 1948, la construction du premier prototype. Et bien lui en a pris : le ministère des Armées lui notifie un contrat pour trois exemplaires en juillet de la même année.

Ce qui fait que, six mois plus tard, précisément le 28 février 1949, à Melun-Villaroche, le premier prototype du MD-450 « Ouragan » est fin prêt pour son vol inaugural, avec le colonel Constantin « Kostia » Rozanoff, KWR pour ses amis ou le « Cyrano des essais en vol » pour la légende, aux commandes.

Fils d’immigrés polonais, naturalisé français en 1927 et ingénieur diplômé de l’École centrale de Paris et de Sup Aéro, « Kostia » rejoint l’armée de l’Air dès sa création. D’abord affecté au Centre d’essais du matériel aérien [CEMA] de Villacoublay, il participe à la campagne de France de mai-juin 1940 en tant que commandant en second du groupe de chasse II/4, au sein duquel il obtient deux victoire aériennes. Après le débarquement allié en Afrique du Nord [novembre 1942], il alterne les affectations opérationnelles et les postes techniques. Premier Français à piloter un avion à réaction, il est promu colonel et devient directeur du centre d’essais de la base aérienne 118 Mont-de-Marsan. Puis il quitte l’uniforme pour rejoindre la société Dassault.

Ce premier vol du MD-450 « Ouragan » a dû être écourté au bout de 20 minutes, KWR ayant constaté une perte de puissance électrique, causée par un mauvais réglage de l’enclenchement des génératrices à un régime réacteur trop bas, ce qui a vidé la batterie [*].

Pour autant, l’avion dépasse les espérances qui avaient été placées en lui. « L’Ouragan 01 est l’avion français qui a entrouvert la porte de la compressibilité. J’ai effectué avec lui 16 vols. […] Brave Ouragan! […] Il nous a valu des histoires merveilleuses. […] Je l’abandonnai le 7 mai 1949, comme on conduit un gosse à l’école pour la première fois. Primitivement, il avait la voilure en pagode. Puis, ses ailes ont été rognées pour qu’on y adjoignît des réservoirs de bouts d’aile. La question se posait de savoir s’il se conduirait plus mal. En définitive, il allait mieux. Après 300 ou 400 heures de vol au Centre d’essai, l’Ouragan 01, devenu antédiluvien, transformé sans cesse, n’ayant guère du prototype initial que le bout du manche à balai, à fait tout seul le voyage jusqu’à Rochefort où il joue, pour l’école des mécaniciens [de l’armée de l’Air], le rôle d’un cadavre pour les étudiants en médecine », écrira plus tôt le colonel Rozanoff, dans ses souvenirs [Double bang, ma vie de pilote d’essai].

Par la suite, l’armée de l’Air commandera 350 MD-450 « Ouragan » [450 étaient initialement prévus mais la commande fut réduite avec l’arrivée du Mystère II]. Cet avion équipera l’Indian Air Force [sous l’appellation de « Toofani « ] ainsi que l’aviation israéliennne, avec laquelle il s’illustrera lors de la guerre des Six-Jours en menant des missions d’attaque au sol. La carrière de cet appareil se poursuivra jusqu’en 1985, au Salvador [18 exemplaires furent prélevés sur les stocks israéliens].

[*] Le Fana de l’Aviation n°471

Photos : Dassault Aviation

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