Emprises militaires : Entre rénover et faire du neuf, le Service des infrastructures de la Défense s’interroge

Créé en 2005, le Service d’infrastructure de la Défense est chargé de la gestion et de l’entretien de l’ensemble du patrimoine immobilier du ministère des Armées, lequel représente 40% de celui de l’État, avec 4.100 immeubles, 2,8 milliards de mètres carrés de terrain et plus de 27 millions de mètres carrés de surface bâties « actives ». Ce qui représente 34 milliards d’euros de valeur « actualisée ».

Cela étant, et comme l’avait souligné le rapport du sénateur Dominque de Legge sur le parc immobilier du ministère des Armées, ce patrimoine est hétérogène, étant donné que l’ancien, voire le très ancien [comme par exemple l’Hôtel national des Invalides], côtoie le neuf, à l’image du Centre d’analyse de lutte informatique défensive qui sera prochainement inauguré à Rennes.

« Ce patrimoine, très dispersé, souffre d’un retard d’entretien considérable, marqué par des décennies de sous-investissements et de défaut d’entretien des réseaux et des équipements techniques », a ainsi indiqué le général Bernard Fontan, le directeur central du SID, lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale. Et des constructions relativement récentes sont aussi concernée. « Beaucoup d’emprises ont été construites ou reconstruites dans les années 1950 et 1960 et présentent toutes les mêmes stigmates et pathologies de sous-entretien », a-t-il ajouté.

La remise en état des emprises militaires est l’une des priorités de la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, qui prévoit d’augmenter les crédits de maintenance « immobilière » de près de 200 millions d’euros par an sur sa durée.

Au regard du sous-investissement passé, le général Fontan a prévenu qu’il s’agirait de mener des opérations de maintenance « lourde » sur ce « patrimoine parfois historique comportant des casernes du XIXe siècle mais aussi des bâtiments des années 1970 ». Et d’ajouter, au sujet de ces derniers : « Le vieillissement et le sous-entretien depuis plusieurs années font que les réseaux électriques, de chauffage, d’eau et d’évacuation sont aujourd’hui à bout de souffle. Or, changer un bloc sanitaire sans reprendre les réseaux n’a pas de sens. »

En outre, il faut prendre en considération l’application de nouvelles normes, comme celles relatives à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite [PMR], à l’énergie et à l’environnement.

D’où la question d’un député : dans ces conditions, ne vaudrait-il mieux pas céder les casernes anciennes [du moins celles qui ne font pas partie du patrimoine historique] et en construire de nouvelles, qui seraient « normes actuelles et dotées d’énergies renouvelables »?

A priori, le SID n’y serait pas hostile par principe. « En ce qui concerne les bâtiments du XIXe siècle [dont les casernes construites selon un modèle en U et en carré, nldr], il est certain que s’il est nécessaire de reprendre tous les réseaux – eau, électricité, chauffage –, remettre aux normes thermiques en isolant des toitures et en posant de nouvelles huisseries, éventuellement mettre aux normes PMR [s’ils ne sont pas réservés à des troupes opérationnelles, ndlr], le coût de réhabilitation peut aisément atteindre celui du neuf », voire le dépasser, a relevé le général Fontan. Qui plus est, « il ne faut pas omettre de citer les problématiques liées à l’amiante qui représentent un coût non négligeable dans de nombreuses opérations INFRA », a-t-il précisé.

Aussi, le directeur du SID a dit « ne pas écarter la solution » suggérée par le député, dans la mesure, toutefois, « où les bâtiments ne sont pas classés. » Et d’ajouter : « Quand on engage une restauration/restructuration lourde, on compare toujours son coût à celui du coût d’une déconstruction et de la construction sur site d’une INFRA neuve. »

Pour autant, il ne s’agirait pas de construire de nouvelles emprises ailleurs. « Il faut avoir conscience que les casernes de l’armée de Terre occupent souvent une place centrale dans les petites villes où elles sont implantées », a expliqué le général Fontan. « L’aspect économique est intégré aux réflexions du ministère mais il a aussi une dimension économique et sociale locale non négligeable », a-t-il fait valoir.

En outre, a-t-il poursuivi, « on ne trouverait pas forcément un acquéreur pour reprendre les emprises cédées et nous conserverions de facto le coût du gardiennage des emprises ‘abandonnées’ tout en devant assumer les responsabilités en cas d’incident, de vol ou d’incendie. »

L’une des solutions passerait donc par celle mis en application au 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa], à Carcassonne. Les « marsouins » ont en effet été logés « pendant deux ans dans des bungalows, le temps de reprendre et de rehausser l’ancien bâtiment. On a en quelque sorte fait du neuf sur l’ancien, tout en augmentant la capacité d’accueil et le niveau de confort », a relaté le directeur du SID.

Et le Bâtiment modulaire durable [BMD] de type Catalpa, dont la durée de vie va de 35 à 40 ans, pourrait en constituer une autre. Il répond aux « besoins de mise aux normes, tout en permettant une mise en service rapide » et il s’inscrit « dans la manœuvre de développement durable puisqu’il est conforme à la réglementation thermique de 2012 », tout en assurant un « confort acoustique performant » et en étant « très peu énergivore », a assuré le général Fontan.

Initialement, le SID devait livrer 13 BMD à l’armée de Terre, dans le cadre de la remontée en puissance de se Force opérationnelle terrestre [FOT]. Mais, visiblement, cette solution est séduisante puisque, selon le général Fontan, il a déjà été livré « plus de trente ouvrages au profit des trois armées, des directions et des services. »

Photo : Caserne Brune – 126e RI à Brive, via Wikimedias

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