À l’approche du Brexit, Londres précise ses ambitions militaires

Ministre britannique de la Défense, Gavin Williamson en est convaincu : la sortie l’Union européenne [Brexit] offre à la Grande-Bretagne la « plus grande opportunité depuis 50 ans » de redéfinir sa place sur la scène mondiale pour y jouer les premiers rôles.

« Ceux qui croient qu’en quittant l’Union européenne, nous tournons le dos au monde s’éloignent de la vérité. […] Le monde change si rapidement qu’il nous appartient de saisir les opportunités offertes par le Brexit. Nous allons construire de nouvelles alliances, raviver les anciennes et surtout préciser que nous sommes le pays qui agira en cas de besoin. Nous devrons être la nation vers laquelle les gens se tournent lorsque le monde a besoin de leadership », a en effet affirmé M. Williamson, lors d’un discours prononcé le 11 février devant le Royal United Services Institute [RUSI].

Évidemment, le Royaume-Uni a la ferme intention de rester l’un des « chefs de file » de l’Otan et renforcer ses relations avec les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie [c’est à dire l’intiative dite des « 5 Eyes »], ainsi qu’avec d’autres pays, tels que le Japon, la Corée du Sud et l’Inde. Même chose en Afrique, avec le Nigéria et le Kenya, ainsi qu’au Moyen-Orient, où les forces britanniques disposent de quelques facilités, comme à Bahreïn.

En clair, et comme M. Williamson l’avait déjà annoncé, il s’agit de tourner le dos à la politique dite à « l’est de Suez » qui, au tournant des années 1960/70, consista à abandonner la plupart des implantations militaires britanniques dans le monde. Aussi, il a confirmé la volonté de Londres d’installer de nouvelles bases aux Caraïbes et dans la région Indo-Pacifique.

« À l’ère de la concurrence entre ‘grandes puissances’, nous ne pouvons pas nous contenter de protéger notre propre jardin. Le Royaume-Uni est une puissance mondiale avec des intérêts véritablement mondiaux », a souligné M. Williamson, avant d’annoncer que le premier déploiement opérationnel du porte-avions HMAS Queen Elizabeth, avec des F-35B britanniques et américains à bord, concernera la Méditerranée, le Moyen-Orient et le Pacifique.

S’agissant des menaces, le ministre britannique a cité les « ennemis idéologiques », comme l’État islamique et al-Qaïda et évoqué, en pointant la Russie, « un monde de sphères d’influence et de grandes puissances concurrentes ». En outre, a-t-il continué, le « caractère même de la guerre est en train de changer », avec des « frontières entre la paix et la guerre [qui] deviennent floues ».

« Nos adversaires recourent de plus en plus aux cyberattaques, à la subversion et aux opérations de manipulation de l’information pour nous lancer un défi et [remettre en cause] l’ordre international fondé sur des règles, tout en opérant sous le seuil d’un conflit conventionnel », a-t-il fait valoir.

Pour répondre à ces menaces tout en donnant au Royaume-Uni le statut d’une puissance globale, M. Williamson a prêché pour sa paroisse en plaidant pour donner davantage de moyens aux forces armées britanniques. Une nécessité pour ne pas que « notre nation devienne un tigre de papier », a-t-il dit lors de son discours, au cours duquel il a invoqué les mânes de Winston Churchill.

Aussi, le ministre a sorti deux surprises de son chapeau. En effet, il a annoncé la mise sur pied, au profit des Royal Marines, de deux « Littoral Strike Group » [Groupe de combat littoral], dont l’un serait affecté dans la région Indo-Pacifique et l’autre en Europe [Baltique et Méditerranée, nldr]. Ces unités reposeraient sur un nouveau type de navire, appelé « Littoral Strike Ship ».

Le développement de ces bâtiments sera financé par le Fonds de transformation, doté de plusieurs millions de livres sterling. Et il n’est pas exclu qu’ils soient conçus à partir d’un modèle de cargo. Cela étant, aucune précision sur le coût de ce projet n’a été avancée. Et on ignore si la Royal Navy aura les moyens de les armer.

Une autre annonce encore plus suprenante faite par M. Williamson est la constitution, au sein de la Royal Air Force et d’ici la fin de cette année, d’escadrons de drones « connectés entre eux, capables d’agir en essaim contre les défenses aériennes ennemies. » Or, il s’avère que, pour le moment, et officiellement, une telle capacité n’est pas encore opérationnelle. Aux États-Unis, elle est encore à l’état de concept, notamment via le programme Gremlins, financé par la Darpa, l’agence de recherche du Pentagone. Et, jusqu’à présent, on ignorait que le ministère britannique de la Défense [MoD] avait investi dans un tel projet.

Par ailleurs, M. Williamson a aussi annoncé que la RAF serait dotée de deux escadrons supplémentaires d’Eurofighter Typhoon. Mais il s’est gardé de confirmer la cible finale de F-35 que Londres entend commander.

Reste que faire des annonces est une chose et que les financer en est une autre. Or, l’équation budgétaire du MoD est très compliquée à résoudre dans la mesure où plusieurs programmes majeurs sont déjà en cours et que les forces britanniques doivent opérer une remontée en puissance après les coupes des années 2010/2015.

Selon le Parlement britannique, il manque déjà 180 milliards de livres sterling pour boucler le plan d’équipement du MoD. Ce dernier doit en effet continuer le renouvellement de la flotte sous-marine de la Royal Navy [avec les SNA Astute et les SNLE Dreadnought], acquérir cinq frégates de taille intermédiaire de type 31, moderniser le segment des blindés médians de la British Army, achever l’achat de F-35, financer le programme d’avion de 6e génération Tempest, trouver une alternative au système européen de géolocalisation Galileo [mais les Américains y pourvoiront] ou encore investir massivement dans les capacités cyber. Et on passe sur le renouvellement des missiles de tout type, la remise à niveau des chars Challenger 2, l’acquisition de 26 drones MALE Protector et celle d’avion de patrouille maritime P-8 Poseidon, etc…

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