Selon l’ONU, l’EI est encore capable de commettre un attentat de « grande envergure dans un avenir proche »

« L’armée des États-Unis, nos partenaires de la coalition et les Forces démocratiques syriennes ont libéré la quasi-totalité des territoires auparavant contrôlés par l’EI en Syrie et en Irak », a une nouvelle fois assuré le président américain, Donald Trump, à l’issue d’une réunion organisée à Washington pour évoquer la suite des opérations anti-jihadistes au Levant, le 7 février.

« L’annonce formelle que nous avons repris 100% du califat devrait intervenir la semaine prochaine », a ensuite ajouté le chef de la Maison Blanche. , « Je ne veux pas l’annoncer trop tôt », a-t-il toutefois admis, avant d’assurer qu’il ferait « tout pour jusqu’au dernier membre de la folie de l’EI. » Pour autant, il n’est pas question de revenir sur sa décision de retirer les soldats américains de Syrie, malgré un récent rapport du Pentagone ayant estimé que « sans pression anti-terroriste », Daesh pourrait mettre « 6 à 12 mois » pour reconquérir un territoire.

« La chute du califat territorial est imminente. Nul ne se hasarde à des prédictions – car qui a observé le conflit toutes ces dernières années sait qu’il y a des respirations, des accélérations, des à-coups dans les offensives. Mais les jihadistes sont acculés, dispersés, contraints de changer de tactique et de retourner aux pratiques de la clandestinité. Ils ont perdu leur logistique, leurs finances, leurs communications. Ils ont perdu leur prestige, donc leur recrutement. Ils ont perdu leur moral, donc leur vigueur », a déclaré Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’une allocution prononcée devant un détachement de la force Chammal, à Bagdad, le 8 février.

Mais ces jihadistes « sont encore très dangereux » car « c’est dos au mur qu’ils mordent le plus fort, pour tenter d’enrayer le récit de leur fin », a avancé la ministre. « C’est un combat d’une génération. Les plaies ne seront pas pansées du jour au lendemain. Daesh aura déserté toutes les villes, mais pas tous les cœurs », a-t-elle encore prévenu.

Cela étant, le dernier rapport sur l’EI remis au Conseil de sécurité par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, ne dit pas autre chose, même s’il est nettement plus prudent au sujet des capacités de l’organisation jihadiste.

« Dans une large mesure, l’EI s’est déjà transformé en un réseau clandestin en Irak, où il privilégie les opérations locales. Il connaît une phase de transition, d’adaptation et de consolidation, entendant préparer son retour. Il constitue des cellules à l’échelle provinciale où il reproduit les fonctions essentielles de commandement. Les réseaux provinciaux devraient devenir autonomes financièrement, même s’ils reçoivent toujours un financement limité de la part de la structure centrale », avance ce rapport.

Ces cellules, détaille le document, devraient pouvoir s’auto-financer via l’extorsion, l’enlèvement contre rançon ou d’autres activités criminelles. « Le groupe conserve des informations sur les populations locales, qui pourraient être utilisées dans le cadre de futures opérations visant à extorquer ou à soutirer de quelque façon des financements de zones qui étaient précédemment sous son contrôle », est-il expliqué dans le document.

En outre, la frontière entre l’Irak et la Syrie reste poreuse, à en croire ce document, étant donné que les cellules irakiennes de Daesh ont été « renforcées par un flux net de combattants arrivant de la République arabe syrienne ». Toutefois, le rapport estime que le réseau syrien de l’organisation jihadiste « se transforme à son tour pour devenir semblable » à celui déjà formé esur le territoire irakien.

« Dans les deux pays, l’EI essaiera d’attiser les tensions sectaires et de se poser en champion des populations marginalisées. Il tentera de provoquer ou d’aggraver des défaillances en matière de stabilisation, de reconstruction, de prestation de services et de traitement des détenus, de façon à renforcer l’appui en faveur de sa rhétorique du rejet », affirme le rapport de M. Guterres.

Aussi, l’EI s’est donné comme objectifs pour « l’après califat » de « compromettre les activités de stabilisation et de reconstruction », de « s’en prendre aux efforts de reconstruction des infrastructures » et « d’empêcher le développement économique. »

En outre, Daesh dispose toujours de moyens encore relativement importants, le montant de ses réserves financières étant estimé à 300 millions de dollars au maximum. « Si ses pertes de territoire l’ont privé de certaines sources de revenus, elles ont aussi réduit certaines de ses dépenses, et il devrait pouvoir subvenir à son propre fonctionnement », prévient le rapport, qui précise que l’organisation jihadiste a anticipé ses défaites militaires en cachant de « grandes quantités d’espèces dans sa zone centrale d’activités » et en en faisant passer « clandestinement dans les pays voisins pour les mettre en lieu sûr. »

« Les actifs financiers de l’EI », dont certains ont probablement été investis de « manière légitime », auraient été « en grande partie dissimulés, dans le but stratégique de financer des attentats à plus grande échelle quand l’occasion se représentera », révient le document, qui précise que l’organisation a su conserver une « compétence financière et informatique susceptible d’être utilisée aux fins de la réalisation de ses objectifs ».

Par ailleurs, si le nombre d’attentats qui ont été attribués a diminué au cours de ces deux dernières années, le rapport de l’ONU estime que l’EI « demeure de loin le groupe terroriste international le plus actif et le plus à même de commettre un attentat complexe de grande envergure dans un avenir proche. » Et d’ajouter qu’il « souhaite toujours commettre des attentats visant des avions et utiliser des substances chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. »

Cependant, il ne faut pas oublier que l’EI ne se concentre pas seulement dans la zone irako-syrienne. Depuis 2014, plusieurs groupes lui ayant fait allégeance sont devenus très actifs, que ce soit en Afrique, dans la région afghano-pakistanaise ou encore en Asie du Sud-Est. Ce qui en fait une organisation globalisée.

« L’EI n’en reste pas moins une organisation mondiale dotée d’un commandement centralisé. Il continuera de financer et de diriger ses affiliés dans la mesure de ses capacités réduites parce qu’il veut avant tout prouver sa pertinence et revendiquer la direction d’un ‘califat mondial' », insiste le document. Or, si cette organisation jihadiste « se retrouve dans un environnement permissif et se consacre de nouveau à la planification d’opérations extérieures », alors « une résurgence des attentats ‘dirigés’ est à prévoir », prévient-il.

Dans ce contexte, la question des combattants étrangers de l’EI pose un vrai problème. Ceux qui « quittent la zone de conflit » ou ceux « rentrés dans leur pays qui reprennent du service parce
qu’ils sont sortis de prison ou pour d’autres raisons » vont « accentuer cette menace », souligne le rapport. « Le traitement des personnes à la charge de ces combattants est particulièrement complexe. Les femmes radicalisées et les mineurs traumatisés peuvent aussi constituer une menace de taille », souligne-t-il.

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