Blindés : Arquus a vu son chiffre d’affaires progresser de 25% en 2018

Changement de nom, alliance avec AM General pour s’ouvrir le marché américain, inauguration de la plateforme logistique de Fourchambault, qui sera centrale pour le programme SCORPION dans lequel il est fortement impliqué, livraison à l’armée de Terre de 500 VT4 [le remplaçant de la P4, ndlr], le groupe Arquus [ex-Renault Trucks Defense] aura connu une année 2018 chargée. Et ses orientations stratégiques sont payantes.

En effet, selon son Pdg, Emmanuel Levacher, ce spécialiste de l’armement terrestre devrait afficher 500 millions de chiffres d’affaires pour 2018, soit un montant en hausse de 25% par rapport à l’année précédente. À ce chiffre, il convient d’ajouter celui des prises de commande, qui ont atteint, l’an passé, 1,27 milliard [dont 700 millions fermes et 46% à l’exportation], notamment grâce à la signature du contrat belge CaMo pour lequel il fournira les chaînes cinématiques des Griffon et autres Jaguar commandés par Bruxelles.

Avec ses contrats en France [SCORPION, VT4], Arquus peut s’appuyer sur un carnet de commandes de 6 milliards d’euros, ce qui représente 12 ans d’activité. Cela étant, s’agissant de l’exportation, le groupe doit composer avec les bâtons dans les roues que lui mettent les autorités allemandes.

Ainsi, en octobre 2018, Challenges avait révélé que, malgré les accords Debré-Schmidt de 1971 et 1972 censés éviter ce genre de pratique, Berlin bloquait la livraison de composants fabriqués outre-Rhin et utilisés par des blindés fabriqués par Arquus. Et cela parce que ces véhicules étaient destinés à des pays du Moyen-Orient [principalement à l’Arabie Saoudite, ndlr], pour lesquels l’Allemagne impose des restrictions dans le domaine de l’armement.

Si la position allemande peut se justifier à l’aune de l’affaire Khashoggi [du nom de ce journaliste assassiné en Turquie, ndlr], elle est plus difficilement compréhensible quand elle concerne d’autres pays, comme l’Indonésie et l’Inde, où les groupes français ont récemment décroché des contrats. Et cela d’autant plus que Berlin a récemment accordé une licence d’exportation pour un système naval antimissile navals destiné au Qatar.

D’après La Tribune, M. Levacher a expliqué qu’il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’interdiction de la part du gouvernement allemand, mais de « délais d’instruction extrêmement longs » avant de donner ou non son feu vert. Pour contourner ce problème, Arquus se tourne donc vers d’autres fournisseurs, notamment aux États-Unis. C’est ainsi le cas pour certains moteurs civils qui, acquis auprès de Caterpillar, sont ensuite « militarisés ».

Mais à l’avenir, Arquus entend s’épargner de tels désagréments en misant sur l’innovation, qui représente 4% de son chiffre d’affaires. Sur son site, l’industriel explique en effet que sa stratégie en la matière « s’articule autour des transmissions électriques ou hydrides, de l’architecture logicielle, de l’automatisation et de la robotisation ou encore de la connectivité des plateformes. » Et son objectif est de « devenir la référence mondiale en matière de mobilité de défense terrestre hybride automatisée et connectée », en intégrant ses trouvailles technologiques à la prochaine génération de blindés de reconnaissance et de combat et de véhicules logistiques.

Et s’il n’est pas directement concerné par le futur char franco-allemand [MGCS, Main Ground Combat System], rapporte l’Usine Nouvelle, Arquus estime qu’il peut apporter sa pierre à l’édifice, via des briques technologiques qu’il aura développées.

Cela étant, à l’heure de la consolidation de l’industrie de l’armement terrestre, et malgré ses 1.500 salariés et 5 sites en France, ainsi que son portefeuille d’activités, Arquus, qui fournit par ailleurs 90% des véhicules à roue de l’armée de Terre, fait figure de « petit Poucet » au regard des entreprises européennes du secteur.

« Notre industrie est encore fragmentée en Europe. La consolidation va se poursuivre, mais pas seulement en franco-français ou franco-allemand », explique M. Levacher dans les colonnes du Figaro. Pour autant, Arquus est « ouvert à des partenariats ou alliances » à la condition que la « rationalité économique et technologique soit avérée », a-t-il ajouté.

Et, a priori, Arquus est sceptique à l’idée de rejoindre éventuellement l’alliance formée par Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, via la co-entreprise KNDS. C’est une « option parmi d’autres », estime M. Levacher. Mais une « option » qui pourrait avoir un impact social négatif…

Reste que, avec la volonté de Rheinmetall de mettre la main sur les 50% que détient KMW au capital de KNDS [une initiative soutenue par Berlin], Paris cherche à préserver l’équilibre franco-allemand. Ce qui passerait par l’apport de nouveaux actifs. D’après le Figaro, Arquus pourrait en faire partie, au même titre qu’Eurenco et les activités de Thales dans l’armement terrestre.

Photo : 1- le VAB « Electer », à propulsion hybride, préfigure la prochaine génération de blindés d’Arquus (c) Arquus

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]