La Macédoine du Nord invitée à signer le protocole d’adhésion à l’Otan

Pendant 27 ans, la Grèce a systématiquement mis son veto à l’adhésion de la Macédoine à l’Otan et à l’Union européenne parce que petit pays des Balkans occidentaux portait le même nom que l’une de ses régions. Cette affaire, qui aura cristallisé les passions de part et d’autre de la frontière durant toutes ces années, a connu une avancée cruciale en juin 2018, avec la signature de l’accord de Prespa par le Premier ministre macédonien, Zoran Zaev, et son homologue grec, Alexis Tsipras.

Ainsi, il a été convenu que cet ancien pays de la « République fédérative socialiste de Yougoslavie » s’appellerait dorénavant la « Macédoine du Nord ». Ce qui a suscité de vives oppositions, tant à Skopje qu’à Athènes.

Pour entériner cet accord, il a donc fallu gagner plusieurs batailles politiques tout en composant avec des interférences russes, Moscou voyant d’un mauvais oeil la possible adhésion de Skopje à l’Otan et à l’UE.

Le 30 septembre 2018, et contre l’avis du président Gjorge Ivanov, proche de la droite nationaliste, le gouvernement macédonien a d’abord organisé un référendum consultatif sur cet accord, lequel a été approuvé par 90% des votants. Seulement, la faible participation [36%] n’aura pas permis de valider le résultat de ce scrutin.

La « bataille » s’est alors jouée au Parlement, où M. Zaev ne disposait initialement pas de la majorité qualifiée requise pour ratifier l’accord. Finalement, le 11 janvier, et grâce à la défection de quelques députés de l’opposition et à l’appui d’élus des partis de la minorité albanaise, l’accord a été adopté à une voix près [81 sur les 80 nécessaires].

En Grèce, M. Tsipras a dû affronter la même opposition. En octobre, son ministre des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, a remis sa démission. Puis, en janvier, le parti souverainiste des Grecs indépendants, présidé par Pános Kamménos, alors ministre de la Défense, a quitté la coalition gouvernementale.

Malgré une chute de popularité dans les sondages et d’importantes manifestations, le Premier ministre grec a néanmoins remporté, de justesse, un vote de confiance à l’Assemblée, laquelle a ensuite validé l’accord de Prespa à une très courte majorité [153 voix pour, sur 300 députés].

« C’est un jour histo­rique. Aujourd’hui, nous écrivons un nouveau chapitre pour les Balkans », s’est alors réjoui, le 25 janvier, M. Tsipras. « La République de Macédoine du Nord sera un pays ami, allié de la Grèce dans ses tentatives pour sécuriser, stabiliser et développer la région », a-t-il aussi fait valoir.

Désormais, plus rien ne s’oppose à l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne et à l’Otan. Cela étant, peu après la signature de l’accord de Prespa, le Conseil de l’UE avait déjà décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion de Skopje.

En juillet 2018, lors de son sommet organisé à Bruxelles, l’Otan a formellement invité la Macédoine du Nord à la rejoindre.

« La porte de l’Otan est et restera ouverte. Nous sommes convenus d’inviter le gouvernement de Skopje à commencer des discussions d’adhésion », avait déclaré Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique. « Une fois que toutes les procédures nationales auront été terminées pour finaliser l’accord sur le nom, le pays rejoindra l’Otan en tant que 30e membre », avait-il ajouté.

Le processus de ratification de l’accord de Prespa étant terminé, l’Otan n’aura pas tardé à inviter Skopje à la rejoindre. Le 6 février, la Macédoine du Nord signera en effet le protocole d’adhésion à l’Alliance.

« Le 6 février, nous écrirons l’histoire », s’est félicité M. Stoltenberg. « La cérémonie aura lieu au siège de l’Otan, en présence du ministre macédonien des Affaires étrangères », a-t-il précisé dans un communiqué.

Pour autant, ce processus d’adhésion s’annonce long et une nouvelle fois compliqué. Il faudra que ce protocole soit ratifé par les États membres de l’Otan, ce qui peut prendre au moins un an, comme cela a été le cas pour le Monténégro, le 29e et dernier pays à avoir rejoint l’Alliance. En attendant, la Macédoine du Nord sera invitée à participer aux réunions mais n’aura pas, pour le moment, son mot à dire.

Et M. Zaev aura aussi à livrer bataille au sein de son propre Parlement. Et c’est sans compter sur les manifestations que ne manquera pas d’organiser l’opposition nord-macédonienne, sachant que l’adhésion de Skopje à l’Otan est loin de faire consensus.

Cela étant, l’intérêt de l’Alliance et de l’Union européenne pour la Macédoine du Nord ne saute pas aux yeux. Enclavé, ce pays fait partie des plus pauvres d’Europe. Et ses forces armées sont très modestes, disposant d’équipements hérités de la période yougoslave [ce qui supposera un effort financier important pour les moderniser et les rendre interopérables].

Mais pour l’Otan, une adhésion de la Macédoine du Nord permettra d’éviter les tensions entre Macédoniens et Albanais, de « renforcer la paix et la stabilité » dans les Balkans occidentaux [avec une Serbie isolée], et d’y réduire l’influence russe.

En autre, d’autres considérations sont à prendre en compte, comme par exemple le projet de gazoduc « Turkish Stream », qui, partant de Russie, doit traverser la mer Noire, la Turquie et la Macédoine du Nord afin de livrer 31,5 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe (en particulier l’Autriche et la Hongrie).

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