L’Allemagne écarte le F-35A et le F-15 pour remplacer ses chasseurs-bombardiers Tornado

Étant donné que la Royal Air Force et l’Aeronautica Militare vont se séparer de leurs chasseurs-bombardiers Panavia Tornado pour les remplacer, à brève échéance, par des F-35 du constructeur américain Lockheed-Martin, la force aérienne allemande [Luftwaffe] pourrait faire face à des « risques techniques, logistiques et financiers significatifs » pour maintenir les siens en état de vol, notamment parce que l’approvisionnement en pièces de rechange serait rendu plus compliqué et coûteux. Le maintien de ces appareils au-delà de 2030 pourrait en effet coûter environ 8 milliards d’euros.

D’où une procédure lancée en 2017 afin de remplacer ces appareils mis en service depuis bientôt 40 ans. Quatre modèles furent alors retenus : l’Eurofighter Typhoon [tranche 4], le F-15 SE et le F/A-18 Super Hornet de Boeing ainsi que le F-35A de Lockheed-Martin.

En novembre 2017, le général Karl Müllner, qui était alors le le chef d’état-major de la Luftwaffe, ne cacha pas sa préférence pour le F-35A. « Pour remplacer leurs Tornado, les forces allemandes ont besoin d’un avion de cinquième génération, difficile à détecter par les radars ennemis et capable de frapper des cibles à grande distance », avait-il assuré, quelques mois avant d’être mis à la retraite.

Dans le même temps, et comme l’Allemagne fait partie des plans nucléaires de l’Otan, les États-Unis firent valoir que la Luftwaffe devait se doter d’un appareil pouvant emporter la bombe nucléaire tactique B-61 et capable de déjouer des défenses aériennes « avancées ». En clair, sous cet angle, le choix du F-35A passait donc pour être le plus judicieux.

D’autant plus que certifier l’Eurofighter Typhoon pour des missions nucléaires demanderait « des années » [de 7 à 10 ans, ndlr] et quelques centaines de millions d’euros. Ce que Washington fit savoir à Berlin, en assurant que la certification nucléaire du F-35 serait logiquement prioritaire.

En outre, comme plusieurs pays européens ont choisi le F-35 pour moderniser leur aviation de combat, certains estimèrent que Berlin devait en faire en de même afin d’ouvrir la voie à de possibles mutualisations.

Seulement, le projet franco-allemand de Système de combat aérien futur [SCAF] a changé la donne. En effet, Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space, avait prévenu : le choix du F-35 porterait un rude coup à l’industrie européenne et « toute coopération avec la France sur les questions d’avions de combat sera morte. »

Et probablement que cela a joué dans la décision que vient de confirmer le ministère allemand de la Défense. En effet, Berlin a finalement retenu deux candidats possibles pour remplacer les Panavia Tornado… Et le F-35A n’en fait pas partie, pas plus que le F-15 SE.

Ainsi, tout se jouera donc entre l’Eurofighter Typhoon et le F/A-18 Super Hornet. Visiblement, Berlin s’est rangé aux arguments mis en avant par Airbus [membre du consortium Eurofighter] et Boeing, lesquels firent valoir que leurs appareils étaient parfaitement aptes à assurer des missions nucléaires s’ils étaient accompagnés d’avions de guerre électronique.

« La furtivité ne représente que 10% du mix de capacités. Nous sommes encore meilleurs sur les 90% restants », avait en effet souligné Raffael Klaschke, un responsable d’Eurofighter.

Cela étant, Boeing a une belle carte à jouer. « Le gouvernement fédéral a l’intention de maintenir cette participation nucléaire à l’avenir. Cependant, la certification de l’avion porteur relève des États-Unis », relève le site spécialisé allemand AugenGeradeaus.

Si le F/A-18 Hornet est déjà certifié pour les missions nucléaires, ce n’est pas encore le cas du F/A-18 Super Hornet. Néanmoins, estime AugenGeradeaus, le choix d’un avion américain pourrait faciliter les choses auprès de Washington.

« De plus, le F/A-18 est proposé dans une version de guerre électronique [E/A-18 Growler, ndlr]. C’est ce dont la Luftwaffe a besoin, car la Bundeswehr a enregistré cette capacité au sein de l’Otan », explique AugenGeradeaus. Or, cette dernière reste encore à développer pour le Typhoon.

Toutefois, une autre piste pourrait être privilégiée : conserver les Tornado utilisés pour les missions nucléaires de l’Otan pendant encore quelques années. Cette hypothèse a en effet été avancée par Karl-Heinz Kamp, le président de l’Académie fédérale des politiques de sécurité, qui dépend du gouvernement allemand.

Cependant, et quelle que soit la décision au sujet du successeur du Tornado, Berlin commandera, pour plus de 3 milliards d’euros, 33 Eurofighter Typhoon de la tranche 4 pour remplacer ceux de la tranche 1 actuellement en service au sein de la Luftwaffe.

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