Mme Parly explique ce qu’il faut entendre par « armée européenne »

Quand, à l’antenne d’Europe1, le 6 novembre dernier, le président Macron a évoqué l’idée d’une « vraie armée européenne » sans avoir eu le temps de préciser sa pensée, nombreux ont été les commentateurs et les éditorialistes à y voir un retour du projet de « Communauté européenne de défense » [CED], qui fit long feu dans les années 1950.

Et, beaucoup ont estimé, non sans raison, que de créer une « armée européenne », au sens strict du terme, était impossible au regard des règles d’engagements propres à chaque État membre de l’Union européenne ainsi que des différences culturelles, capacitaires, historiques et doctrinales. C’est, d’ailleurs, ce qu’a récemment rappelé le général Marc Compernol, le chef de la Défense belge, dans un entretien donné au quotidien Le Soir. « S’entrainer à intervenir ensemble en ayant le même matériel, oui. Par contre je ne crois pas à une armée européenne sous la même bannière, comme celle des Etats-Unis », a-t-il dit.

D’autres, certes moins nombreux que les premiers, ont en revanche laisser libre court à leur imagination, voyant déjà, non sans un certain enthousiasme, s’installer à Bruxelles un « Comité de défense européen »…

Plus tard, le président Macron a eu l’occasion de s’expliquer sur l’expression qu’il avait utilisée précédemment. Dans son esprit, il n’est nullement question de créer une armée fédérale au service de l’UE mais d’arriver à construire une « vraie capacité de défense européenne », qui plus est autonome par rapport aux États-Unis. D’où l’Initiative européenne d’intervention [IEI] portée par la France, afin de développer une culture stratégique commune entre les pays du Vieux continent volontaires pour y participer.

Et c’est ce qu’a expliqué Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un entretien donné à l’AFP depuis Bucarest, le 31 janvier. « L’expression armée européenne est une image utilisée par le président Macron pour mieux faire comprendre ce que l’Union européenne fait pour sa défense », a-t-elle en effet affirmé.

« CSP [coopération structurée permanente], Fonds de défense, personne ne comprend. Parler d’armée permet de faire comprendre que l’UE veut être en mesure d’assurer sa propre sécurité », a ensuite expliqué Mme Parly.

En tout cas, ce projet européen ne plaît pas à tout le monde. Le président américain, Donald Trump, n’a en effet pas manqué l’occasion d’en dire tout le mal qu’il en pensait tandis que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a multiplié les mises en garde. Comme encore le 30 janvier. « Il est hors de question que l’UE se substitue à l’Otan. Elle doit être complémentaire, pas concurrente », a-t-il dit, en arrivant à Bucarest, où il était invité à assister à une réunion des ministres de la Défense de l’UE.

« L’Otan reste la pierre angulaire de la défense collective. Tout ce que nous faisons dans l’UE, nous le faisons en complément, pas en concurrence avec l’Otan », a une nouvelle fois affirmé Mme Parly. « Mais il y a des débats sur les modalités », a-t-elle dit.  »

« On ne peut pas exiger de l’UE qu’elle augmente ses contributions pour sa défense et s’offusquer du fait que les Européens s’organisent pour le faire » et « si le message est payer plus pour acheter Américain, alors certains Européens ne seront pas nécessairement d’accord avec cette ligne », a fait valoir la ministre française.

Cela étant, l’autonomie stratégique européenne avance, même si elle « prendra du temps », comme l’a souligné Mme Parly, pour entrer dans les faits. « 17 nouveaux projets ont été lancés dont certains très importants, comme la modernisation de l’hélicoptère d’attaque franco-allemand Tigre », a-t-elle rappelé.

En outre, la Commission européenne a lancé un fonds Européen de défense, dont la dotation doit être portée à 13 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Et l’Initiative européenne d’intervention, qui est hors cadre de l’UE, mobilise 10 pays, dont le Royaume-Uni et le Danemark [ce pays ne participe pas à la politique européenne de sécurité et de défense, ndlr].

« Le Royaume-Uni a été parmi les premiers à adhérer à cette initiative », a souligné Mme Parly. « Mon espoir est que le jour où il quittera l’UE, il restera déterminé à poursuivre cette coopération dans un cadre différent », a-t-elle avancé.

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