Paris n’exclut plus un retour des jihadistes français capturés en Syrie par les Kurdes

Pendant longtemps, la solution au problème posé par les jihadistes français de l’État islamique [EI ou Daesh] pouvait être résumée par les propos tenus en 2017 [et répétés depuis] par Florence Parly, la ministre des Armées, alors que la Turquie venait de remettre à la France un certain Jonathan Geffroy [alias Abou Ibrahim al Faransi, voir photo ci-dessus], un « émir » de l’organisation terroriste fait prisonnier lors des combats d’al-Bab, en Syrie.

« Ce que nous voulons, c’est aller au bout de ce combat [contre Daesh] et bien sûr si des jihadistes [français] périssent dans ces combats, je dirais que c’est tant mieux », avait déclaré la ministre, sur les ondes d’Europe1, en octobre 2017.

Pour les jihadistes capturés lors des combats, la solution était également simple. « Ils sont destinés, s’ils sont détenus, à être jugés par les tribunaux soit en Irak soit en Syrie […] Pour l’instant on n’a jamais envisagé qu’ils soient jugés ailleurs que sur place », avait expliqué le Quai d’Orsay, quelques semaines plus tard.

Et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en avait donné la raison. « Ils savaient très bien ce pour quoi ils se rendaient sur place, c’est-à-dire pour combattre avec Daesh. Donc ce sont des ennemis, ils ont combattu la France. Ils ont contribué à faire en sorte qu’il y ait des attentats dans ce pays », avait-il en effet justifié.

Seulement, la perspective d’un retrait américain de Syrie change la donne, même si ce dernier doit se faire à un « rythme adapté » et de « façon prudente », comme s’y est résolu le président Trump. En effet, les rapports de force sur le terrain risque de changer, avec une possible offensive turque contre les milices kurdes syriennes… D’où le risque de voir à nouveau dans la nature ces jihadistes de l’EI fait prisonniers lors des combats en Syrie.

Aussi, le Quai d’Orsay a indiqué, ce 29 janvier, n’exclure aucune option à l’endroit des jihadistes – hommes et femmes – actuellement détenus en Syrie.

« Compte tenu de l’évolution de la situation militaire dans le nord-est syrien […], nous examinons toutes les options pour éviter l’évasion et la dispersion de ces personnes potentiellement dangereuses », a affirmé Agnès von der Mühll , la porte-parole de la diplomatie française. « Si les forces qui ont la garde de combattants français prenaient la décision de les expulser vers la France, ceux-ci seraient immédiatement remis à la justice », a-t-elle ajouté.

Si, a priori, aucune décision allant dans le sens d’un retour de ces militants de Daesh n’a été prise, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a assuré, après avoir souligné que ce sont « d’abord des Français avant d’être des jihadistes », que « tous ceux qui rentreront en France seront judiciarisés et confiés aux juges. » Et, a-t-il ajouté, à l’antenne de BFMTV, « lorsque le juge estimera qu’il faudra les mettre en prison – et ce sera l’essentiel des cas – ils seront mis en prison. »

Alors qu’il était encore secrétaire d’État chargé des Relations avec le Parlement, M. Castaner avait déjà abordé ce sujet lors du Grand Rendez-vous d’Europe1, en mars 2018. « Environ 700 Français sont partis faire le jihad, environ 300 sont morts sur place. Il reste selon nos chiffres 258 adultes qui pourraient revenir. […] Il vaut mieux les suivre, les accueillir, les emprisonner lorsque des actes criminels ont été commis, pour faire en sorte que l’on puisse identifier le risque », avait-il affirmé.

Aussi, un problème qui avait initialement une solution simple risque de devenir insoluble et même accroître la menace terroriste sur le sol national, alors qu’il est estimé que 65% des jihadistes condamnés à de la prison durant la période 2014-2017 pour leur appartenance aux filières syro-irakiennes seront remis en liberté au début des années 2020.

Dans son livre « Les revenants – Ils étaient partis faire le jihad,ils sont de retour en France« , le journaliste David Thomson donne une idée des enjeux que cela représente. Notant que la « plupart des idéologues » sont passés par la case prison et que de nombreuses organisations jihadistes y sont nées, à commencer par Daesh, il explique que « dans ces sphères, cette étape peut devenir un label de qualité et un élément de structuration. »

« C’est une épreuve, certes, mais une épreuve positive pour un esprit jihadiste. D’abord, l’incarcération par ‘l’ennemi’ est vécue comme une réponse naturelle à un discours de vérité qui se voit ainsi conforté. Ensuite, le fait d’être ‘éprouvé’ par les ‘mécréants’ est perçu comme bénéfique, donnant également des ‘points’ pour le paradis’, explique David Thomson.

Quoi qu’il en soit, il n’est pas question pour Paris de ne rien faire. Ainsi, explique Reuters, les autorités françaises redoutent notamment de voir ces jihadistes tomber « entre les mains d’un régime qui pourraient les utiliser comme moyen de pression  » ou les laisser en liberté » pour leur « permettre de disparaître. »

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