La dernière stratégie antimissile américaine propose de déployer de nouvelles capacités dans l’espace

Actuellement, la défense antimissile des États-Unis repose sur des moyens d’alerte précoce, constitués par des satellites [DSP pour Defense Support Programme, remplacés par les SBIR, pour Space-Based Infrared System] et des radars [AN/TPY-2, Sea-Based X-Band Radar ou SBX], ainsi que plusieurs systèmes capables d’intercepter des missiles.

Ce bouclier anti-missile repose sur deux bases mettant en oeuvre des missiles intercepteurs Ground-Based Interceptor [GBI] qui, situées sur la côte ouest des États-Unis [en Alaska et en Californie], doivent permettre de détruire des missiles balistiques intercontinentaux en provenance d’Asie de l’Est [programme GMD pour Ground-based Midcourse Defense, ndlr]. Une troisième pourrait voir le jour sur la côte Est.

Cette défense anti-missile [DAM] s’appuie également sur des destroyers dotés du système de combat AEGIS et de missiles intercepteurs RIM-161 Standard Missile 3 ainsi que sur le THAAD [Terminal High Altitude Area Defense], conçu pour détruire les missiles balistiques de portée intermédiaire dans leur dernière phase d’approche. Enfin, les batteries Patriot PAC-3 complètent ce dispositif.

Par ailleurs, dans le cadre de l’Otan, les États-Unis ont déployé des éléments de leur bouclier antimissile en Europe, notamment deux systèmes « Aegis Ashore » implantés en Roumanie [à Deveselu, qui est déjà opérationnel] et en Pologne [à Redzikowo]. Un centre de commandement est installé à Ramstein, en Allemagne. Enfin, le Japon accueille deux radar d’alerte avancée AN/TPY-2.

À l’heure où les États-Unis et la Russie se renvoient des amabilités au sujet du traité des Forces nucléaires intermédiaires [FNI], que les premiers veulent dénoncer car la second l’aurait violé en développant un missile interdit par ce texte, le président américain, Donald Trump, va dévoiler une nouvelle stratégie en matière de défénse antimissile. Il s’agit ainsi de prendre en compte l’arrivée de nouvelles armes hypersoniques et manoeuvrables, développées par la Chine [WU-14 et Xingkong 2] et la Russie [missile Kinjal, notamment].

Dans ce domaine, les États-Unis ne sont pas en reste, avec leur programme « Conventional Prompt Global Strike » qui, lancé en 2001, doit leur permettre de frapper n’importe quel endroit du globe en moins d’une heure.

Quoi qu’il en soit, et selon un document de 80 pages diffusé auprès des médias par le Pentagone, cette nouvelle stratégie, qui était attendue depuis des mois, Washington entend mettre au point de nouveaux systèmes pour se prémunir de la menace des armes hypersoniques, lesquelles sont, à l’heure actuelle, quasiment impossibles à intercepter une fois qu’elles ont été lancées.

Aussi, pour parer cette menace (mais aussi celle des missiles balistiques « classiques »), cette stratégie recommande de mettre l’accent sur l’amélioration des capacités de détection afin de suivre au plus près de telles armes. Ce qui passera par la modernisation de celles déjà existantes et/ou par le développement de nouvelles. Et l’espace y tiendra un rôle déterminant.

Par exemple, une nouvelle génération de satellites, appelés Next-Generation Overhead Persistent Infrared (Next-Gen OPIR) et capables de détecter des engins hypersoniques, sera mise en orbite à partir de 2021. En août dernier, Lockheed-Martin et Northrop Grumman se sont vus attribuer un contrat de 2,8 milliards de dollars à cette fin. Mais, a priori, le Pentagone veut aller plus loin, avec une « couche de capteurs basés dans l’espace pour aider à donner l’alerte précoce et améliorer le suivi ainsi que la discrimination des missiles lors de leur lancement », a expliqué l’un de ses responsables.

Mais il est aussi question de déployer des moyens d’interception dans l’espace, un projet d’un drone spatial doté de missile et restant en orbite en permanence afin de pouvoir détruire un engin hostile à son apogée, étant évoqué. Mais cela posera des problèmes au niveau du droit international, même si le Traité sur l’Espace n’interdit de placer en orbite que les seules armes nucléaires [et de destruction massive].

« L’espace est la clé de la prochaine étape de la défense antimissile », a résumé un haut responsable de l’administration américaine, cité par ABC News.

Une autre piste consisterait à détruire des missiles hostiles dès leur lancement, ou durant leur phase d’accélération. Ainsi, les « États-Unis Unis renforceraient la défense de leurs alliés et la dissuasion des pays concernés », souligne le document.

Là encore, l’alerte avancée [ou précoce] serait fondamentale. Quant aux moyens pour intercepter et détruire des missiles hostiles, il est question de doter l’avion de combat furtif F-35 d’un nouveau type de missile, notamment pour détruire des engins nord-coréens lors de leur phase de lancement. Le réseau de capteurs de l’appareil développé par Lockheed-Martin pourrait être utilisé pour rechercher et suivre les unités de missiles mobiles.

Le développement de drones équipés d’armes à effet dirigé (lasers) est aussi évoqué. Évoluant à 60.000 pieds d’altitude, ces appareils seraient hors de portée des systèmes de défense aérienne tout en étant en mesure de surveiller de près les sites de lancement.

Mais pour le moment, de tels systèmes restent à inventer. Ce qui supposera des investissements lourds et de mener un effort conséquent en matière de recherche et de développement dans les années à venir.

Photo : Next-Gen OPIR (c) Lockheed-Martin

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