Le BEA-É recommande à l’armée de Terre de doter les hélicoptères Gazelle de dispositifs « anti-abordage »

Vingt-quatre heures après la décision du parquet de Marseille de classer sans suite l’enquête judiciaire relative à la collision, le 2 février 2018, dans le Var, de deux hélicoptères Gazelle de l’École de l’aviation légère de l’armée de Terre [EALAT], le Bureau enquêtes accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État [BEA–É] a rendu public son rapport au sujet de ce drame, qui a coûté la vie trois instructeurs et à deux stagiaires issus du 4e Régiment d’Hélicoptères des Forces spéciales [RHFS].

Ainsi, peu avant d’entrer en collision, les deux hélicoptères avaient décollé du Luc-en-Provence, à 1mn30 d’intervalle, pour réaliser chacun une mission d’entraînement « indépendante » d’entraînement aux techniques d’observation dans les environs de Carcès et de Brignoles.

« Chaque appareil quitte individuellement le circuit d’aérodrome par le secteur des ‘Ubacs1’ à une altitude d’environ 2.000 ft [610 m] et poursuit vers la zone de travail à l’ouest », résume le BEA-É. Ensuite, les Gazelle descendent en basse altitude pour rejoindre leur premier poste d’observation [PO]. Et 8 minutes après leur décollage, les deux hélicopotères « s’abordent à l’extrémité sud du lac de Carcès. »

Selon le rapport du BEA-É, les causes de cette collision « relèvent principalement du domaine des facteurs organisationnels et humains, ainsi que de facteurs environnementaux [soleil] ». Ainsi, avance-t-il, plusieurs éléments ont « ont contribué à la prise en compte insuffisante du risque d’abordage lors de l’exercice. » Et de citer l’absence « de mesures de séparation et de coordination précises pour la phase de cheminement vers les premiers PO [délais indéterminés entre deux décollages, usage non cadré de la fréquence de sécurité, imprécision des directives de déconfliction], de « briefing entre les deux équipages travaillant dans la même zone », et « d’anticipation , lors de la construction de l’exercice, des trajectoires potentiellement conflictuelles des cheminements vers les premiers PO. »

En outre, poursuit le BEA-É, d’autres éléments ont fait que les équipages des deux hélicoptères n’ont pas pu se « détecter » mutuellement.

Le rapport évoque le « sentiment erroné de protection dans le secteur VOLTAC [vol tactique, ndlr], les limites du principe « voir et éviter », la « conscience erronée de la situation, chez les moniteurs, de leur position l’un par rapport à l’autre », l’absence d’information des stagiaires, par les moniteurs, de la présence d’un autre hélicoptère dans la zone », « l’éblouissement de l’équipage » de la Gazelle n°1 « par le soleil pendant le dernier virage à gauche », le « temps disponible insuffisant pour que l’équipage » Gazelle n°2 réagisse à l’apparition de l’autre appareil surgissant de la droite », la « probable captation de l’attention des équipages au détriment de la surveillance du ciel », et, enfin de « l’absence à bord des Gazelle d’un dispositif d’alarme anti-abordage. »

Ce dernier point semble d’autant plus important que BEA-É évoque l’hypothèse selon laquelle « les montants du cockpit des Gazelle masquaient l’autre appareil ». Et d’ajouter : « Ils ont pu empêcher les équipages de détecter la présence de l’autre hélicoptère, notamment si le masquage intervient au moment où l’équipage regarde en direction de l’autre hélicoptère. Ceci est d’autant plus probable qu’aucun des équipages n’ayant conscience de la proximité de l’autre, le temps d’observation sur le côté a alors pu être réduit à quelques fugaces instants. »

L’objet de tels rapports est d’améliorer la sécurité des vols. Aussi, le BEA-É a formulé plusieurs recommandations à l’armée de Terre afin d’éviter qu’un drame de ce type puisse se reproduire à l’avenir.

La première vise à mettre en place « des mesures de séparation entre hélicoptères cheminant vers une même zone de travail en imposant un délai un minimum entre les décollages » ou, si cela n’est pas possible en raison de contraintes opérationnelles, d’adopter un « mode coordonné de déconfliction, acté lors d’un briefing commun entre équipages, incluant des itinéraires séparés, un contact radio obligatoire et une subdivision des zones attribuées. »

Il est également recommandé à l’EALAT de reformuler ses consignes permanentes opérationnelles [CPO] en insistant sur la « nécessaire vigilance du vol à vue » en Circulation aérienne militaire tactique [CAM T] et de revoir « la construction des exercices […] en intégrant la prévention du risque d’abordage, notamment pour la phase de cheminement vers les premiers points d’observation ».

Enfin, parmi les autres mesures, le BEA-É recommande à l’armée de Terre d’étudier, en liaison avec la Direction générale de l’armement [DGA], la « possibilité d’équiper ses hélicoptères de
moyens techniques de prévention des abordages » ainsi que l’accélération « de l’équipement [des Gazelle] d’enregistreur de données d’accidents (paramètres et voix, ou vidéo) ». Les deux appareils entrés en collision l’an passé n’en étaient pas pourvus.

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