La Roumanie suspend un appel d’offres pour 4 corvettes, alors que Naval Group était donné gagnant

Depuis le 1er janvier, la Roumanie assure la présidence tournante de l’Union européenne, laquelle aura à faire face à plusieurs échéances cruciales, comme le Brexit. Or, ce pays connaît actuellement une crise politique majeure, en raison d’une réforme judiciaire controversée dans la mesure où son objectif est d’assouplir le code pénal, ce qui risque d’affaiblir la lutte contre la corruption et de saper, rien de moins, l’État de droit.

Visiblement, la majorité, incarnée par le Parti social-démocrate [PSD], entend mettre au pas les magistrats spécialisés dans les affaires de corruption. Soupçonné d’abus de pouvoir et de détournement de fonds européens, l’homme fort de cette formation politique, Liviu Dragnea, est à la manoeuvre, n’ayant pas pu devenir Premier ministre à l’issue des élections de 2016, car condamné à deux ans de prison avec sursis pour fraude électorale. Mais cela ne l’a nullement empêché de devenir le président de la Chambre des députés, ce qui lui permet de souffler les réformes au gouvernement et de militer en faveur d’une loi d’amnistie.

Ainsi, depuis deux ans, ce dernier a tout fait pour entraver les enquêtes portant sur des faits de corruptions. En juillet 2018, Laura Codruta, a été limogée alors qu’elle dirigeait parquet anti-corruption. Officiellement, pour avoir « enfreint la Constitution ». Officieusement, pour avoir inscrit à son tableau de chasse plus de 3.000 fonctionnaires et responsables politiques roumains, dont deux anciens Premiers ministres issus du PSD.

C’est donc dans ce contexte bien particulier que Bucarest a lancé un appel d’offres pour doter ses forces navales de quatre nouvelles corvettes. Trois industriels européens y ont répondu : le français Naval Group [avec les navires de la classe Gowind], le néerlandais Damen et l’italien Fincantieri.

Parmi ces trois industriels, le gouvernement roumain aurait une préférence marquée pour Damen, associé au chantier naval roumain Galati, dont il détient 49% du capital [les 51% restants appartenant à l’État roumain]. Seulement, il se trouve que Naval Group, allié à Santierul Naval Constanta, a remis, selon les médias roumains, l’offre la plus compétitive.

Dans ces conditions, il est difficile pour le gouvernement roumain de ne pas accorder le contrat à Naval Group aux dépens de Damen. Aussi joue-t-il la montre, multipliant les artifices pour retarder l’annonce du vainqueur de cet appel d’offres.

Ce dernier aurait dû être annoncé ce 12 janvier. Mais ce ne sera pas le cas puisque le ministère roumain de la Défense a fait connaître sa décision de suspendre l’appel d’offres, en invoquant des « soupçons d’illégalités ». Plus précisément, il a indiqué avoir « saisi le parquet militaire, sur la base de soupçons raisonnables quant au déroulement en parfaite légalité de cette procédure », y voyant « un risque pour l’intérêt national de sécurité. »

Mais pour la presse roumaine, ce ne serait qu’un prétexte (un de plus) pour ne pas attribuer le contrat à Naval Group. Et d’y voir des « intêrets politiques »…

En attendant, au regard des tensions en mer Noire, la modernisation de la marine roumaine est l’une des priorités de Bucarest. Actuellement, la flotte roumaine repose essentiellement sur trois frégates anciennes [dont deux ayant appartenu à la Royal Navy et une de conception locale], quatre frégates légères et trois corvettes de type « Tarantul » héritées de la période soviétique.

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