Les groupes armés centrafricains s’approvisionnent en armes et en munitions au Soudan

Lors d’un déplacement à Bangui, en décembre, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait déclaré que Paris ne voyait « aucun obstable de principe » pour lever définitivement l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies. « Ce qui est important c’est que ces armes, dès lors qu’elles seront livrées aux forces armées centrafricaines, puissent être identifiées, stockées et tracées », avait-elle souligné.

En effet, la question d’une levée de cet embargo se pose étant donné que les différents groupes armés centraficains, issus pour l’essentiel de l’ex-coalition rebelle de la Séléka, n’ont apparemment aucune difficulté pour se procurer des armes.

En outre, s’ils affirment, la main sur le coeur, qu’ils sont prêts à négocier un accord de paix avec le gouvernement centrafricain, ces mêmes groupes se gardent de mettre en oeuvre la « moindre mesure concrète sur la voie du désarmement », souligne ainsi le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la Centrafrique.

« Les chefs de l’ex-Séléka manifestent une opposition de plus en plus farouche au Gouvernement dans le contexte du redéploiement des Forces armées centrafricaines (FACA) dans leurs zones d’influence. Ils estiment que le redéploiement dans ces zones ne devrait avoir lieu qu’après signature d’un accord global », est-il expliqué dans le document.

En effet, ces groupes armés, qui continuent de semer le chaos et la désolation, n’ont nullement l’intention de voir leurs « intérêts économiques contrariés de quelque manière que ce soit » et de se retirer de régions où ils peuvent profiter de la manne que constitue l’exploitation des ressources naturelles.

Aussi, avance le rapport, « soucieux de consolider leur position militaire en prélude au dialogue et de se préparer à d’éventuels affrontements avec les forces nationales de défense et de sécurité, les groupes de l’ex-Séléka ont continué de se procurer des armes. »

Pour cela, ces groupes armés ne manquent pas de moyens. La production de pierres précients en est un exemple. Entre janvier et septembre 2018, la Centrafrique a exporté 9.228 carats de diamants bruts provenant de cinq sous-préfectures déclarées conformes dans le cadre du Processus de Kimberley [mis en place en 2003 pour mettre un terme au commerce international des « diamants du sang », ndlr]. Or, selon une étude réalisée en 2017, la production annuelle du pays est évaluée à 330.00 carats… Il n’est guère difficile de comprendre où va la différence…

Ainsi, parmi les groupes issue de l’ex-Séléka, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique [FPRC, du chef de guerre Nourredine Adam] et l’Union pour la Paix en Centrafrique [UPC, dirigé par Ali Darrass] vont se fournir en armes au Soudan.

« Devant l’intensification de l’entraînement, du réarmement et du déploiement des FACA et des forces de sécurité intérieures, et faute d’un accord politique déterminant les conditions de l’intégration des groupes armés aux forces de défense et de sécurité nationales, l’ex-Séléka considère qu’elle doit continuer de renforcer ses propres moyens militaires », explique le rapport des experts de l’ONU.

Et ces derniers ont donc constaté un « afflux d’armes en provenance du Soudan ». Et, depuis janvier 2018, « il est de plus en plus fréquent de voir des combattants de l’UPC et du FPRC armés de pistolets et de fusils d’assaut de type AK, ainsi que de lance-roquettes et de mitrailleuses montés sur leurs véhicules », avancent-ils.

Cadre militaire du FPRC, Abdoulaye Hissène, par ailleurs jugé par contumace à Bangui en juillet dernier, joue un rôle essentiel dans cet approvisionnement en armes, lesquelles viennent du Darfour.

« Les trafiquants soudanais ont profité de la campagne de collecte d’armes du Gouvernement soudanais au Darfour pour amasser les armes et les munitions de combattants soudanais et les revendre à l’ex-Séléka. Le Groupe d’experts a appris qu’en avril 2018, l’UPC avait, à travers Abdoulaye Hissène, conclu un marché pour se procurer des armes soudanaises, dont 200 fusils d’assaut de type AK, six mitrailleuses et 25.000 cartouches », lit-on dans le rapport.

Pour des mitrailleuses [le nombre n’est pas précisé, ndlr] et cinq camionnettes à plateau armées, l’UPC aurait ainsi déboursé une avance de 77.500 dollars et lui resterait encore 87.000 dollars à verser.

Dans un précédent rapport, le Groupe d’experts avait évoqué le rôle tenu par un certain Moussa Assimeh pour le recrutement et l’entrée en Centrafrique de combattants et d’armes en provenance du Soudan, pour le compte du FPRC. Or, ce même Moussa Assimeh « se serait trouvé à Bambari en avril 2018 pour livrer le matériel et recevoir le règlement de son marché avec l’UPC », indique le document, lequel cite aussi le nom de « Musa Hilal », un chef de milice arabe « notoire » au Darfour qui serait « des principaux
fournisseurs d’armes en provenance du Soudan ».

L’ironie de cette affaire est que la capitale soudanaise, Khartoum, a accueilli des pourparlers de paix entre certains groupes armés et le gouvernement centrafricain, dans le cadre d’une médiation russe…

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