Un responsable du ministère italien de la Défense sous le feu des critiques pour avoir défendu l’achat d’avions F-35

« Dès que l’on croit savoir quelque chose, il faut l’observer sous un autre point de vue, même si ça paraît inutile ou bête », lance le professeur Keating à ses élèves, dans le film « Le cercle des poètes disparus ». Et il « ne faut pas oublier que l’on doit s’obliger sans cesse à tout regarder sous un angle différent ». Et c’est justement l’expérience que vient de faire Angelo Tofalo, le sous-secrétaire d’État au ministère italien de la Défense.

Ingénieur de formation, ce responsable est issu du Mouvement Cinq Étoiles [M5S] qui, dès sa création, s’est dit résolument hostile à l’acquisition de 90 avions de combat F-35A/B pour les forces aériennes et navales italiennes. Une dépense « inutile » pour ce parti, désomais membre de la coalition « anti-système », avec la Ligue, actuellement au pouvoir à Rome.

Pour rappel, l’Italie avait initialement l’intention d’acquérir 131 F-35A/B pour les besoins de l’Aeronautica Militare et remplacer les avions AV-8B Harrier II de type STOVL [Short Take Off Vertical Landing] de la Marina Militare. La crise économique du début des années 2010 a contraint Rome à revoir ses plans, en portant à 90 exemplaires le nombre d’appareils devant être commandés.

En outre, l’industrie italienne de l’aéronautique et de la défense est très impliquée dans le programme F-35, pour lequel elle a le statut de partenaire de niveau 2. À ce titre, elle a à assembler les avions destinés à ses forces armées [ainsi que ceux commandés par les Pays-Bas], via la FACO [F-35 Final Assembly and Check Out], une usine qui, inaugurée en 2013 à Cameri, sera aussi un centre de maintenance pour l’ensemble des F-35 en service en Europe.

Depuis que le M5S a hérité du portefeuille de la défense au sein de la coalition gouvernementale [avec la nomination d’Elisabetta Trenta, ndlr], l’avenir du programme F-35 est en suspens. Toutefois, lors d’une intervention devant les députés italiens, il y a quelques jours, Angelo Tofalo a mis le feu aux poudres, ce qui lui a valu une volée de bois vert de la part des militants, sympathisants et responsables de son parti.

« Je saisis cette occasion pour expliquer que depuis de nombreuses années, nous parlons de ces F-35 de manière souvent déformée. Nous devons souvent connaître et évaluer les informations », a commencé par dire M. Tofalo

« Le programme F-35 a maintenant 20 ans (et) il est en train d’évoluer. Contrairement à ce que l’on dit souvent, il s’agit d’un avion bénéficiant d’une technologie optimale, peut-être le meilleur au monde à l’heure actuelle », a ensuite fait valoir le secrétaire d’État italien.

« Il est normal que nous fassion des calculs, à la fois du point de vue économique et de celui de la technologie. Mais il est évident que nous ne pouvons pas priver notre Aeronautica Militare d’une grande capacité aérienne nous permettant de devancer de nombreux autres pays », a conclu M. Tofalo.

Sénateur de Ligure et membre du M5S, Matteo Mantero a réagi promptement aux propos de M. Tofalo. Les F-35 « seront très bons sur le plan technologique mais comme notre vision du monde exclut de nouvelles guerres, je dirais que nous n’en avons tout simplement pas besoin. Il existe une myriade de meilleurs moyens de dépenser l’argent des Italiens. Comme dans la prévention des conflits par exemple », a-t-il dit.

Chef de file du M5S et ministre, vice-président du Conseil et ministre du Développement économique, Luigi Di Maio, dont M.Tofalo est proche, a rappelé la position de son parti.

« Le Mouvement 5 étoiles a toujours été critique et reste critique sur le F35. Nous devons réduire les dépenses inutiles et en 2019, il y aura une révision du programme. Les F35 ne sont pas notre priorité », a ainsi affirmé M. Di Maio à l’antenne de la RAI-3.

« Le dialogue avec les États-Unis est une priorité, mais le programme [F-35] sera certainement revu conformément aux engagements pris, tout en tenant compte de l’intérêt national », a précisé, par la suite, M. Tofalo, via Facebook, où il venait de faire l’objet d’une pluie de critiques pour ses propos relatifs au F-35. « Au cours des premiers mois de 2019, nous communiquerons les résultats de cette évaluation », a-t-il assuré.

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