Selon l’amiral Prazuck, « l’hypothèse tactique d’une confrontation en haute mer redevient réaliste »

Lors de ses derniers passages devant les comissions parlementaires, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Christophe Prazuck a évoqué un « durcissement » des opérations navales, qui justifient les objectifs du plan « Mercator », qu’il a lancé cet été.

Et, pour appuyer son propos, il a pris l’exemple de la situation en Méditerranée orientale, marquée par une concentration de moyens navals, ou encore celui du détroit de Bab el-Mandeb, caractérisé par une menace incarnée par des acteurs non-étatiques qui, s’ils sont pourvus de missiles anti-navires, peuvent avoir recours à des moyens « asymétriques », comme des embarcations chargées d’explosifs.

Lors d’une audition menée par des députés français et britanniques pour les besoins d’un rapport sur l’avenir des missiles anti-navires, l’amiral Prazuck s’est fait plus précis en donnant les trois scénarios auxquels la Marine nationale pourrait être confrontée, quand ce n’est pas déjà le cas.

Le premier scénario rappelle d’ailleurs celui de l’opération Hamilton, menée en avril dernier en réponse à l’attaque chimique commise dans la Goutha orientale et attribuée au régime syrien.

« L’adversaire se trouve à terre, et l’on souhaite atteindre des usines chimiques installées très loin à l’intérieur des terres. Ces usines peuvent être défendues par des systèmes anti-missiles de très longue portée, puis de moyenne et de courte portées. Pour atteindre ces cibles, vous pouvez commencer par employer des armes dites SEAD [suppression of enemy air defence] afin de détruire les systèmes radars avant de pénétrer dans le chemin ainsi ouvert jusqu’à la cible finale. Pour résumer : on commence par détruire les radars puis, grâce à des missiles furtifs, à des missiles volants extrêmement bas ou à des missiles très rapides, on atteint la cible finale », a expliqué le CEMM.

Autre scénario crédible : le combat en haute-mer, « que l’on a totalement perdu de vue depuis la fin de la Guerre froide », durant laquelle « chacun s’attendait au déclenchement d’une troisième bataille de l’Atlantique », la marine soviétique cherchant à empêcher son homologue américaine de « naviguer vers l’Europe », a rappelé l’amiral Prazuck.

« Un tel scénario redevient plausible au regard des efforts intenses de certains pays émergents pour se doter d’une marine qui puisse concurrencer les marines européennes ou américaines », a avancé le CEMM.

La Chine est dans ce cas puisque, justement, elle fait partie de ces « puissances émergentes à même de construire l’équivalent de la marine française tous les quatre ans, et dotées de capacités offensives susceptibles de remettre en cause la souveraineté de certains espaces maritimes, ou la sécurité de lignes de communications essentielles au ravitaillement de l’Europe », comme l’a relevé l’amiral Prazuck [qui s’est cependant gardé de citer un pays en particulier, ndlr]

Toutefois, pour le chef de la marine française, nous ne sommes « pas à la veille d’un tel conflit ». Néanmoins, a-t-il ajoué, « face à l’accroissement des capacités de certaines flottes navales, l’hypothèse tactique d’une confrontation de flottes en haute mer redevient une hypothèse réaliste. »

Enfin, le dernier scénario envisagé par l’amiral Prazuck est « mixte ». « Imaginons une flotte déployée au large d’une côte, suffisamment éloignée pour ne pas être sous la menace de missiles lancés depuis la terre. Le pays concerné enverra alors des petits bateaux équipés de missiles anti-navires afin de frapper au large. Dans ce cas, il faudra être en mesure de se défendre en détruisant ces petits navires », a-t-il détaillé.

Photo : FREMM Provence (c) Marine nationale

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