Yémen : Le Pentagone réclame 331 millions de dollars à la coalition arabe pour des missions de ravitaillement en vol

Le 13 décembre, à Stockholm, et sous l’égide des Nations unies, le gouvernement yéménite, soutenu militairement par une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, et les rebelles Houthis, aidés par l’Iran, ont trouvé un accord portant sur un cessez-le-feu dans la région de Hodeida, dont le port a une importance crucial pour l’acheminement de l’aide alimentaire destinée aux populations civiles, menacées de famine.

Actuellement, la ville – stratégique – de Hodeida est contrôlée par les rebelles Houthis. Depuis des mois, elle fait l’objet d’une offensive des forces loyalistes, soutenues par la coalition arabe.

Reste à maintenant à voir comment sera mis en oeuvre cet accord, qui, toutefois, demeure limité puisqu’il ne concerne pas la réouverture de l’aéroport de Sanaa, toujours aux mains des rebelles, tandis que la coalition arabe s’assure de la maîtrise du ciel.

Selon l’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen, Martin Griffiths, le retrait des combattants de Hodeida devrait commencer dans les « prochains jours ». Ils seront redéployés vers des positions déterminées par les deux parties à l’extérieur de la ville, dans un délai de 21 jours à partir de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Un comité conjoint, supervisé par l’ONU, contrôlera la réalité de ce redéploiement et les avancées en matière de déminage.

La prochaine étape sera d’arriver à un accord politique qui mettra fin au conflit, qui a fait au moins 10.000 morts [estimation basse, ndlr] en quatre ans.

L’Iran a salué l’accord de Stockholm en évoquant des avancées « prometteuses ». Une position partagée, pour une fois, par les États-Unis, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompéo ayant parlé d’un « premier pas cruciel ». Et d’ajouter : « La paix est possible. » Même chose pour l’Arabie Saoudite, qui « apporte son soutien déterminé » à ce compromis, décrit par Khaled ben Salmane, l’ambassadeur saoudien à Washington, comme étant un « un pas majeur » pour « parvenir à une solution politique.

De leur côté, les Émirats arabes unis, dont les forces armées tiennent un rôle majeur dans la coalition dirigée par Riyad, ont souligné que ces progrés ont été obtenus grâce à « la pression militaire » exercée sur les rebelles Houthis.

Justement, s’agissant de l’aspect militaire, la coalition arabe a jusqu’à présent bénéficié d’un soutien américain, notamment pour le ravitaillement en vol de ses chasseurs-bombardiers et le renseignement. Du moins était-ce encore le cas le mois dernier.

En effet, le 10 novembre, la coalition arabe avait annoncé qu’elle se passerait en grande partie de l’aide américaine. « Récemment, le royaume [d’Arabie Saoudite] et la coalition ont accru leur capacité à mener au Yémen des vols de ravitaillement de manière indépendante. En conséquence, et en consultation avec les États-Unis, la coalition a demandé l’arrêt du soutien à ses opérations de ravitaillement pour ses opérations au Yémen », avait indiqué un communiqué publié ce jour-là.

Le chef du Pentagone, James Mattis, précisa qu’il avait soutenu cette décision avant d’ajouter que les « États-Unis allaient poursuivre leur rôle pour aider la coalition arabe et les forces yéménites à limiter les pertes civiles et à étendre le déploiement de l’aide humanitaire. »

Seulement, alors que les discussions étaient en cours à Stockholm et qu’un récent rapport des Nations unies a assuré que les rebelles Houthis continuaient de recevoir des armes présumées de facture iranienne, le Sénat américain a adopté une résolution exigeant l’arrêt du soutien militaire des États-Unis aux opérations saoudiennes au Yémen, ainsi qu’une autre pour affirmer qu’il tenait le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman pour « responsable du meurtre » du journaliste Jamal Khashoggi. Un double camouflet pour le président Trump qui, en novembre, avait publié un communiqué pour réaffirmer son soutien à Riyad.

Le vote du Sénat n’a, pour le moment, aucune incidence sur le soutien militaire américain. Pour qu’il en ait éventuellement une, il faut attendre que la Chambre des représentants s’en saisisse, ce qui ne sera apparemment pas possible d’ici janvier prochain. Et puis M. Trump aura la possibilité d’exercer son droit de veto…

Quoi qu’il en soit, et fort opportunément, le Pentagone a annoncé son intention de demander à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis de lui rembourser ce qui lui a coûté le ravitaillement en vol des avions de la coalition arabe depuis 2015, après que l’US CENTCOM, son commandement pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a découvert une « erreur » dans sa comptabilité. Le montant de la facture s’éleve à un peu plus de 331 millions de dollars, dont 36,8 millions pour le caburant délivré et 294,3 millions pour les heures de vol assurées par les avions ravitailleurs de l’US Air Force.

L’US CENTCOM « a examiné ses registres et constaté des erreurs de comptabilité. Nous n’avons pas correctement facturé le carburant et les services de ravitaillement en vol au Royaume d’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unies », a expliqué le capitaine de frégate Rebecca Rebarich, une porte-parole du Pentagone.

En réalité, relate The Atlantic, le Pentagone avait reconnu son erreur dès le 27 novembre, via un courrier adressé au sénateur démocrate Jack Reed, qui lui avait demandé des informations sur ce sujet dans le cadre de ses travaux pour le compte de la commission sénatoriale des Forces armées. Dans cette lettre, il avait affirmé s’être aperçu d’une erreur, expliquant que l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis n’avaient pas été facturés de « manière adéquate » pour le carburant et les missions de ravitaillement en vol assurées par l’aviation américaine. Le montant « exact » était alors en cours de calcul…

« C’est une bonne nouvelle pour les contribuables américains », a commenté le sénateur Reed, après l’annonce du montant réclamé à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis. Cela « souligne la nécessité d’une surveillance étroite du département de la Défense. Le peuple américain ne devrait pas être obligé de supporter de tels coûts et j’encourage le Pentagone à prendre des mesures pour obtenir un remboursement intégral », a-t-il ajouté.

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