La présence de 2 bombardiers stratégiques russes au Venezuela critiquée par l’Organisation des États américains

Le traité de Tlatelolco, entré en vigueur en avril 1969, vise à faire de l’Amérique latine et des Caraïbes une zone exempte d’armes nucléaires. Ce texte a été signé et ratifié par une trentaine de pays, Cuba ayant été le dernier à le faire, en 2002. Et le Venezuela fait partie des signataires.

Or, le secrétariat général de l’Organisation des États américains [OEA], dirigé par l’urugayen Luis Almagro, a évoqué justement ce texte pour critiquer le déploiement, au Venezuela, de deux bombardiers stratégiques russes TU-160 « Blackjack ».

Le premier article du traité de Tlatelolco « interdit la réception, le stockage ou la possession d’armes nucléaires par les États parties ou de pays tiers sur leur territoire », rappelle l’OEA. « L’adoption de ce traité a été un grand pas en avant pour l’Amérique latine et les Caraïbes, ce qui fait de nous la première région exempte d’armes nucléaires. Sa violation constitue une menace grave pour la paix et la sécurité internationales », a-t-il ajouté.

Sur ce point, rien ne dit que les deux bombardiers russes sont arrivés au Venezuela avec des armes nucléaires à leur bord, ces appareils pouvant emporter des munitions conventionnelles, dont des bombes guidées. Cela étant, sauf les états-majors russe et vénézuélien, personne ne sait ce qu’ils ont dans leur soute…

Aussi, l’OEA veut s’en assurer… D’où sa demande visant à prendre « les mesures nécessaires pour vérifier le respect des obligations qui incombent au Venezuela ». Il s’agit, ajoute-t-elle, de « veiller à ce que nous soyons pas en présence d’armes nucléaires au sens de l’article 5 du traité de Tlatelolco. »

Par ailleurs, l’OEA fait aussi observer que la présence de ces deux bombardiers russes « contrevient à la Constitution vénézuélienne » car « elle n’a pas été autorisée par l’Assemblée nationale, comme le requiert l’article 187, paragraphe 11 ». Aussi, ajoute-t-elle, « nous considérons qu’un tel acte est préjudiciable à la souveraineté du Venezuela ».

Sur ce point, l’Assemblée nationale du Venezuela n’a plus aucun pouvoir depuis l’été 2017, ses prérogatives ayant été transférées à une « assemblée constituante » totalement contrôlée par le parti du président Nicolas Maduro.

Pour rappel, et alors que le Venezuela subit une crise économique et politique sans précédent, avec un taux d’inflation dépassant l’entendement, des pénuries et une forte vague d’émigration susceptible de déstabiliser les pays voisins, M. Almagro avait souligné le « dictarorial » du régime vénézuélien, en septembre dernier. Et il avait même évoqué une éventuelle « option militaire » contre ce dernier, lors d’un déplacement en Colombie.

Justement, à Bogota, l’on voit d’un mauvais oeil l’arrivé des deux Tu-160 russes au Venezuela et l’on considère les manoeuvres auxquelles ils vont participer comme « hostiles ». Pour rappel, les relations avec Caracas sont toujours très tendues…

« Il ne s’agit pas seulement d’un acte hostile à l’égard de la Colombie, mais aussi […] à l’égard une région où il est clair qu’il existe une chose qui s’appelle le Traité (interaméricain) d’assistance réciproque où, en cas d’agression, tous les pays doivent protéger le pays attaqué », a déclaré Ivan Duque, le président colombien, sur la chaîne de télévision Noticias RCN.

Auparavant, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, n’avait pas caché son irritation face à l’annonce des manoeuvres russo-vénézuéliennes, en disant y voir comment « deux gouvernements corrompus dilapident l’argent public, écrasent la liberté pendant que leurs peuples souffrent. »

Cette « sortie » lui valut une réponse sèche de la part de Moscou. « C’est bien sûr non diplomatique de la part du Secrétaire d’État », a réagi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, qualifiant « d’inacceptable » le propos de M. Pompeo.

Quoi qu’il en soit, et alors qu’il entamera un nouveau mandat le 10 janvier prochain, le président vénézuélien a mis un peu plus d’huile sur le feu, le 12 décembre, en accusant les États-Unis de chercher à l’éliminer, avec le concours de la Colombie et du Brésil, où le président récemment élu, Jair Bolsonaro, décrit comme étant le « Trump des tropiques » n’est pas encore entré en fonction. Et il a mis directement en cause John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche.

« John Bolton a été récemment désigné à la tête du projet, du complot, pour répandre la violence au Venezuela et rechercher une intervention militaire étrangère, un coup d’État, et imposer ce qu’ils appellent un Conseil de gouvernement transitoire », a ainsi affirmé M. Maduro, en disant s’appuyer sur des « sources internationales concordantes. » Et il a aussi assuré avoir de « bonnes informations » selon lesquelles un conseiller nord-américain s’affairait pour des « missions pour des provocations militaires à la frontière. »

« Je viens une nouvelle fois dénoncer le complot ourdi depuis la Maison Blanche pour violer la démocratie vénézuélienne, pour m’assassiner et imposer un gouvernement dictatorial au Venezuela », a déclaré M. Maduro, lors d’une conférence de presse.

Cela étant, à plusieurs reprises, le président Trump a évoqué une « option militaire » s’agissant du Venezuela. Fin septembre, il avait encore affirmé que M. Madura pourrait « être renversé très rapidement » si « les militaires décidaient de le faire ».

Outre les risques de déstabilisation régionale liées à l’émigration causée par sa situation économique désastreuse, le Venezuela pose aussi des problèmes sécuritaires, étant donné qu’il est considéré comme étant une plaque tournante de différents trafics, dont celui des armes. En outre, par le passé, Caracas a menacé d’intervenir militairement pour régler des différends territoriaux, comme cela fut le cas en août 2015 avec le Guyana.

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