« Gilets Jaunes » – Mme Parly n’exclut pas une contribution du budget des Armées pour financer les mesures sociales et fiscales

Dans leur rapport pour avis sur l’Équipement des forces [programme 146], les sénateurs Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret ont estimé que la trajectoire financière établie par la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 est exposée à plusieurs « menaces ».

Pour rappel, la LPM prévoit une augmentation du budget des Armées de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, puis de 3 milliards à partir de 2023, l’objectif étant de porter les dépenses militaires à 2% du PIB d’ici 2025.

Parmi les « risques » évoqués dans leur rapport, M. Perrin et Mme Conway-Mouret ont cité « la question délicate de la capacité des armées, habituées depuis des décennies à gérer la pénurie, à gérer un afflux relativement soudain de crédits. » Mais encore faut-il que les hausses de crédits annoncées se concrétisent… Aussi, la principale menace, ont avancé les deux sénateurs, est avant tout « politique ».

« Le principal risque pesant sur la LPM est, étant donné le caractère extrêmement volontariste de la trajectoire retenue, que l’engagement politique du gouvernement de respecter cette trajectoire ne tienne pas dans la durée. À ce titre, plusieurs éléments incitent votre commission à la plus grande vigilance : la pente déséquilibrée de la trajectoire […], le choix du gouvernement d’une LPM longue (7 exercices), ce qui rend les derniers exercices assez nébuleux, et ce d’autant plus que l’actuelle législature s’achèvera en 2022 et que la LPM ne précise pas les crédits des deux derniers exercices et l’annonce de plusieurs ‘revoyures’ ou réévaluation, dont la première fin 2021 », expliquent les rapporteurs.

Et d’ajouter : « Il est certain, par ailleurs, que la recrudescence des menaces est aujourd’hui peu contestée. En revanche, il n’est pas certain que le soutien que l’opinion publique apporte aujourd’hui au redressement de l’effort de défense se maintiendra toujours à un niveau si élevé. »

Or, le mouvement des « gilets jaunes » va laisser une facture « lourde » pour les finances publiques. L’annulation de l’augmentation de fiscalité écologique coûtera 4 milliards d’euros (soit +0,2% de déficit). Et si le calendrier de la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages est accéléré, l’ardoise sera deux fois plus élevée. À cela, il faut ajouter les conséquences sur la croissance : l’activité des commerçants (-15% pour les grandes surface, -40% pour les indépendants) a pris un sérieux coup à l’approche des fêtes de fin d’année, période qui permet d’équilibrer les bilans, notamment pour les petits commerçants. Aussi, le taux de croissance du PIB pourrait perdre entre 0,1% [selon le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire] et 0,2% [selon la Banque de France] au cours du dernier trimestre.

Dans ces conditions, quid du budget de la mission « Défense »? La ministre des Armées, Florence Parly, a été interrogée à ce sujet lors d’un entretien de 8 minutes [dont seulement deux ont concerné superficiellement les affaires militaires…] donné à Europe 1, ce 10 décembre.

« Il va falloir trouver de l’argent. Le budget de l’armée pourrait-il être amputé pour aider à remplir les frigidaires [sic] des gilets jaunes à Noël », a ainsi demandé Audrey Crespo-Mara à Mme Parly. Et cette dernière de répondre : « La question, c’est d’abord de savoir quelles seront les mesures qui seront annoncées à court terme par le gouvernement. Ensuite, tous les ministres sont solidaires au sein d’un gouvernement et nous déciderons de la manière dont ces mesures auront vocation à être financées. Je n’exclus rien et, évidemment, je suis parfaitement solidaire des décisions que le gouvernement prendra. »

En clair, la LPM 2019-25 n’est même pas encore entrée en application qu’elle est déjà clairement menacée… Cela étant, certains parlementaires ont dit qu’elle l’était déjà avec l’affaire de l’annulation, sans préavis, des 404 millions d’euros de crédits de la mission « Défense », dans le cadre du projet de loi de finances rectificative 2018 pour financer les opérations extérieures et les missions intérieures. Cette mesure est en effet contraire avec l’article 4 de la LPM 2014-2019 qui s’achève et dont celle qui a été promulguée cet été reprend le principe. Cela « constitue un signal très négatif », ont fait valoir M. Perrin et Mme Conway-Mouret.

Photo : État-major des armées

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]