Le président turc accuse la coalition anti-jihadiste de protéger les milices kurdes syriennes sous couvert de combattre l’EI

Dans le combat contre l’État islamique [EI ou Daesh] en Syrie, les milices kurdes syriennes, qui fournissent le gros des troupes des Forces démocratiques syriennes [FDS], ont pris un part prépondérante. Et cela, avec le soutien de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [opération Inherent Resolve].

Actuellement, les FDS tentent de chasser l’EI de la localité d’Hajine, soit le dernier bastion qu’il occupe encore dans la province syrienne de Deir ez-Zor. Et la bataille fait rage à en juger par les pertes qu’elles ont subies (plus de 450 de ses combattants ont été tués depuis septembre et le début de cette offensive, dont 92 au cours des journées des 24, 25 et 26 novembre) ainsi que par le niveau d’activité des artilleurs français de la TF Wagram qui, depuis le territoire irakien, ont encore assuré 61 missions de tirs la semaine passée.

Seulement, les milices kurdes syriennes [YPG, Unités de protection du peuple] sont aussi sous la menace d’une nouvelle offensive turque dans le secteur de Kobané, ce qui a déjà motivé a suspension de leurs opérations à Hajine, fin octobre.

Pour rappel, Ankara voit dans les YPG une formation terroriste, en raison de ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], à l’origine d’une sanglante insurrection en Turquie. D’où, déjà, deux opérations turques menées dans le nord de la Syrie, lesquelles ont eu pour un effet de donner du répit à Daesh.

Pour éviter que le gouvernement turc s’en prenne à nouveau aux YPG alors que la bataille de Hajine est entrée « dans le dur », le chef du Pentagone, James Mattis, a annoncé que les forces américaines présentes en Syrie allaient établir des « postes d’observation » le long de la frontière entre la Turquie et les territoires contrôlés par les Kurdes syriens. Mais, visiblement, cela est insuffisant aux yeux de Recep Tayyip Erdogan, le président turc.

Ainsi, lors d’une réunion du Conseil turc de sécurité nationale, M. Erdogan s’en est pris violemment aux troupes de la coalition anti-jihadiste, tout en s’attribuant (du moins à ses forces) le mérite d’avoir faire reculer Daesh en Syrie.

En faisant référence aux YPG, M. Erdogan a déclaré que « ceux qui disent combattre l’État islamique en Syrie permettent en fait à un petit groupe de terroristes d’exister pour justifier leur présence dans ce pays déchiré par la guerre. »

« Il n’y a pas de Daesh en Syrie. Il y a des petits gangs, sous le déguisement de Daesh, qui sont formés, équipés et gardés en réserve afin de semer le trouble dans le pays et dans la région », a poursuivi M. Erdogan. Et d’ajouter : « Les États-Unis ne visent pas à combattre le terrorisme mais préférent vivre et respirer avec les terroristes », c’est à dire les milices kurdes syriennes. « Notre pays est la seule cible de cette organisation terroriste, qui est la branche syrienne du PKK. Il ne nous est pas possible de rester inactifs face à cette menace », a-t-il insisté.

Mieux encore : à croire M. Erdogan, seule la Turquie a combattu Daesh en Syrie. « Nous avons pris le risque et infligé un coup dur à cette organisation terroriste. Je le dis clairement : nous avons fait éclater la bulle Daesh avec notre opération du Bouclier de l’Euphrate », lancée en août 2016, a-t-il assuré.

Effectivement, l’opération Bouclier de l’Euphrate a permis de chasser Daesh des localités de Jarabulus, de Dabiq et d’al-Bab (au prix de grandes difficultés). Mais l’action des forces turques et de leurs supplétifs syriens s’est arrêtée là… D’ailleurs, les soldats turcs restèrent l’arme au pied quand l’EI était à deux doigts de s’emparer de Kobané, où les milices kurdes syriennes opposèrent une vive et héroïque résistance. Elles n’étaient pas à Manbij (même si Ankara l’aurait très certainement souhaité), pas plus qu’elles n’étaient présentes à Aïn-Issa, Hassaké, Al-Chaddadeh, Tabqa ou encore Raqqa, où les FDS remportèrent des victoires militaires cruciales contre les jihadistes.

Quant à la présence de forces terrestres (notamment spéciales) occidentales en Syrie, elle relève de la résolution 2249 des Nations unies, laquelle demande aux États membres de « redoubler d’efforts et de coordonner leur action en vue de prévenir et mettre un terme aux actes de terrorisme commis » par Daesh, et « d’éliminer le ‘sanctuaire’ qu’il a créé sur une grande partie des territoires de l’Irak et de la Syrie. »

Quoi qu’il en soit, le porte-parole de l’opération Inherent Resolve, le colonel Sean Ryan, a assuré que les postes d’observation évoqués par M. Mattis permettraient d’assurer la « sécurité dans le nord de la Syrie et celle de la Turquie. » Cependant, et comme le montrent les propos de M. Erdogan, Ankara en doute.

Ces postes d’observation « rendront la situation de la région encore plus compliquée », a fait valoir, le 24 novembre, Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense. « Personne ne doit douter que la Turquie prendra les mesures nécessaires pour lutter contre toutes sortes de risques et de menaces provenant de ses frontières », a-t-il ajouté.

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