Mer d’Azov : Kiev appelle les Occidentaux à former une « coalition claire pour résister aux actes d’agression de la Russie »

Pour entrer en mer d’Azov afin d’accoster au port ukrainien de Marioupol, un navire doit d’abord franchir le détroit de Kertch, lequel sépare la Crimée de la péninsule de Taman, en Russie. Jusqu’en mars 2014, la navigation maritime y était garantie. Mais cela n’est plus tout à fait le cas désormais.

En effet, en annexant la Crimée, la Russie a maintenant la capacité de restreindre la navigation dans ce détroit, sur lequel elle a d’ailleurs érigé le pont de « Crimée », qui relie l’ancien territoire ukrainien au sien.

Depuis quelques mois, les gardes-côtes russes [qui relèvent du FSB, le service de renseignement intérieur, ndlr] multiplient les immobilisations de navires marchands à des fins de contrôle, ce qui revient à imposer un blocus économique larvé des ports ukrainiens, le trafic commercial étant en chute libre. Et cela, alors que des élections présidentielles et législatives doivent être organisées en Ukraine en 2019.

En réaction, Kiev a renforcé ses capacités militaires en mer d’Azov. Des unités d’artillerie ont ainsi été redéployées sur le littoral, de même que trois vedettes de type Gurza-M.

L’on pouvait donc s’attendre à voir les tensions s’exacerber. Ce qui est arrivé le 25 novembre. Dans un premier temps, la marine ukrainienne a accusé un navire de la garde-côtière russe d’avoir délibérément percuté l’un de ses remorqueurs, le Yana Kapu, alors qu’il naviguait avec deux vedettes de type Gurza-M, à savoir le Berdyansk et le Nikopol, en direction de Marioupol.

Puis la tension est montée d’un cran quand, plus tard, les trois bâtiments ont été arraisonnés par les gardes-côtes russes, à l’issue d’échanges de tirs. Selon Kiev, 6 marins (sur 23) auraient été blessés, dont deux gravement. En outre, la marine ukrainienne a précisé qu’elle avait averti à l’avance la partie russe de l’itinéraire de ses navires, qui seraient par ailleurs restés bloqués pendant plusieurs heures devant un pétrolier russe, mis en panne sous le pont de Crimée, qui enjambe le détroit de Kertch.

Par la suite, Moscou a confirmé l’arraisonnement de ces trois navires ainsi que « l’usage d’armes ». En revanche, les autorités russes n’ont admis que trois blessés parmi les marins ukrainiens. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova a accusé Kiev de « mener des actions illégales dans les eaux territoriales russes » et dénoncer des « méthodes de bandits de grands chemins », faites de « provocations, puis de fortes pressions, puis des accusations d’agression ».

Plus tard, réuni en urgence, le Conseil de sécurité et de défense ukrainien a proposé au président Petro Porochenko d’instaurer la loi martiale pour 60 jours. Une telle décision doit être approuvée par le Parlement, ce qui devrait être fait ce 26 novembre.

« La loi martiale ne signifie par une déclaration de guerre » à la Russie, « elle sera introduite uniquement pour la défense », a assuré M. Porochenko, qui a dénoncé un « acte fou de la Russie contre l’Ukraine », avant d’estime que « l’attaque » contre les trois navires avait été « préméditée ».

À Kiev, l’on redoute un coup de force de la Russie, qui viserait à s’emparer du littoral donnant sur la mer d’Azov (et de Marioupol) afin de s’assurer une continuité territoriale avec la Crimée et le Donbass, où Moscou soutient des séparatistes qui lui sont acquis. Ainsi, Pavlo Klimikin, le ministre ukrainien des Affaires étrangères a appelé les Occidentaux à « former une coalition claire pour résister aux actes d’agression de la Russie. »

Pour le moment, l’Otan a appelé à la « retenue » et à la « désescalade » entre Kiev et Moscou, tout en disant « soutenir totalement la souveraineté de l’Ukraine et son intégrité territoriale, y compris ses droits de navigation dans ses eaux territoriales. » Et d’ajouter : « Nous appelons la Russie à assurer un accès sans entraves aux ports ukrainiens dans la mer d’Azov, conformément à la loi internationale. »

L’Union européenne a affiché la même position. « Nous attendons de la Russie qu’elle restaure la liberté de passage dans le détroit de Kertch et nous appelons toutes les parties à agir avec le maximum de retenue afin d’aboutir à une désescalade immédiate de la situation », a-t-elle exhorté.

Les incidents en mer d’Azov illustrent ce à quoi peut conduire « le mépris des règles de base de la coopération internationale », fait encore valoir l’UE, estimant que « la construction du pont de Kertch a été effectuée sans le consentement de l’Ukraine et constitue une nouvelle violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale » de ce pays. Et de conclure : L’UE « ne reconnaît et ne reconnaîtra pas l’annexion illégale de la Crimée par la Russie. »

Quoi qu’il en soit, ces derniers incidents en mer d’Azov seront évoqués par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui, à la demande de Kiev et de Moscou, doit se réunir « en urgence », ce 26 novembre.

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