L’Aviation royale canadienne manque de pilotes et de techniciens expérimentés

Comme d’autres forces aériennes, l’Aviation royale canadienne a de gros problèmes dans le domaine des ressources humaines, au point de compromettre ses capacités à répondre à ses obligations nationales et internationales [NORAD et Otan]. Telle est le conclusion d’un audit réalisé par Michael Ferguson, le Vérificateur général du Canada, dont les conclusions ont été publiées le 21 novembre.

Ainsi, l’Aviation royale canadienne ne disposerait actuellement de que 64% des pilotes nécessaires pour défendre la souveraineté du Canada et répondre aux « aux menaces contre l’Amérique du Nord » ou à ses obligations internationales.

Entre avril 2016 et mars 2018, l’aviation militaire canadienne a perdu 40 pilotes, partis, pour la plupart, rejoindre une compagnie aérienne privée tandis qu’elle n’en a formé que 30 nouveaux. « Depuis, 17 autres pilotes sont partis ou ont manifesté l’intention de le faire », souligne le rapport. Et si cette tendance ne s’inverse pas rapidement, alors « il n’y aura pas assez de pilotes expérimentés pour former la prochaine génération de pilotes de chasse », s’alarme-t-il.

Or, la croissance du transport aérien nécessitera, d’ici 2036, le recrutement de 600.000 pilotes de ligne. Ce qui fait que la concurrence sera rude pour l’Aviation royale canadienne, comme pour ses homologues. D’autant plus que les salaires proposés par les compagnies privées sont souvent supérieurs aux soldes des militaires, le tout avec avec des sujétions moins élevées.

L’US Air Force connaît déjà un tel problème et les mesures de fidélisation n’ont pas eu les effets espérés. « Nous sommes en crise. Il nous manque 1.500 pilotes et si nous ne trouvons pas un moyen pour renverser la tendance, notre capacité à défendre la nation sera compromise », avait alerté son chef d’état-major, le général David Goldfein, en septembre 2017.

Les pilotes ne sont pas les seuls concernés. L’audit du Vérificateur général souligne également que la pénurie touche les techniciens « confirmés », ce qui entraîne une baisse des heures de vols des avions de l’Aviation royale canadienne, dont le vieillissement complique par ailleurs le Maintien en condition opérationnelle [MCO], chaque heure de vol d’un avion de combat CF-18 exigeant en moyenne 24 heures.

En avril 2018, 22% des postes de techniciens dans les escadrons de CF-18 étaient soit vacants, soit occupés par des personnels pas assez qualifiés. Cela joue sur la disponibilité des appareils et, in fine, sur l’entraînement des pilotes dans la mesure où 28% d’entre eux n’ont pas pu effectuer le nombre minimal requis de 140 heures de vol par an.

En outre, le retard pris pour le renouvellement de la flotte d’avions de combat va poser un autre problème sérieux que l’achat, auprès de l’Australie, de 18 F/A-18 Hornet d’occasion ne sera en mesure de réduire.

« Le maintien en service des CF-18 jusqu’en 2032, sans disposer d’un plan pour améliorer leur capacité de combat, amènera la force de chasse à jouer des rôles moins importants et compromettra la capacité du Canada à contribuer aux opérations du NORAD et de l’Otan », prévient en effet le Vérificateur général.

En 2010, le gouvernement canadien, alors dominé par les conservateurs, avait annoncé l’acquition de 65 F-35A auprès du constructeur américain Lockheed-Martin. Mais le coût de cette commande, et les polémiques que ce dernier suscita, contraignirent Ottawa à faire machine arrière. Un appel d’offres a depuis été lancé mais il ne prévoit le début de la livraison de nouveaux appareils qu’en 2025.

Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, a réagi sans tarder à ce rapport. « Je tiens à exprimer clairement aux Canadiens et Canadiennes qu’une solution durable au problème de capacité de chasse des FAC [forces aériennes canadiennes] ne sera apportée qu’une fois que nous aurons à la fois fait l’acquisition de futurs chasseurs et augmenter le nombre de techniciens et de pilotes qualifiés avec de l’expérience pour permettre à l’ARC de fournir un nombre suffisant d’aéronefs prêts à l’action », a-t-il dit.

« Bien que d’énormes efforts soient déployés pour atteindre cet objectif, il faudra du temps pour que nos initiatives actuelles et futures en matière de personnel portent pleinement fruit, un échéancier qui coïncide intentionnellement avec l’arrivée prévue des futurs chasseurs », a cependant prévenu M. Sajjan.

Toutefois, a-t-il ajouté, « la population canadienne peut être assurée que grâce aux efforts incroyables de nos aviateurs et aviatrices de l’ARC, notre flotte de CF-18 continuera de mener avec succès des missions de défense de l’espace aérien canadien d’ici à ce que les futurs chasseurs soient pleinement opérationnels. »

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