Face à la Russie, M. Wauquiez propose de faire reposer la défense de l’Europe sur les forces armées françaises et allemandes

Sur les ondes d’Europe1, le 6 novembre, le président Macron a estimé qu’il faudrait une « armée européenne » pour faire « face à la Russie qui est à nos frontières et qui a montré qu’elle pouvait être menaçante. » Et d’ajouter : « on doit avoir une Europe qui se défend davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis et de manière plus souveraine. »

Le chef de l’État n’a pas eu l’occasion de développer ce qu’il entendait par « armée européenne », alors qu’il a déjà proposé une « Initiative européenne d’intervention » qui vise à faire émerger une structure stragégique commune aux pays qui l’ont rejointe ainsi que le renforcement de l’article 42-7 du Traité de l’Union européenne afin d’y introduire une vraie clause de défense collective.

Invité, le lendemain, du 7-9 de France Inter, Laurent Wauquiez, le chef de file du parti « Les Républicains » [LR] a dit partager le constat établi par M. Macron au sujet de la Russie. « Ces derniers temps, j’ai beaucoup échangé avec une nouvelle génération qui est en train de naître à droite, qu’on voit en Finlande, dans les pays baltes. Je suis très frappé par leur inquiétude, leur crainte de la menace russe et du désengagement américain [qui est toutefois à relativiser, ndlr] », a-t-il dit.

« Nous avons incontestablement une responsabilité », a poursuivi M. Wauquiez. Pour autant, il n’est pas favorable à une « armée européenne ».

« Je n’y crois pas parce qu’une armée, c’est quelque chose qui nécessite une concentration du pouvoir de décision, une efficacité, parce qu’on a déjà essayé au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et qu’on a échoué. Et donc je ne crois pas à ce fantasme d’une armée fédérale européenne parce qu’il n’y a pas de souveraineté européenne », a-t-il expliqué.

Cependant, après avoir développé ces arguments que d’autres, avant lui, ont avancés, M. Wauquiez a fait une proposition pour le moins surprenante. « En revanche, ce que je propose, c’est que la France et l’Allemagne, ensemble, mettent plus fortement à disposition l’outil militaire qui est l’outil militaire français et l’outil militaire allemand pour assurer la sécurité des frontières européennes face à la Russie », a-t-il lancé.

Et pour cela, a-t-il continué, l’Europe devrait « payer une partie » des budgets des armées françaises et allemandes « pour que ce soit nos deux armées qui assurent la défense de l’Europe. » En clair, il s’agirait non pas d’une « armée européenne » mais d’une « armée franco-allemande. »

« Je pense que ce schéma là est le meilleur. Sinon, on va se retrouver à faire quoi? Trois bouts d’avions en Belgique, quatre bouts d’avions en Lettonie et une armée qui ne sera pas efficace. Je ne crois pas […] dans une souveraineté fédérale européenne qui se substituerait à la souveraineté des nations », a conclu M. Wauquiez.

Cela étant, si une armée exige « une concentration du pouvoir de décision », comme le président de LR l’a rappelé au début de son intervention, l’on voit pas comment une telle armée « franco-allemande » pourrait fonctionner étant donner les différences les processus et des règles d’engagement en vigueur de part et d’autre du Rhin.

Quant à un financement européen d’une partie des dépenses militaires françaises et allemandes, il est tout simplement illusoire parce que l’on voit mal les autres États membres donner leur accord, d’autant plus que, pour bon nombre d’entre-eux, l’Otan reste la pierre angulaire de la sécurité du Vieux Continent. En outre, l’UE a déjà pris des mesures visant à favoriser l’autonomie stratégique européenne, via, par exemple, le Fonds européen de défense.

Par ailleurs, et comme l’a encore rappelé le général Jean-Pierre Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] aux sénateurs, la coopération militaire franco-allemande n’est « pas forcément simple », étant donné les différences culurelles et doctrinales entre les forces armées de ces deux pays. Ce qu’illustre la Brigade franco-allemande…

Qui plus est, et outre, pour le moment encore, le Royaume-Uni, d’autres pays comptent militairement en Europe, même si leurs forces armées ont dû faire face à des coupes budgétaires, souvent massives entre 2008 et 2014. Tel est le cas de l’Espagne (qui appuit Barkhane au Sahel avec des avions de transport), de l’Italie, de la Pologne ou encore du Danemark. Ces pays ont plus que quelques « bouts d’avions » à donner.

Enfin, si Paris se tourne vers Berlin en matière militaire, la réciproque n’est pas toujours vraie. Ces dernières années, l’Allemagne a en effet trouvé des accords pour mutualiser (souvent à son avantage, d’ailleurs) certaines capacités, en particulier avec les Pays-Bas, voire la Pologne (dans le domaine des sous-marins notamment). Bref, comme l’a dit le général de Gaulle, « il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. » Il serait peut-être temps de s’en souvenir…

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