La Force maritime des fusiliers-marins et des commandos est au bord du « burn-out »

Le temps passe, les auditions parlementaires se succèdent et les rapports s’empilent. Mais le constat est toujours le même : la Force maritime des fusiliers-marins et des commandos [FORFUSCO] est en surchauffe.

Pour rappel, la FORFUSCO compte environ 2.600 personnels militaires et civils et s’aticule selon deux composantes : les unités de fusiliers-marins, spécialisées dans la « protection-défense » et les commandos de marine, lesquels relèvent du Commandement des opérations spéciales [COS].

« Rarement les fusiliers marins et commandos n’ont été autant employés qu’aujourd’hui », avait déjà souligné, en février 2013, le vice-amiral Olivier Coupry, alors ALFUSCO [commandant la FORFUSCO, ndlr].

Deux ans plus tard, un rapport du député Gwendal Rouillard avançait quelques chiffres afin de mesurer l’activité de la FORFUSCO, par ailleurs accentuée par le plan Cuirasse [renforcement de la surveillance des installations de défense] et les mesures prises après les attentats de janvier 2015. Au total, 1.250 fusiliers marins et 220 gendarmes maritimes avaient été affectés en permanence à la protection des « points d’importance vitales (PIV) sur le territoire national. »

Ainsi, avait relevé le parlementaire, à l’époque, les fusiliers-marins assuraient « 70 heures de garde auxquelles s’ajoutaient 37 heures d’astreinte à 2 heures » pour une « solde proche du SMIC ». De quoi justifier la création de postes supplémentaires au sein de la FORFUSCO, via l’actualisation de la Loi de programmation militaire [LPM] 2014-19. Dans le même temps, des mesures de « fidélisation » avaient été prises afin de limiter les retours à la vie civile.

Depuis, la situation est toujours aussi « compliquée », voire préoccupante, à en croire le député Jacques Marilossian, rapporteur pour avis sur les crédits affectés à la Marine nationale. Selon ce dernier, qui cite les chiffres donnés par l’actuel ALFUSCO, le contre-amiral François Rebour, le niveau d’activité de la FORFUSCO « dépasse d’environ 15% de ses capacités ».

Ce qui fait que « chaque personnel de cette force compte en moyenne 130 jours d’absence du port-base par an, 40 % d’entre eux en comptent plus de 160, et certains, dans des spécialités critiques, plus de 245. »

Évidemment, cela pèse sur le besoin de récupération de ces militaires, « tant sur le plan psychologique que familial. » Et pour M. Marilossian, ce « manque de récupération finit par se payer ; ils vivent ‘à découvert' ».

« Tel est particulièrement le cas des commandos. Les risques psychosociaux (RPS), notamment les syndromes post-traumatiques (SPT), s’accroissent : l’amiral les évalue à 30 cas probables ‒ dont 15 dûment diagnostiqués, ‒ sur un effectif de 700 commandos et précise qu’au sein des forces comparables des États-Unis, le taux d’atteintes graves s’élève à 8 % », précise le député.

« Un effet d’éviction, voire de fuite, est inévitable dans cette situation de suractivité, qu’il passe par une blessure psychologique ou par une recherche de reconversion », ajoute-t-il.

Plus généralement, c’est l’ensemble de la Marine nationale qui est en surchauffe étant donné qu’elle dépasse depuis longtemps les contrats opérationnels qui lui avaient été fixés par les précédentes LPM. Et, là encore, les suppressions de postes effectuées entre 2008 et 2015 ont été excessives.

Aussi, les ressources humaines de la Marine nationale sont marquées par de « très fortes tensions », selon l’amiral Jean-Baptiste Dupuis, son directeur du personnel militaire.

« Les analyses fonctionnelles conduites dans le cadre de la révision générale des politiques publiques [RGPP] avaient évalué à 4 000 le nombre maximal de postes qu’il était possible de supprimer dans la Marine, mais qu’au nom d’un curieux principe dit d’’équité redistributive’ entre les armées, cet objectif de déflation avait été aggravé de 2.000 postes », a expliqué l’amiral Dupuis. Aussi, « ce sont ces 2.000 postes qui manquent aujourd’hui » car « nous sommes passés en-dessous du raisonnable », a-t-il ajouté.

Ce manque de personnels peut avoir des conséquences non seulement sur la conduite des opérations mais aussi sur le maintien des compétences les plus « pointues ».

« La baisse des effectifs a conduit à réduire considérablement les moyens consacrés à la formation des marins – de 33 jours par an et par marin en 2008 à 24 jours aujourd’hui -, alors même que les plateformes navales et celles de l’aéronautique navale deviennent de plus en plus complexes, accroissant les besoins de qualification des marins. Ainsi, la compression des effectifs depuis dix ans met la marine au défi de ‘générer en très peu de temps des compétences de pointe' », fait valoir le député Marilossian.

Photo : Marine nationale /  Ministère des Armées

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