Pour le président Macron, le choix belge en faveur du F-35 va « a contrario des intérêts européens »

Le 25 octobre, le gouvernement belge a annoncé avoir choisi l’avion américain F-35A pour remplacer ses F-16 de sa force aérienne. Et il ainsi mis fin à un feuilleton dont l’épilogue était quasiment écrit d’avance, au point que deux industriels potentiellement intéressés par l’appel d’offres qu’il avait lancé ont préféré passer leur tour.

Seul le consortium Eurofighter a tenté sa chance face à l’appareil de Lockheed-Martin. Quant à la France, elle a préféré court-circuiter la procédure en faisant une proposition de partenariat stratégique reposant sur la livraison de 34 Rafale F3R ainsi que sur la participation de l’industrie aérospatiale belge au développement du standard F4 de l’appareil de Dassault Aviation.

L’offre française a donc fait long feu. Et il n’est pas certain qu’elle ait été sérieusement étudiée, Bruxelles ayant refusé de signer une clause de confidentialité car cela aurait, selon le journal belge L’Echo, mis la Belgique « dans une position juridique délicate qui impliquerait une négociation avec la France alors que la procédure d’appel d’offres lancée par le gouvernement était en cours. » Un point qui ne met cependant pas d’accord les juristes…

Mais, d’après La Libre Belgique, la proposition faite par Paris n’a pas été sans conséquences puisqu’elle aurait contraint Lockheed-Martin à consentir un gros rabais, notamment en retirant du prix unitaire des F-35A les coûts de recherche et de développement. Soit une réduction de la facture globale de 647 millions d’euros. Le montant de la commande sera de 3,8 milliards d’euros (plus 200 millions d’euros de provision pour les risques de change). En contrepartie, Lockheed-Martin a promis 3,6 milliards de retours industriels, qui restent à concrétiser).

Quoi qu’il en soit, le choix du F-35A obéit à une certaine logique, dans la mesure où il permettra à la force aérienne belge de continuer à mettre en oeuvre les bombes nucléaires tactiques américaines B-61 au titre de la dissuasion de l’Otan, d’opérer dans des environnements contestés et de trouver éventuellement des synergies avec son homologue néerlandaise. À vrai dire, le choix d’un avion européen – Eurofighter ou Rafale – aurait été une (bonne) surprise.

Cela étant, ce 26 octobre, et même si Bruxelles a confirmé la commande de 442 blindés issus du programme français SCORPION, le président français, Emmanuel Macron, a dit regretter la décision du gouvernement belge en faveur du F-35.

« L’offre française est arrivé après la clôture [de l’appel d’offres]. Je regrette le choix fait. Il n’y avait pas que l’offre du Rafale, il y avait aussi l’Eurofighter, un vraie offre européenne. La décision est liée à une procédure belge, à des contraintes politiques du pays mais stratégiquement va a contrario des intérêt européens », en effet affirmé M. Macron, lors d’une conférence de presse, à Bratislava.

« Je ferai tout pour que dans les appels d’offres à venir, des offres européennes soient promues », a ensuite assuré le président français. « L’Europe doit développer une vraie capacité d’industrie de défense européenne, dans tous les pays qui croient à cette aventure. Ma détermination en sort renforcée », a-t-il continué. Et d’insister : « L’Europe ne sera forte que si elle est vraiment souveraine et si elle sait se protéger elle même. Nous héritons d’habitudes passées, les projets évoqués ont été lancés avant mon arrivée. »

Justement, le dossier du F-35A en a éclipsé un autre : celui du choix de Bruxelles d’acquérir, pour 226 millions d’euros, deux systèmes de drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] de type MQ-9B SkyGuardian, encore en cours de développement chez le constructeur américain General Atomics. La livraison de ces appareils devrait se faire entre 2022 et 2024, pour une mise en service opérationnelle en 2025. C’est à dire quand le drone européen MALE RPAS sera prêt…

« Ces drones de reconnaissance qui permettent de collecter des informations à partir du ciel de type MALE jouent un rôle de plus en plus important dans les opérations. Mais au niveau européen, il y a une pénurie de ce type de drones. Avec cet achat, la Défense s’engage pour l’avenir tout en comblant un déficit capacitaire au niveau européen. Dans le futur, l’intention reste d’investir dans le développement de drones européens de type MALE, un projet lancé à l’initiative de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie », a expliqué Steven Vandeput, le ministre belge de la Défense. Pourquoi « dans le futur » et pas maintenant?

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