Un ex-général américain met en garde contre la probabilité d’une guerre entre les États-Unis et la Chine

Début octobre, un rapport de l’Heritage Foundation, un centre de réflexion basé à Washington, a prévenu que les forces américaines ne sont actuellement pas en mesure de mener deux guerres à la fois, malgré les augmentations importantes de leurs budgets. Les effectifs de l’US Army seraient en effet insuffisants, tandis que l’US Navy manquerait de navires (elle n’en dispose « que » 284 alors qu’elle en aurait besoin de 355) et l’US Air Force met encore en oeuvre trop d’avions « vieillissants », difficiles à entretenir et donc souvent pas assez disponibles. S’ajoute à cela le problème du recrutement.

« Les États-Unis ne disposent pas de la force nécessaire pour satisfaire à deux impératifs régionaux majeurs [major regional contingency, MRC] et ne sont pas prêts à s’acquitter efficacement de leurs tâches », résume cette étude. Laquelle ajoute : « Par conséquent, comme nous l’avons vu au cours des dernières années, les États-Unis risquent de voir leurs intérêts être de plus en plus remis en cause, de même que l’ordre mondial mis en place depuis la Seconde Guerre mondiale. »

En janvier, lors de la publication de la nouvelle stratégie de défense nationale des États-Unis, le chef du Pentagone, James Mattis, avait souligné que « l’avantage compétitif » des forces américaines ne cessait de « diminuer » par rapport à leurs « concurrentes » russes et chinoise.

Et M. Mattis d’expliquer que cette nouvelle stratégie de défense américaine visait « à donner la priorité à la préparation au combat dans des conflits majeurs, ce qui nous rendra stratégiquement prévisibles pour nos alliés mais opérationnellement imprévisibles pour tous nos adversaires », à savoir la Russie et la Chine, décrites comme des « puissances révisionnistes ».

Alors que, afin de montrer ses muscles à la Russie, l’Otan a donné le coup d’envoi, en Norvège, de Trident Juncture 2018, qui est son exercice le plus important jamais organisé depuis la fin de la Guerre Froide, le général américain Ben Hodges, un ancien commandant de l’US Army en Europe devenu expert en études stratégiques au Centre pour l’analyse de la politique européenne [CEPA], a mis en garde contre la probabilité d’une guerre entre les États-Unis et la Chine.

« Les États-Unis ont besoin d’un pilier européen très fort. Je pense que dans 15 ans – ce n’est pas une fatalité – mais il est très probable que nous serons en guerre avec la Chine », a en effet affirmé le général Hodges, lors d’un Forum sur la sécurité à Varsovie, le 24 octobre. Car, a-t-il ajouté, les « États-Unis n’ont pas la capacité de faire tout ce qu’ils ont à faire en Europe et dans le Pacifique pour faire face à la menace chinoise. »

Selon le général Hodges, le récent incident [voir photo] ayant impliqué le destroyer américain USS Decatur et le navire chinois Luyang, en mer de Chine méridionale, où Pékin déploie des capacités de de déni et d’interdiction d’accès [A2/AD] pour appuyer des revendications territoriales qui n’ont pourtant « aucun fondement juridique », d’après la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, n’est qu’un « signe indiquant une relation de plus en plus tendue et une concurrence accrue dans tous les domaines. »

D’autres signes, a-t-il ajouté, sont « le vol constant de technologies » par la Chine et la prise de contrôle, par Pékin, d’infrastructures stratégiques en Afrique, en Asie et même et en Europe. Et l’on pourrait également citer la question de Taïwan et les tensions commerciales…

S’agissant des infrastructures portuaires en Europe, la Chine en contrôlerait un dizième. De quoi inquiéter la Commission européenne, au point que son président, Jean-Claude Juncker, a proposé un règlement européen afin d’établir « un cadre pour la revue des investissements directs étrangers » en obligeant les 28 États membres à renforcer leur coopération et s’informer mutuellement des rachats de sociétés « stratégiques ». « La Chine ne peut pas respecter un continent où une partie des États membres se donne toutes portes ouvertes », a par ailleurs estimé le président Macron, en janvier 2018.

Quoi qu’il en soit, le général Hodges a affirmé qu’il était « de l’intérêt des Américains de disposer d’un pilier européen très fort, même si aucun pays européen ne dépensait un euro pour sa propre défense ». Car, a-t-il poursuivi, « la stabilité et la sécurité en Europe sont dans l’intérêt du États-Unis » et les « dirigeants américains le savent bien. »

« On va continuer à investir ici en Europe, à s’entraîner, à exercer les forces en rotation et celles qui sont déployées en permanence, dans cette perspective éventuelle que dans dix ou quinze ans nous devrons nous battre dans le Pacifique », a encore assuré le général Hodges.

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