Son renseignement militaire mis en cause, la Russie riposte en accusant le Pentagone de mener des essais biologiques

En communication, pour se défaire d’une affaire embarrassante, on en sort généralement une seconde qui l’est davantage, afin de minimiser la portée de la première. C’est ce qu’on appelle allumer un contre-feu. Et c’est l’impression que l’on a après que la Russie a accusé le Pentagone de mener des essais d’armes biologiques en Géorgie, alors qu’elle était mise en cause par plusieurs pays occidentaux pour son rôle dans de récentes cyberattaques ayant visé notamment l’Agence mondiale antidopage ou encore l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC]

Le premier à avoir allumé la mèche a été le Royaume-Uni, qui a accusé le GRU, le renseignement militaire russe, d’avoir été à l’origine de ces attaques informatiques. Puis il a été rejoint par les l’Australie et les Pays-Bas, ces derniers ayant confirmé l’expulsion de quatre agents russes dans le cadre d’une affaire ayant visé le siège de l’OIAC à La Haye.

Enfin, les États-Unis n’ont pas été en reste en annonçant l’inculpation de sept membres du GRU impliqués dans ces cyberattaques.

Mais au même moment, le ministère russe de la Défense, via le général Igor Kirillov, chef des troupes de protection contre les menaces NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) a riposté en accusant les États-Unis de mener secrètement des expériences biologiques dans un laboratoire installé en Géorgie. Et d’assurer que « 73 citoyens géorgiens » auraient perdu la vie lors de ces essais.

Ces expériences, a affirmé le général Kirillov, ont lieu au centre Richard-Lugar, qui, inauguré en 2011 dans le village d’Alekseevka, est financé par le Pentagone. Ces accusations s’appuient, selon l’officier russe, sur des informations transmises par Igor Giorgadze, ministre géorgien de la Sécurité d’État entre 1993 et 1995.

« La mort quasi simultanée d’un grand nombre de volontaires donne à penser que le centre Lugar était à la recherche d’un agent chimique ou biologique hautement toxique et très meurtrier », a déclaré le général Kirillov, qui a également attiré l’attention sur la propagation de maladies virales, dans le sud de la Russie. Il a ainsi évoqué des cas de peste porcine africaine (PPA) qui auraient la Géorgie pour origine depuis 2007 ainsi qu’une prolifération « inhabituelle » de tiques porteuses de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. De quoi se croire dans la série « The Americans », dont un épisode est basé sur des soupçons erronés de Moscou au sujet de recherches américaines sur un insecte prêt à ravager les champs de blé soviétiques.

« Il est très probable que les Etats-Unis développent leur potentiel biologique militaire sous couvert d’étudier des moyens de protection et de mener d’autres recherches pacifiques, en bafouant les accords internationaux », en a conclu le général Kirillov, en faisait allusion à Convention sur l’interdiction des armes biologiques [CABT], entrée en vigueur en 1975.

Le Centre Lugar n’est « qu’un petit élément d’une partie d’un programme militaire et biologique tentaculaire des États-Unis », a encore accusé le général, selon qui le Pentagone aurait d’autres laboratoires dans des pays voisins de la Russie.

Ce contre-feu russe ne manque pas de pertinence, d’autant plus qu’elle rappelle l’affaire de Pont-Saint-Esprit, une localité française où, en 1951, quelques dizaines d’habitants furent atteint d’un mal étrange… Au moins cinq en moururent et 50 furent internés pour des troubles psychiatriques.

L’on n’a jamais su le fin mot de cette histoire. Mais les hypothèses pour expliquer ce qui arriva à la population de ce village évoquent une contamination de la farine ayant servi à faire du pain (il a été question d’ergot de seigle, d’intoxication due à un fongicide, à de l’agène ou encore à des mycotoxines). D’autres ont évoqué la piste de la CIA, qui aurait choisi Pont-Saint-Esprit pour mener des expériences à base de LSD, dans le cadre de son projet MK-Ultra. Mais cela n’a jamais pu être prouvé. Et les documents déclassifiés relatifs aux expériences du Pentagone, menées en collaboration avec l’agence de renseignement, sur le contrôle mental n’évoquent pas cette affaire [ce qui ne prouve rien non plus…].

Quoi qu’il en soit, le porte-parole du Pentagone et les autorités géorgiennes ont catégoriquement démenti les affirmations russes, lesquelles peuvent aussi avoir pour objectif de créer de la défiance au sein de la population, à l’heure où la Commission OTAN-Géorgie devait se réunir. Les accusations russes sont « absurdes », a immédiatement réagi le ministère géorgien de la Santé. « Le travail [du centre Lugan] est entièrement tourné vers la protection sanitaire de la population », a fait valoir le Centre national géorgien de contrôle des maladies et de la santé publique.

Il s’agit d’une « invention » entrant dans le cadre de la « campagne de désinformation imaginaire et fausse contre l’Occident » et de « tentatives évidentes de détourner l’attention des mauvais comportements de la Russie sur de nombreux fronts », a répondu Éric Pahon, le porte-parole du Pentagone. « Les États-Unis ne développent pas d’armes biologiques dans le centre Lugar », a-t-il insisté, avant de préciser que le Centre Lugan appartient au Centre national géorgien pour le contrôle des maladies et la santé publique (NCDC), qui en assure l’exploitation.

« La mission du Centre Lugar est de contribuer à la protection des citoyens contre les menaces biologiques, de promouvoir la santé publique et animale par le biais du dépistage des maladies infectieuses, de la surveillance épidémiologique et de la recherche. Et cela dans l’intérêt de la Géorgie, du Caucase et de la communauté mondiale », a expliqué M. Pahon.

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