« L’Allemagne ne pourra pas fermer les yeux » en cas d’attaque chimique en Syrie, estime Mme Merkel

Quelques jours après l’attaque chimique ayant eu lieu à Douma, dans la Ghouta orientale, en Syrie, un chaîne de télévision Russia1 diffusa des images suggérant qu’il s’était en réalité agi d’une mise en scène, avec les « Casques blancs » comme figurants. Or, il s’avéra que les séquences avaient été filmées lors du tournage du long-métrage syrien « Revolution Man« , financé par l’entreprise d’État de télécommunications Syriatel… Rien à voir, donc, avec les faits du 7 avril 2018.

Aussi, quand le ministère russe de la Défense avance que des équipes de télévision, dont la « branche régionale d’une importante chaîne américaines d’informations » ont débarqué à Jisr al-Choghour, à une quarantaine de kilomètres d’Idleb pour tourner une « provocation mise en scène pour montrer soi-disant l’armée syrienne mener une attaque chimique contre des civils », on ne peut qu’être circonspect.

« Il apparaît qu’il y a une espèce de préparation psychologique par certains intervenants russes d’une utilisation de l’arme chimique, qu’ils mettraient sur le compte de groupes terroristes », a commenté Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, à l’antenne de BFMTV, le 11 septembre. Le chef de la diplomatie française s’exprimait au sujet de la bataille annoncée d’Idleb, région devenue, au fil des avancées des troupes syriennes, un « abcès de fixation » où se retrouvent de nombreux groupes jihadistes.

« Il y a un risque sécuritaire dans la mesure où dans cette zone [Idleb, ndlr] se trouvent beaucoup de jihadistes, se réclamant plutôt d’al-Qaida, qui sont entre 10.000 et 15.000 et qui sont des risques pour demain pour notre sécurité », a par ailleurs estimé M. Le Drian. Ils « risquent de se trouver dispersés si l’offensive syrienne et russe se mettait en œuvre dans les conditions que l’on imagine aujourd’hui », a-t-il ajouté.

Quoi qu’il en soit, le ministre français a une nouvelle fois prévenu que l’usage d’armes chimiques par Damas, s’il est avéré, donnerait lieu à une nouvelle action militaire. Comme ce fut le cas lors de l’affaire de Douma, avec l’opération Hamilton, menée conjointement par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni.

Cela étant, si jamais le régime syrien venait encore à franchir la « ligne rouge » que constitue l’usage d’armes chimiques, l’Allemagne pourrait se joindre à une opération militaire. Le quotidien populaire Bild a en effet révélé, le 9 septembre, que Berlin discutait d’une telle éventualité avec ses alliés. La participation allemande pourrait se traduire par des vols de reconnaissance pour évaluer le résultat des raids (Battle damage assessment), voire par des frappes, ce qui serait une première depuis la fin des années 1990.

Cependant, une telle éventualité a suscité l’opposition des sociaux-démocrates, lesquels font pourtant partie de la coalition gouvernementale dirigée par la chancelière Angela Merkel, membre de la CDU/CSU [chrétiens-démocrates, ndlr].

Ainsi, la présidente du SPD, Andrea Nahles, a affirmé que son parti s’opposerait à toute intervention militaire allemande en Syrie sans un feu vert des Nations unies. Ce qui marque une légère inflexion par rapport à ses premières déclarations. Les sociaux-démocrates n’accepteront « pas, que ce soit au Parlement ou au gouvernement, la participation de l’Allemagne à la guerre en Syrie », avait-elle lancé.

Sur ce point, la chef de file des sociaux-démocrates joue sur du velours : selon un sondage publié par le quotidien Die Welt, 74% des Allemands s’opposent à toute participation de la Bundeswehr à une intervention militaire en Syrie en cas d’usage d’armes chimiques.

Mais ce sondage et l’opposition du SPD ne semblent pas avoir entamé la détermination de Mme Merkel. « L’Allemagne ne pourra pas fermer les yeux si des armes chimiques sont à nouveau utilisées en Syrie et qu’une convention internationale n’est pas respectée. Cela ne peut pas être une réponse « , a-t-elle en effet averti, lors d’une séance au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, ndlr]. « La position allemande ne peut pas se limiter à un ‘non’, quoi qu’il arrive dans le monde », a-t-elle insisté.

Reste que tout engagement militaire allemand doit avoir le feu vert du Bundestag. Ce qui, au regard de sa composition, rend hypothétique la participation de Tornado de la Luftwaffe à des raids contre le programme chimique syrien. Sauf, peut-être, s’il s’agit de réaliser des missions de reconnaissance, comme 6 Tornado ECR sont autorisés à la faire depuis la Jordanie, dans le cadre de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.

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