Pour le chef d’état-major des armées, l’autonomie stratégique de l’Union européenne est une « urgence »

Deux semaines après la discours du président Macron lors de la Conférence des ambassadeurs, au cours duquel il a estimé que l’Europe ne pouvait « plus remettre sa sécurité aux seuls États-Unis », la ministre des Armées, Florence Parly a assuré, si l’on peut dire, le service après-vente lors de ses récentes interventions.

« L’Europe de la Défense, c’est aujourd’hui un impératif, par réalisme, par pragmatisme, presque par constat », a ainsi affirmé Mme Parly, le 9 septembre, lors d’un dîner organisé la veille de l’Université d’été de la Défense [UED], qui se tient actuellement à Versailles-Satory. « Nous écoutons le président des Etats-Unis, nous lisons ses tweets […]. Ils disent tous une chose claire : nous ne pourrons pas nous abriter éternellement derrière le paravent américain », a-t-elle ajouté.

« Les États-Unis sont nos alliés, ce sont nos amis […] et l’Alliance atlantique restera le pilier de la sécurité transatlantique. Mais aujourd’hui le doute est permis. Les États-Unis seront-ils toujours à nos côtés, en tous lieux et en toutes circonstances? », a demandé Mme Parly. « Un mouvement s’est enclenché, il est peut-être inexorable, il ne dépend sans doute ni d’un chef d’État ni des résultats d’une élection », a-t-elle ensuite prévenu.

Cette question concernant l’attitude des ֤États-Unis à l’égard de l’Europe en cas de conflit n’est pas nouvelle. Dans le tome II de ses entretiens avec le général de Gaulle, Alain Peyrefitte fit en effet état d’interrogations du même ordre, alors que le contexte était différent. Le président Kennedy « affirme que l’Amérique ferait la guerre plutôt que nous laisser dans la poche des soviets. Mais dans quelles conditions, à quel moment, avec quels moyens? Pendant la première puis la seconde guerre, elle a bien fini par nous secourir. Mais dans quel état nous étions! », aurait ainsi déclaré l’ex-chef de la France Libre, en juillet 1963.

Quoi qu’il en soit, le 10 septembre, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, partage le constat de Mme Parly. En juillet, lors d’une audition parlementaire, il avait déploré le fait que l’Europe ne disposait d’aucune « instance réellement dédiée à l’élaboration d’une vision stratégique commune », à l’heure où les États-Unis semblaient prendre leurs distances avec l’Otan.

« Dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme, de fragilisation des alliances et de bascule vers un nouveau centre de gravité mondial situé entre États-Unis et Asie, le continent européen devra affronter à lui seul et – de plus en plus – par lui-même, tous les types de menaces : puissance, terrorisme, hybride, cyber, migrations », a expliqué le CEMA, lors de l’Université d’été de la Défense.

« L’objectif est clair : parvenir à construire ensemble une autonomie stratégique européenne », a insisté le général Lecointre, estimant qu’il « y a urgence » à avancer dans ce domaine. C’est d’ailleurs le sens de l’Initiative européenne d’intervention (IEI) qui, lancée à l’initiative de Paris, vise à intensifier les échanges entre les états-majors des 9 pays participants.

Quant aux rapports avec les États-Unis, le général Lecointre avait tenu à faire une mise au point lors de sa dernière audition parlementaire.

« En tout état de cause, nous sommes des partenaires crédibles pour nos alliés américains. J’entretiens ainsi une grande proximité avec mon homologue américain, le général Joseph Dunford, comme je le crois la ministre avec le sien, le secrétaire d’État à la Défense James Mattis. Cela me vaut d’ailleurs d’être critiqué par certains. Je voudrais ici être très clair : je ne suis ni ‘anti-gaulliste’, ni ‘OTANien’ forcené. Il faut s’en tenir aux faits : Français et Américains sommes engagés ensemble, en frères d’armes qui paient le prix du sang, conformément aux responsabilités que nous confient nos autorités politiques respectives », avait-il dit.

Reste que le constat fait par les responsables politiques français n’est pas tout à fait le même de l’autre côté du Rhin, à en juger par les propos tenus par Ursula von der Leyen, l’homologue allemande de Mme Parly, le 9 septembre.

« Nous nous sommes fixé l’objectif en tant que gouvernement fédéral de rester transatlantiques et en même temps de devenir plus Européens », a rappelé Mme von der Leyen, après l’annonce d’un renforcement de la présence militaire américaine en Allemagne. « L’Otan reste indispensable pour la défense collective et la sécurité de l’Europe. Cela ne va pas changer même si le gouvernement américain actuel veille plus jalousement sur les intérêts de son pays et que la Maison Blanche communique sur un ton plus acerbe et plus cavalier », veut-elle croire.

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