L’armée nigériane ne cesse de subir de lourdes pertes face aux jihadistes de Boko Haram

Non, contrairement à ce qu’a affirmé son président, Muhammadu Buhari, lors de ses voeux pour 2018, le Nigeria n’en a pas fini avec le groupe jihadiste Boko Haram. Ou du moins avec l’une de ses deux factions.

Depuis 2015, et grâce à l’action d’une Force multinationale mixte (FMM) dont les effectifs étaient fournis par le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et le Niger, le groupe jihadiste, lié à l’État islamique, a été mis sur la défensive, perdant l’essentiel des territoires qu’il prétendait contrôler.

Pour autant, même divisé en deux factions – l’une dirigée par son chef « historique », Abubakar Shekau, l’autre, reconnue par l’EI avec Abou Mosab al-Barnaoui à sa tête – Boko Haram continue de faire régner la terreur dans la région du Lac Tchad. Et, au cours de l’année 2017, il fut constaté une recrudescence des attaques menées par l’une ou l’autre branche de l’organisation jihadiste.

Et, dans un récent rapport remis au Conseil de sécurité, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres a décrit le groupe « Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique » [ISWAP], c’est à dire la faction de Boko Haram dirigée par al-Barnaoui, comme étant une organisation semblant « représenter la principale menace de l’EI en Afrique de l’Ouest », compte tenu de « sa taille et des ressources financières dont il dispose à présent ».

Visiblement, les forces armées nigérianes éprouvent de grandes difficultés pour combattre l’ISWAP, qui leur a infligé de lourdes pertes au cours de cet été.

Ainsi, le 14 juillet, les jihadistes, vêtus d’uniformes et circulant à bord de véhicules aux couleurs de l’armée nigériane ont attaqué la base de Jilli, située à une soixantaine de kilomètres de la ville de Geidam, dans l’État de Yobe.

Depuis, les autorités nigérianes n’ont pas publié de bilan officiel des combats. « Nous avons perdu pas mal de soldats et de matériel à Yobe », a simplement commenté un haut responsable militaire nigérian. L’on sait seulement qu’il a été officieusement fait état d’au moins 31 tués et de 24 blessés parmi les 700 soldats de la 81e division qui défendaient cette base, contrôlées brièvement par l’ISWAP. En outre, 63 autres, avec leur commandant, ont réussi à fuir vers Geidam. Quant aux autres, l’on suppose qu’ils ont aussi pris la fuite avant de revenir dans leur caserne après le départ des jihadistes.

Un peu plus d’une semaine plus tard, des jihadistes, appartenant vraisemblablement à l’ISWAP, ont brièvement pris le contrôle de la base de Jakana, implantée près de Maiduguri, dans l’État de Borno, avec une trentaine de véhicules lourdement armés. Là encore, aucun bilan officiel de l’attaque n’a été communiqué. Si ce n’est qu’il a été annoncé que 23 soldats avaient été portés disparus, la veille, après une embuscade sans doute tendue par les hommes d’Abubakar Shekau, dans la région de Bama.

Ces attaques ont conduit l’état-major nigérian à nommer un nouveau chef à la tête des opérations contre Boko Haram, en la personne du général A.M Dikko. Le quatrième en 14 mois… Pour autant, ce jeu de chaises musicales n’a eu, comme l’on peut s’en douter, aucun effet.

Car le 8 août, l’ISWAP a lancé une nouvel assaut contre une base militaire, en l’occurrence celle de Garunda, dans la région du lac Tchad. L’organisation jihadiste a, par la suite, diffusé des images de cette attaque, qui aurait fait au moins 17 tués dans les rangs de l’armée nigériane. Sur ces dernières, l’on voit que les assaillants ont récupéré beaucoup d’armes et l’on remarque la présence d’un drone de loisir, sans doute utilisé au cours de l’assaut.

La liste des bases de l’armée nigériane attaquées ne s’arrête pas là. Le 30 août celle de Zari, située entre la frontière du Niger et le bassin du lac Tchad, qui sert de zone de repli pour l’ISWAP, a été prise d’assaut par les jihadistes. Ce qui a donné lieu à un nouveau massacre.

Dans un premier temps, il a été fait été de 31 soldats tués et de 17 autres blessés. Mais un nouveau bilan officieux, communiqué ce 3 septembre par un officier à l’AFP, évoque la mort de 48 soldats. Ce qui a été confirmé par une autre source militaire.

Les assaillants « sont arrivés en grand nombre dans des camions et transportaient des armes lourdes. Ils ont engagé des soldats dans une bataille qui a duré une heure », a témoigné l’officier nigérian. « Leur force de frappe a été si puissante que les troupes ont été contraintes de se replier temporairement avant l’arrivée des renforts » terrestres et aériens, a-t-il ajouté.

L’ISWAP a revendiqué cet assaut via un court communiqué, de même qu’une autre attaque « au mortier », la veille, contre la base de d’Arge, dans la région du Lac Tchad. Cette dernière n’a pas pu être confirmée.

S’agissant des événements à Zari, les autorités nigérianes n’ont officiellement reconnu qu’un « combat important » au cours duquel « plusieurs insurgés » ont été tués. Quant aux pertes militaires, c’est le silence radio… Il faut dire que ces attaques meutrières, commises régulièrement par l’ISWAP, jouent évidemment sur le moral des troupes. Le mois dernier, des centaines de soldats nigérians ont manifesté leur refus d’être déployés sur une base dans la région du lac Tchad.

Cette situation n’est pas une surprise. Un rapport du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, publié à la fin de l’année 2017, déplorait le retrait des soldats tchadiens de la Force multinationale mixte ainsi que les « allégations de de violations des droits de l’homme par le personnel de sécurité », lesquelles compromirent « la coopération avec les communautés touchées et la collecte de renseignements. » En outre, le document soulignait « la nécessité d’une stratégie globale de lutte contre Boko Haram. »

Le problème est que l’ISWAP, qui dispose maintenant d’un arsenal important tout en mettant en oeuvre des tactiques nouvelles que les forces nigérianes peinent à contrer, étendrait son influence au-delà la région du lac Tchad, des cellules lui étant affiliées ayant été démantelées au Sénégal. Les individus arrêtés et jugés (une trentaine) ont indiqué avoir été entraînés par Boko Haram au Nigéria. En outre, des éléments de cette organisation jihadistes seraient également présents en Libye.

Photo : attaque de la base de Garunda – capture d’écran via Long War Journal

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