Président Macron : « L’Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls États-Unis »

Création d’un Fonds européen de Défense pour financer les programmes d’armement menés en partenariat au sein de l’Union européenne, lancement de la Coopération structurée permanente (CSP ou PESCO), qui donne la possibilité aux États membres d’approfondir leur collaboration dans le domaine militaire, mise sur les rails de l’Initiative européenne d’intervention qui, proposée en septembre 2017 par le président Macron, doit permettre le développement d’une culture stratégique commune entre les pays participants, signature d’accords par la France et l’Allemagne pour mettre au point une nouvelle génération de chars et d’avions de combat… Ces derniers mois ont été riches d’annonce en matière de défense européenne.

« Jamais l’Europe n’avait avancé aussi vite en matière de défense » depuis 70 ans, s’est félicité le président Macron, lors d’un discours prononcé lors de la traditionnelle conférence des ambassadeurs, ce 27 août. « L’Europe a pris conscience qu’elle devait se protéger et la France a, dans ce cadre, pris toutes ses responsabilités à travers la Loi de programmation militaire », promulguée le 13 juillet, a-t-il continué. « La France et l’Europe ont en quelque sorte pris acte des nouvelles menaces contemporaines et du fait que nous avions besoin d’une autonomie stratégique et de défense pour répondre à ces dernières », a-t-il souligné.

Pour autant, le président français n’entend pas en rester là. « Le partenaire avec lequel l’Europe avait bâti l’ordre multilatéral d’après-guerre semble tourner le dos à cette histoire commune », a constaté M. Macron, après avoir énuméré les décisions récemment prises par l’administration Trump, comme dans le domaine de la politique commerciale, qu’il a qualifiée « d’unilatérale et d’agressive. » Le locataire de l’Élysée a également cité le « doute sur l’Otan », régulièrement exprimé par son homologue américain…

Aussi, a estimé M. Macron, « l’Europe ne plus remettre sa sécurité aux seuls États-Unis ». Et, a-t-il poursuivi, « c’est à nous, aujourd’hui, de prendre nos responsabilités et de garantir la sécurité, et donc la souveraineté européenne », avant d’insister sur le fait qu’il faut « tirer toutes les conséquences de la fin de la Guerre froide. »

« Des alliances ont encore aujourd’hui toute leur pertinence, mais les équilibres, parfois les automatismes sur lesquels elles s’étaient bâties sont à revisiter. Cela suppose aussi pour l’Europe d’en tirer toutes les conséquences », et donc de « revisiter l’architecture européenne de défense et de sécurité », a affirmé M. Macron. Vaste programme, tant il faudra déployer des trésors de diplomatie pour convaincre les États membres de l’UE de s’engager dans une telle voie, d’autant plus que beaucoup n’imaginent pas se passer du parapluie américain pour leur défense.

Pour faire bouger les lignes, Emmanuel Macron entend proposer, dans les prochains mois, un « projet de renforcement de la solidarité européenne en matière de sécurité », en donnant « plus de substance » à l’article 42-7 du Traité sur l’Union européenne.

Pour rappel, cet article, invoqué pour la première par la France en novembre 2015, après les attentats de Paris et de Saint-Denis, stipule que « au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. » En outre, ce texte précise que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »

Sur ce point, a indiqué M. Macron, la France « est prête à entrer dans une discussion concrète entre États européens sur la nature des liens réciproques de solidarité et de défense mutuelle qu’impliquent nos engagement aux termes du Traité [sur l’UE].

Revisiter cette architecture de défense et de sécurité passera également, selon M. Macron, par un « dialogue rénové sur la cybersécurité, les armes chimiques, les armements classiques, les conflits territoriaux, la sécurité spatiale ou la protection des zones polaires. » Et il compte y associer la Russie.

« Je souhaite que nous lançions une réflexion exhaustive sur ces sujets avec l’ensemble de nos partenaires européens au sens large, et donc avec la Russie », a-t-il en effet déclaré. Cependant, des « progrès substantiels vers la résolution de la crise ukrainienne tout comme le respect du cadre de l’OSCE […] sont des conditions préalables à des avancées réelles avec Moscou », a-t-il tempéré. « Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler dès maintenant entre Européens’, a-t-il ajouté.

Cela étant, dans le même temps, la France poursuivra évidemment le dialogue avec les États-Unis. « Le dialogue avec Washington est essentiel », a fait valoir M. Macron, surtout pour répondre à la « crise de la mondialisation capitaliste contemporaire et du modèle libéral westphalien multilatéral « , laquelle, selon lui, est une clé pour comprendre les prises de position unilatérales américaines ainsi que le Brexit.

Cette crise de la mondialisation, née des défauts que cette dernière pas su corriger, explique, selon M. Macron, le retour des « identités profondes des peuples partout dans le monde », avec « leurs imaginaires historiques. »

« C’est un fait. Ceux qui croyaient à l’avénement du pleuple mondialisé protégé des morsures de l’histoire se sont profondément trompés. Partout dans le monde, la psyché profonde est revenue. C’est vrai de l’Inde à la Hongrie, en passant par la Grèce jusqu’aux États-Unis. […] Elle est parfois détournée, parfois exacerbée, mais c’est un fait qui dit quelque chose du retour des peuples. C’est une bonne chose sans doute. En tout cas, je le crois. C’est le signe que cette mondialisation indifférenciée de permettait pas de répondre à tout […] et qu’il nous faut donc en repenser les règles et les usages compte-tenu de ses échecs », a expliqué le président Macron.

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