L’entreprise d’armement Manurhin va être reprise par un groupe originaire des Émirats arabes unis

Créée il y a près d’un siècle et connue notamment pour avoir produit le revolver MR73 avant de devenir le spécialiste français des machines utilisées pour fabriquer des munitions, l’entreprise Manurhin connaît des problèmes récurrents depuis maintenant plusieurs années, malgré un carnet de commandes bien rempli.

Cette situation paradoxale s’explique par les difficultés de l’entreprise à disposer de suffisamment de fonds propres pour financer son activité et son développement. En 2011, une solution fut (chèrement) trouvée par le gouvernement après la consultation de sociétés de conseil. Une augmentation de capital fut alors décidée, via un nouveau pacte d’actionnaires constitué par la Sofired [une structure du ministère des Armées], Giat Industries et le groupe slovaque Delta Defence, alors aussi inattendu que mystérieux.

Pour autant, ces décisions n’eurent pas l’effet espéré. En 2015, Manurhin fut de nouveau aux prises avec des difficultés de financement. Et son salut vint d’une banque installée au Moyen-Orient. « Nous sommes débancarisés en France et ceci est incompréhensible alors que nous sommes leader mondial, avons un carnet de commandes de plus de deux ans et sommes rentables », expliquait, à l’époque, Rémy Thannberger, le Pdg de l’entreprise alsacienne.

Qui plus est, la frilosité des banques s’expliquait en partie par la présence, au capital de Manurhin, de Delta Defence, dont l’identité exacte des dirigeants était alors inconnue. Faute de pouvoir obtenir de nouveaux prêts bancaires, l’activité de l’entreprise s’en ressentit. Et, en juin 2017, elle fut placée en procédure de sauvegarde. Six mois plus tard, elle obtint un sursis supplémentaire accordé par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse. Puis, le 13 juin, elle fut mise en redressement judiciaire.

Finalement, le 1er août, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse a donné son feu vert à la reprise de Manurhin par le groupe EDIC [Emirates Defense Industries Company]. Originaire des Émirats arabes unis et dirigé par Luc Vigneron [ex-Pdg de Nexter et de Thales], ce dernier produit des munitions, des armes légères et des blindés. En outre, il est soutenu par le fonds d’investissement émirati « Mubadala », ce qui lui donne une certaine « puissance de frappe ».

D’autres industriels étaient sur les rangs, dont le belge New Lachaussée, la PME française Odyssée Technologies et le groupe slovaque Delta Defence, qui détient déjà 36% du capital de Manurhin.

« Le tribunal de Mulhouse, qui connaît l’unique cause de nos difficultés, s’est prononcé avec pragmatisme en faveur du projet financier le plus solide pour Manurhin », a commenté M. Thannberger. « EDIC reprend l’intégralité de notre carnet de commandes et le fait que plus des deux tiers des effectifs soient conservés à Mulhouse montre que nous avons su préserver le savoir-faire de l’entreprise, et surtout le transmettre à une nouvelle génération de collaborateurs prometteurs », a-t-il ajouté, avant de regretter le fait que le France ne croyait « plus en son industrie. »

Peut-être. En tout cas, pour ce qui concerne la filière française des munitions, cela ne fait aucun doute. En 2016, et suite à des rapports parlementaires sur ce sujet, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait voulu la relancer en évoquant un « acte de souveraineté nationale ».

Seulement la revue stratégique, publiée en octobre 2017, a mis fin à ce projet, qui devait associer l’entreprise bretonne NobelSport [spécialiste des munitions pour la chasse et le tir sportif, ndlr] et Thales [via sa filiale TDA Armements]. « Les munitions de petit calibre ne font pas partie des domaines identifiés comme devant rester souverains », avait ainsi lâché Joël Barre, le Délégué général pour l’armement, lors d’une audition au Sénat.

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