Pour surveiller l’Arctique, la Russie veut un nouvel ekranoplan, basé sur un concept né pendant la Guerre Froide

Durant la Guerre Froide, l’ingénieur soviétique Rotislav Alekseiev imagina l’Ekranoplan, c’est à dire une sorte d’hydravion dont le principe reposait sur l’effet aérodynamique appelé « effet de sol ».

Pour résumer, quand un aéronef vole très près du sol, la pente de portance augmente légèrement, ce qui permet de réduire la traînée [force qui s’oppose au mouvement d’un corps dans l’air] induite. Du coup, il est possible soit d’économiser du carburant, soit d’augmenter la masse de l’appareil.

C’est donc en se basant sur ce principe que, entre 1961 et 1965, Alekseiev développa le KM, surnommé le « monstre de la Caspienne » en raison de ses dimensions imposantes. D’une longueur de 100 mètres pour une masse de 550 tonnes, cet ekranoplan avait besoin de 10 moteurs pour voler à une altitude comprise entre 3 et 14 mètres au-dessus de l’eau, à la vitesse maximale de 550 km/h. Cet appareil, construit à un seul exemplaire, servit surtout comme laboratoire « volant » (si l’on peut dire). Et son aventure prit fin en 1980, quand il s’écrasa à cause d’une erreur de pilotage.

En 1972, à la demande de la marine soviétique, Alekseiev conçut, sur le même principe, l’A-90 « Orlyonok » (« Aiglon » en russe), un appareil destiné à mener des missions d’assaut. D’une masse de 125 tonnes pour une longueur de 58 mètres, cet ekranoplan fut construit à seulement 5 exemplaires, sur les 120 initialement prévus. Mais seulement quatre volèrent. Mis en service à la fin des années 1970, ils connurent des fortunes diverses : deux s’écrasèrent et un termina dans le musée de la Marine, à Moscou.

Puis, dans les années 1980, le MD-160 « Lun » [photos] fit son apparition. Long de 74 mètres (pour une envergure de 44 mètres), cet appareil à effet de sol, propulsé par 8 turboréacteurs Kuznetsov NK-87 de 10 tonnes de poussée unitaire, avait été conçu pour la lutte anti-navire. Pour cea, il emportait des missiles P-270 « Moskit » ainsi que des systèmes électroniques de surveillance. Un seul exemplaire fut utilisé (par la flotte de la Mer noire) jusqu’à la fin des années 1990.

Cela étant, depuis 2015, il est prêté à la Russie l’intention de mettre à nouveau au point de tels appareils. Et il fut même avancé que le bureau d’études qui employa Rotislav Alekseiev à Nijni Novgorod, planchait sur l’A-050 « Chaika », un ekranoplan a priori destiné à un usage civil.

Mais le vice-ministre russe de la Défense, Youri Borisov, a confié à l’agence officielle TASS qu’un projet visant à développer un ekranoplan pour des missions militaires – le « Orlan » – dans le cadre du programme d’armement de l’État pour 2018-2027.

Devant emporter des missiles, dont le type n’a pas été précisé, cet appareil serait utilisé « pour surveiller la route maritime du Nord, où les infrastructures sont faiblement protégées ». Mais il pourrait aussi être déployé dans les « mers intérieures, comme la mer Caspienne et la mer Noire », a déclaré M. Borisov. En outre, il serait également susceptible, outre ses tâches militaires, d’assurer des missions de transport, de recherche et de sauvetage.

L’autonomie importante que peut avoir un ekranoplan pourrait conférer davantage de flexibilité à la marine russe, la difficulté étant, pour un adversaire potentiel, de pouvoir détecter à temps ce type d’appareil, susceptible de voler en deçà de la couverture radar. En outre, il lui donnerait également la capacité de déployer rapidement des troupes dans des zones spécifiques lors d’un conflit. À condition, toutefois, que les conditions en mer (comme la hauteur des vagues) s’y prêtent…

La marine russe n’est pas la seule à s’inspirer de projet qui s’annoncèrent prometteurs durant la Guerre Froide. Aux États-Unis, il est par exemple question de reprendre le concept des « tail-sitters » pour doter les frégates de l’US Navy de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance).

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