Mme Parly fait une mise au point au sujet des ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis

Lors d’une audition devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale, la ministre des Armées, Florence Parly, a répondu à quelques députés qui ont relayé les reproches adressés par des ONG à la France au sujet de ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, deux pays actuellement engagés militairement au Yémen pour appuyer les forces du président Abdrabbo Mansour Hadi, opposées aux rebelles Houthis dont tout laisse à penser qu’ils sont soutenus par l’Iran (*).

Avant de répondre aux question des parlementaires, Mme Parly a d’abord expliqué le processus en place pour autoriser – ou non – les ventes d’armes à des pays tiers. « Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour mettre un terme à la fiction selon laquelle on vendrait des armes comme des baguettes de pain », a-t-elle lancé.

Parce que des armes vendues à pays tiers peuvent se retourner un jour contre les forces françaises [les Américains en ont fait l’expérience avec l’Iran, ndlr], chaque licence d’exportation est accordée qu’après un « examen extrêmement minutieux qui est réalisé au plan interministériel, sous l’autorité directe du Premier ministre » et un « débat contradictoire extrêmement approfondi ». Et, a souligné Mme Parly, la « règle de base, qui nous distingue de beaucoup de nos partenaires, est que tout est interdit sauf exception, c’est-à-dire sauf ce qui est autorisé »

Cette « analyse va dans le détail : le fait qu’un pays est impliqué dans un conflit ne suffit évidemment pas à justifier une décision. Il faut regarder comment les armes sont utilisées précisément », a continué la ministre. Ce travail d’examen relève de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), qui réunit des représentants des ministères des Affaires étrangères, de l’Économie et des Armées.

Ses « décisions doivent tenir compte du respect du droit à trois niveaux : le droit international, le droit européen et notre droit national », a expliqué Mme Parly. « La CIEEMG peut imposer des engagements aux pays qui achètent les armes, et elle se prononce notamment en fonction de critères humanitaires, du respect des traités internationaux et du respect des droits de l’homme », a-t-elle encore précisé.

S’agissant du Yémen, Mme Parly s’est dit « préoccupée » par la situation humanitaire « catastrophique » de ce pays. « Nous en parlons avec nos partenaires, notamment avec l’Arabie saoudite. Le ministre des Affaires étrangères se rend régulièrement à Ryad […] Se mobiliser pour faire passer l’aide humanitaire au Yémen est une priorité. La coalition arabe s’est engagée à abonder un plan humanitaire d’1,5 milliard de dollars au bénéfice du Yémen. Nous devons nous assurer collectivement que cette aide parvienne bien à ces destinataires », a-t-elle assuré.

Cela étant, a poursuivi Mme Parly, « nous n’avons aucun intérêt à attiser une situation déjà très compliquée » et « nous exerçons une vigilance toute particulière pour ce qui est des ventes d’armes aux pays de cette région. » Ce qui fait que « nous n’octroyons des licences à la coalition arabe que de façon millimétrée, grâce à une procédure de contrôle renforcée », a-t-elle fait valoir, après avoir souligné que l’Iran ne privait pas pour fournir les rebelles Houthis en armes.

Quant à savoir si les armes françaises vendues à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis ont un « impact sur les populations » au Yémen, Mme Parly a estimé qu’il fallait « distinguer le passé et le présent. »

« Par le passé, nous avons livré des équipements terrestres aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite. Comme il n’est pas possible de récupérer des armes déjà livrées, on peut légitimement s’interroger sur l’usage qui en est fait. À ma connaissance, les équipements terrestres vendus à l’Arabie saoudite sont utilisés non pas à des fins offensives mais à des fins défensives, à la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite », a expliqué la ministre. Tel est par exemple le cas des CAESAr (Camions équipés d’un système d’artillerie) saoudiens.

Pour le présent, et « lorsque nous sommes amenés à prendre des décisions sur la poursuite de contrats passés », a poursuivi Mme Parly, nous nous posons plusieurs questions, à commencer par celle de savoir s’il faut y mettre un terme dans l’hypothèse où les armes seraient utilisées de mauvaise façon » mais « cela ne doit pas nous conduire à laisser sans défense face à leurs adversaires des pays avec lesquels nous avons noué des accords de partenariat. » Car, a-t-elle rappelé, il ne faut pas oublier que « les Houthis ont tiré des missiles balistiques vers Ryad, qu’ils ont détruit des navires de guerre émiratis avec des navettes suicides et qu’ils mènent des attaques contre les navires en mer Rouge. » Et d’insister : « Si des armes ont été vendues dans le passé à cette coalition, c’est qu’il y avait de bonnes raisons à cela, rappelons-le. »

Ensuite, un autre élément à prendre en considération concerne « la protection de nos intérêts directs de sécurité », dont les 30.000 ressortissants français qui « vivent dans cette zone ». D’où l’importance des accords de défense passés avec Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït.

Par ailleurs, face à l’Iran, a fait remarquer Mme Parly, les pays du Golfe ne feraient pas le poids face à une offensive terrestre. « La population de l’Iran est supérieure au total des populations de tous les pays de la péninsule arabique », a-t-elle noté. D’où l’importance qu’il y ait une certaine stabilité de la région. En clair, il s’agit de faire en sorte qu’il y ait un équilibre. L’un des enjeux est aussi la libre circulation maritime dans cette partie du monde, par laquelle transite une bonne partie des hydrocarbures.

Enfin, il ne faut pas non plus perdre de vue la menace terroriste, avec, en particulier, la présence, au Yémen, d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), laquelle « représente une menace directe contre la France puisque c’est cette organisation qui a commandité l’attentat contre Charlie Hebdo » et dont l' »emprise territoriale est très dangereuse tout comme celle de Daesh », a rappelé Mme Parly. « En dehors des Américains, qui lutte contre cette organisation? Ce sont les Émirats arabes unis, qui utilisent des Mirage. Compte tenu du fait que cette menace s’est déjà tournée directement contre nous, nous devons avoir cette préoccupation à l’esprit », a-t-elle estimé.

Enfin, Mme Parly a eu un mot sur une résolution du Parlement européen, qui demande à la France de cesser de vendre des armes à l’Arabie Saoudite. « En tant qu’État, nous sommes partie à un dispositif qui s’applique à tous les États-membres. Je comprends que le Parlement européen émette des vœux mais je pense qu’ils ne peuvent être que des vœux », a-t-elle taclé. En tout cas, « nous verrons si de nouveaux contrats seront ou non conclus avec ce pays ou avec les Émirats arabes unis, deux pays avec lesquels nous avons une longue tradition de discussions en matière d’armement », a-t-elle conclu.

(*) Voir, à ce sujet, les rapports des Nations unies

Photo : Char Leclerc des forces armées émiraties

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