Un rapport du Sénat pointe (encore) la vétusté des logements occupés par les gendarmes

Pression opérationnelle croissante, insuffisance de la réponse pénale, manque d’équipements, vétusté des locaux, apparition de nouvelles formes de violences « clairement destinées à causer une atteinte physique majeure […], voire à tuer », etc. L’épais rapport que vient de remettre la commission d’enquête sénatoriale sur l’état des forces de sécurité intérieure conclut que la police et la gendarmerie « traversent incontestablement une véritable crise qui met en péril le bon fonctionnement du service public de sécurité. »

À la lecture de ce document, l’on a le sentiment que le malaise est plus profond au sein de la police, avec une prise en charge insuffisante des risques psycho-sociaux, un organisation et des méthodes de « management » qui « ne permettent pas aux agents d’accomplir sereinement leurs missions », un manque de cohésion « patent » entre les trois corps de cette administration, un « esprit de corps défaillant » ou encore une gestion des ressources humaines inadaptée.

Cependant, la gendarmerie nationale connaît aussi des difficultés. Certaines sont communes avec celles de la police (nouvelles formes de violences, rapports compliqués avec l’autorité judiciaire, équipements insuffisants). D’autres lui sont propres. À commencer par le logement des gendarmes. Sur ce point, le constat du rapport est sans appel étant donné qu’il évoque « vie en caserne contraignante, rendue particulièrement pénible par la vétusté du parc immobilier domanial de la gendarmerie nationale. »

À la différence des policiers, les gendarmes, avec leur famille, bénéficient d’un logement en caserne. Si, il y a quelques années, des responsables de syndicats policiers y ont vu un « avantage » parce que les militaires ne payaient pas de loyers, les choses sont plus compliquées.

« Il est important de rappeler que, loin de représenter un simple avantage en nature, la concession de logement par nécessité absolue de service, qui se traduit par l’obligation faite aux gendarmes de vivre en caserne avec leur famille sur leur lieu de travail, constitue un élément essentiel du fonctionnement de la gendarmerie », rappelle ainsi le rapport de la commission d’enquête.

Les gendarmes étant des militaires [et l’article 7 du statut général des militaires stipule, qu’à ce titre, ils « peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu » et que leur liberté de résidence « peut être limitée dans l’intérêt du service], cette obligation de vivre en caserne permet à la gendarmerie « d’assurer, avec des unités à faibles effectifs disséminées sur l’ensemble du territoire, un service de proximité, en mesure de monter très rapidement en puissance lorsque les circonstances l’exigent. »

Citant, un membre du Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie, le rapport souligne que la « vie en caserne peut engendrer du stress si les logements ne sont pas en bon état. » Ce qu’ont pu constater de leurs propres yeux les membres de la commission d’enquête lors de leurs déplacements.

La caserne de Satory, pour laquelle il est prévu de débloquer une enveloppe de 10,5 millions d’euros (sur 3 ans) pour rénover 374 logements, est symptomatique.

Le rapport parle en effet de la « vétusté inacceptable de certains logements » avec la présence d’amiante et l’absence d’isolation, ainsi que d’éventuels « problèmes de sécurité posés par le casernement (absence de contrôle des accès, faisant de ces lieux des cibles potentielles privilégiées). »

« Si la caserne est un taudis, le statut nous permet certes d’y envoyer nos hommes, mais ces derniers en partent dès qu’ils le peuvent. C’est donc du perdant-perdant », a ainsi résumé le général Hervé Renaud, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale.

Et comme l’a précisé un membre d’une association professionnelle nationale de militaires (APNM), de plus en plus de gendarmes remettent en cause la « pertinence » d’un logement en caserne.

L’aspect sécuritaire ne doit pas être non plus négligé : en 2017, trois casernes de gendarmerie ont été attaquées (à Limoges, Grenoble et Meylan), ce qui aurait pu avoir des conséquences très graves car, dans au moins un des cas, la volonté des assaillants, appartenant très probablement à la mouvance de l’ultra-gauche, était de s’en prendre manifestement aux familles des militaires.

Cependant, un plan d’urgence immobilier, dont le montant à été porté à 100 millions d’euros en autorisation d’engagement en 2018 a été lancé. Il « devrait permettre d’enrayer partiellement la dégradation du parc et répondre aux normes réglementaires et de confort », estime le rapport de la commission d’enquête. Toutefois, relative-t-il, « le nombre de logements rénovés constitue toutefois, pour l’heure, une minorité du parc. »

Entre 2015 et 2017, 12.400 logements ont ainsi été « traités ». Et l’objectif est d’en rénover 5.900 en 2018. Des chiffres à mettre en perspective avec les 3.888 casernes que compte la Gendarmerie (soit 65.254 logements).

La question de la vétusté des logements occupés par les gendarmes n’est pas nouvelle. En 2012, déjà, le député Daniel Boisserie avait estimé, dans un rapport, qu’il fallait « 200 à 300 millions d’euros par an pour remettre le parc à niveau », dont l’âge moyen était alors de 39 ans (50 ans pour celui ds locaux de service).

Six ans plus tard, avec quelques « mesures de régulation budgétaires » [des annulations de crédits, ndlr] au compteur, les besoins sont quasiment les mêmes (sauf que l’on est désormais plus proche des 300 millions….).

« Les études entreprises par la gendarmerie nationale, dont les résultats ont été transmis à la commission d’enquête, ont permis d’évaluer les besoins budgétaires en matière immobilière à environ 300 millions d’euros par an, dont 101 millions d’euros pour la maintenance (corrective et curative, en titre 5). Seuls 65 millions d’euros ont été prévus en 2018 et 200 millions d’euros pour les opérations de reconstruction ou de renouvellement (en titre 5), estimées nécessaires en moyenne tous les cinquante ans pour un immeuble entretenu de manière satisfaisante », est-il souligné dans le rapport.

Aussi, conclut la commission d’enquête, les « crédits prévus sur les années 2018-2020 s’avèrent donc en réalité largement inférieurs d’environ 450 millions d’euros aux besoins identifiés. »

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