Otan : Berlin demande au Pentagone s’il est possible de certifier les Eurofighter Typhoon pour les missions nucléaires

Comme la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie, l’Allemagne fait partie des plans nucléaires de l’Otan, c’est à dire que des bombes nucléaires tactiques B-61 sont stockées sur son territoire, précisément sur la base aérienne de Büchel, située en Rhénanie-Palatinat.

Concrètement, cela veut dire que, au besoin, la Luftwaffe doit être en mesure de mettre en oeuvre ces armes nucléaires tactiques, selon le principe dit de la « double clé », c’est à dire que le contrôle de ces dernières (donc celui de leur code d’armement) relève exclusivement des États-Unis.

Actuellement, l’aviation allemande compte sur ses vieux Panavia Tornado pour mener ce type de mission. Seulement, ces derniers devant être retirés du service d’ici 2030, Berlin a lancé une procédure pour les remplacer. Quatre candidats sont en lice : le F-35A de Lockheed-Martin, les F/A-18 Super Hornet et F-15 SE de Boeing, ainsi que l’Eurofighter Typhoon, dont 137 exemplaires sont déjà en dotation au sein de la Luftwaffe.

Dans le même temps, l’Allemagne a signé une lettre d’intention afin de développer conjointement avec la France un nouvel avion de combat dans le cadre du programme SCAF [Système de combat aérien futur]. Là, il s’agit de remplacer les Eurofighter Typhoon et les Rafale à l’horizon 2040.

Ce qui suppose de faire l’impasse sur le F-35A étant donné qu’en cas de décision allemande en faveur de l’avion américain, « toute coopération avec la France sur les questions d’avions de combat sera morte », comme l’a souligné Dirk Hoke, le Pdg d’Airbus Defence & Space.

Aussi, et bien que l’état-major de la Luftwaffe ait exprimé sa préférence pour le F-35A (ce qui a valu à son chef de prendre une retraite anticipée), Berlin penche pour l’achat d’Eurofighter Typhoon supplémentaires. D’où la demande du ministère allemand de la Défense adressée au Pentagone pour savoir s’il est envisageable de certifier cet appareil pour les missions nucléaires.

Ainsi, selon Reuters, la partie allemande veut savoir si la certification des Eurofighter Typhoon est possible et, si tel est le cas, en connaître le coût et le temps que cela prendrait. « De hauts responsables de l’US Air Force et du Pentagone travaillent pour répondre à la requête allemande », a indiqué l’agence de presse, en se fiant à des sources « proches du dossier » ayant requis l’anonymat.

L’une de ces dernières a précisé que l’étude conduite par le Pentagone doit vérifier l’aptitude de l’Eurofighter Typhoon à « survivre à une mission en territoire ennemi pour larguer une bombe nucléaire sans capacité furtive, à un moment où la Russie et d’autres futurs ennemis potentiels ont renforce leurs capteurs et leurs défense aérienne. »

Évidemment, la question ne se pose pas pour le F-35A étant donné qu’il est « furtif », c’est à dire qu’il est théoriquement en mesure d’échapper à la surveillance des radars adverses. Cependant, Boeing et le consortium Eurofighter [BAE Systems, Airbus, Leonardo] font valoir de leur coté que leurs appareils peuvent parfaitement assurer des missions nuclaires s’ils évoluent avec des avions de guerre électronique (voire avec leur propres systèmes de brouillage).

« La furtivité ne représente que 10% du mix de capacités. Nous sommes encore meilleurs sur les 90% restants », a ainsi fait valoir, en avril, Raffael Klaschke, un responsable du consortium européen.

Par ailleurs, si Eurofighter estime pouvoir modifier rapidement les Typhoon pour les rendre aptes aux missions nucléaires (après tout, cela a été possible avec les Tornado, qu’il a fallu constamment moderniser à cette fin), le Pentagone a mis un bémol.

Ainsi, avant de se préoccuper de la certification nucléaire de l’Eurofighter Typhoon, il entend d’abord se pencher sur celle du F-35A. Et, d’après une source militaire allemande, il faudrait 7 à 10 ans pour que l’appareil européen soit apte à emporter une bombe B-61. « Soit bien au-delà de la date de mise en retrait des Tornado », a-t-elle souligné.

À noter que la même question se pose en Belgique, où il est question de remplacer les F-16 de composante aérienne belge. Trois appareils sont en lice : le F-35A et l’Eurofighter Typhoon, dans le cadre d’un appel d’offres dit ACCap, et le Rafale, qui fait partie d’une proposition de partenariat stratégique faite par la France. Or, visiblement, ce dossier donne lieu à quelques turbulences au sein du gouvermenent belge : le Premier ministre, Charles Michel, souhaite étudier de près l’offre française, alors que son ministre de la Défense, Steven Vandeput, ne veut pas en entendre parler.

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