Le coût de la masse salariale de la Gendarmerie risque de déraper, prévient la Cour des comptes

En 2013, la Cour des comptes fit le constat que le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) dans la gendarmerie, qui prévoyait de nombreuses mesures catégorielles ainsi que l’amélioraion des rémunérations indiciaires et indemnitaires, avait eu pour conséquence une hausse de la masse salariale continue depuis 2006 (178 millions d’euros par an, en moyenne), alors que, dans le même temps, les effectifs avaient été réduits de plus de 5.000 postes.

Trois ans plus tard, et afin de prendre en compte l’intense activité à laquelle étaient soumises la police et la gendarmerie, un protocole a été signé pour proposer aux policiers et au gendarmes de bénéficier de mesures indemnitaires et indiciaires supplémentaires ainsi que pour leur offrir de nouvelles perspectives de carrière. Et cela, en plus du protocole « parcours professionnels, des carrières et des rémunérations » [PPCR], qui concerne l’ensemble de la fonction publique.

S’agissant plus précisément de la gendarmerie (mais la logique est la même pour la police), il est ainsi question de procéder à des avancements massifs.

Ainsi, selon un référé de la Cour des comptes publié le 20 juin, « il est prévu de promouvoir au grade de maréchal des logis chef et au grade d’adjudant 8.200 gendarmes titulaires de la qualité d’agent de police judiciaire [APJ]. »

Pour les officiers, il est également prévu « l’augmentation des effectifs de généraux, qui devraient atteindre 2,1% du corps en 2021 contre 1,13 % en 2016 et 0,61 % en 2012. » La pente sera identique pour les colonels, dont la proportion passera à 8,6%, contre 6,6% en 2016 et 5,9% en 2012.

En outre, poursuit la Cour des comptes, « il a été décidé la transformation de l’échelon fonctionnel du grade de colonel en échelon spécial (ouvert à 20 % du grade), la création d’un 5ème échelon dans le grade de lieutenant-colonel et l’augmentation de 7 % à 10 % du grade du nombre de lieutenant-colonels éligibles à l’échelon exceptionnel. »

Pour les magistrats de la rue Cambon, ces mesures « vont provoquer d’importants à-coups dans les déroulement des carrières des policiers et des gendarmes » et « à l’accélération brutale des avancements de grade succèderont des blocages durables dans la partie sommitale des corps. » Qui plus est, si l’on y ajoute les mesures indemnitaires, comme la revalorisation de l’indemnité de sujétions spéciales de police ou de la prime d’OPJ, il est estimé que les dépenses de rémunération dans la police et la gendarmerie augmenteront déjà de 123,5 millions d’euros en 2018.

Par ailleurs, et outre ces mesures, il est également prévu d’augmenter les effectifs de la police (+7.500) et de la gendarmerie (+2.500) sur la période 2018-22.

« Au total, la conjugaison du plan de renforcement des effectifs et des mesures de revalorisation des rémunérations et d’avancements massifs résultant des protocoles de 2016 constitue un effort budgétaire très important pour la mission Sécurités. Selon l’administration, les dépenses de rémunération de la police et de la gendarmerie devraient ainsi augmenter de plus de 920 M€, soit de 9,5%, entre 2016 et 2022 », relève la Cour des comptes.

Et c’est sans compter sur les conséquences de la directeur européenne sur le temps de travail et la nécessaire modernisation des moyens mis en oeuvre par les policiers et les gendarmes pour assurer leurs missions au quotidien.

Aussi, comme de telles mesures précédemment prises se sont traduites par une hausse de la masse salariale alors que les effectifs étaient en déflation, la Cour des comptes s’attend naturellement à voir la même chose dans les années qui viennent, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Il n’y aurait rien à redire si ce n’est que la Loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018, qui doit assurer la maîtrise de la dépense de l’État prévoit un plafond de 13,66 milliards d’euros de crédits en 2020 pour la mission « Sécurités », soit 550 millions de plus par rapport à la loi de finances pour 2017. D’où l’avertissement des magistrats.

« Dans ces conditions, la Cour s’interroge sur la capacité du ministère de l’intérieur à respecter la trajectoire financière de la mission Sécurités prévue par le Parlement, compte tenu par ailleurs des besoins exprimés en matière d’équipements et de matériels ainsi que de l’impact budgétaire éventuel des adaptations apportées à l’organisation du temps de travail au sein des deux forces [de police et de gendarmerie, ndlr] », lit-on dans le référé.

En outre, la Cour « observe enfin que les deux protocoles de 2016, qui vont se traduire par un accroissement important des effectifs dans les grades les plus élevés, ont été préparés et conclus sans véritable réflexion sur l’adéquation des grades aux responsabilités exercées en lien avec les besoins opérationnels des services. »

Dans sa réponse, le Premier ministre, Édouard Philippe, a toutefois assuré que les mesures du protocole signé en avril 2016 ont été « budgétées dans les plafonds votés dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022. » Et d’ajouter que « cette denùère prend également en compte le renforcement des effectifs prévus dans le cadre du quinquennat. »

Par ailleurs, le chef du gouvernement a rappelé qu’un plan « ambitieux » de réformes « génératrices d’économies » a été prévu. L’une des mesures consiste « en l’approfondissement très significatif de la politique de substitution des personnels actifs par les personnels administratifs, techniques et scientifiques, à hauteur de 800 substitutions par an (500 pour la police et 300 pour la gendarmerie) de 2018 à 2022, soit 4 000 substitutions sur la période », écrit-il.

Une autre, ajoute M. Philippe, vise à rénover « des manières de travailler à l’échelon central, au moyen de la réduction des effectifs des cabinets des directeurs d’administration centrale et des états-majors, dont l’importance volumétrique avait cru ces dernières années. »

Quant à la gendarmerie, le Premier ministre estime que la mise en oeuvre du protocole d’avril 2016 « offrira une carrière plus attractive aux officiers méritants, de manière progressive et raisonnée » et assure que la « préservation de la structure pyramidale du corps des officiers, hypothèse fondamentale sur laquelle repose les travaux préparatoires au protocole, sera respectée. » Enfin, explique-t-il encore, « le cadencement des avancements se combinera avec les remplacements des officiers partant en retraite, lesquels s’annoncent très importants de 2018 à 2022 (presque 300 ETP en 2020 et 273 ETP et 2021). »

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