Contre l’avis du Pentagone, M. Trump ordonne la création d’une « force armée de l’espace »

En mars, lors d’une visite à la base aéronavale de Miramar, à San Diego [Californie], le président américain, Donald Trump, avait évoqué l’idée de créer une « armée de l’espace », alors qu’un tel projet venait de faire l’objet d’un débat au Congrès.

« Nous faisons un travail extraordinaire dans l’espace. […] J’ai dit peut-être qu’il nous faudrait une nouvelle armée, on l’appellerait l’armée de l’Espace. […] Je n’étais pas vraiment sérieux mais ils m’ont dit, quelle bonne idée. Peut-être qu’on va le faire », avait en effet déclaré M. Trump.

Et ce qui n’était qu’une supposition il y a trois mois est devenu un « ordre ».

« J’ordonne par la présente le département de la Défense à commencer immédiatement le processus nécessaire pour établir une force spatiale comme sixième branche des forces armées », a déclaré M. Trump, lors d’un discours sur la politique spatiale prononcé à la Maison Blanche, le 18 juin. « Nous allons avoir l’US Air Force et une force armée de l’espace, séparée mais égale », a encore assuré le président américain. Car, a-t-il ajouté, « pour défendre l’Amérique, une simple présence dans l’espace ne suffit pas, nous devons dominer l’espace. »

« L’Amérique sera toujours la première dans l’espace », a encore affirmé M. Trump. « Nous ne voulons pas que la Chine et la Russie et d’autres pays nous dominent, nous avons toujours dominé [l’espace] », a-t-il poursuivi. « Mon administration va reprendre le flambeau en tant que premier pays de l’exploration spatiale », a-t-il par ailleurs promis.

Il faut dire que l’espace tend à devenir de plus en plus un lieu de compétition, à la fois économique, militaire et stratégique. Actuellement, des satellites sont, par exemple, approchés par des « engins inspecteurs », il est question de cyberattaques pour perturber le fonctionnement de systèmes spatiaux ou encore de missiles anti-satellites. « Bien que que nous ne soyons pas en guerre dans l’espace, je ne pense pas que nous puissions dire que nous sommes en paix non plus », avait résumé, l’an passé, le vice-amiral Charles A. Richard, numéro deux de l’US Strategic Command (STRATCOM).

La tentation de créer une nouvelle branche des forces armées américaines (aux côtés de l’US Army, de l’US Navy, de l’US Marine Corps, de l’US Air Force et de l’US Coast Guard) n’est pas nouvelle.

Au tournant des années 2000, Donald Rumsfeld, qui allait alors devenir le secrétaire à la Défense du président George W. Bush, avait plaidé pour une réorganisation du Pentagone afin d’éviter un « Pearl Harbor spatial », étant donné la dépendance de certains secteurs importants de l’économie américaine aux satellites (médias, télécommunications, etc), sans oublier celle des forces armées. Pour autant, il s’était garder d’évoquer la création d’une nouvelle branche des forces armées pour mener des opérations « spatiales ».

Cette question fut remise au goût du jour par deux parlementaires (un républicain et un démocrate) en juillet 2017. Pour eux, l’US Air Force n’avait jusqu’à présent pas donné la priorité « adéquate » aux opérations dans l’espace. D’où, à leurs yeux, la nécessité de créer une force armée dédiée, commandée par un général quatre étoiles et dépendante du secrétaire à l’Air Force (comme l’US Marine Corps dépend du sécrétaire à la Marine).

La Chambre des représentants vota cette mesure… Mais pas le Sénat, qui se montra sensible aux arguments développés par James Mattis, le chef du Pentagone. « À une époque où nous essayons de rassembler les fonctions de combat du département [de la Défense], je ne souhaite pas ajouter un service séparé qui, selon toutes probabilités, offrirait une approche plus étroite et même étriquée aux opérations spatiales », avait-il expliqué.

Évidemment, l’ordre de M. Trump a été fraîchement accueilli au Pentagone. « En conjonction avec le Congrès, ce sera un processus mûrement réfléchi, qui prendra en compte les avis de multiples acteurs », a commenté Dana White, une porte-parole, avant de préciser qu’il faudra avant tout étudier les conséquences sur les opérations des autres forces armées.

Cela étant, cette US Space Force a désormais toutes les chances de voir le jour. A priori, sa mise en place ne serait pas excessivement coûteuse puisqu’elle s’appuierait sur les capacités que détient actuellement l’US Air Force. Mais cela risque de ne plus être le cas par la suite, surtout s’il faut créer des écoles militaires dédiées ou recruter massivement des experts.

Le projet de créer une « force spatiale » avait échoué l’an passé parce que la secrétaire à l’Air Force, Heather Wilson, y était hostile, tout comme James Mattis. Maintenant que le président Trump a donné son accord, on voit mal comment ces deux responsables pourraient désormais s’y opposer.

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