Le chef du mouvement taleb pakistanais visé par une frappe américaine en Afghanistan

Les deux premiers chefs du Tehrik-e-Taliban Pakistan [mouvement taleb pakistanais], à savoir Baïtullah et Hakimullah Mehsud, furent tués par des drones américains en 2009 et en 2013. Leur sucesseur, le mollah Fazlullah, a sans doute connu le même sort, le 13 juin dernier.

En tout cas, son décès a été annoncé deux jours plus tard par Ashraf Ghani, le président afghan. « J’ai parlé avec le premier ministre du Pakistan Nasir ul Mulk et le chef d’état-major, le général Qamar Javed Bajwa, et je leur ai confirmé la mort du Mollah Fazlullah », a-t-il en effet indiqué. Et d’ajouter : « Sa mort est le résultat d’infatigables recherches de renseignements menées par les services de sécurité afghans. »

Cependant, le Pentagone se veut prudent. Si le mollah Fazlullah était bien l’objectif d’une frappe aérienne réalisée dans la province afghane de Kunar, frontalière avec l’Afghanistan, il s’est gardé de confirmer sa mort. « Nous ne sommes pas encore prêts à dire que nous avons décroché le gros lot », a confié l’un de ses responsables.

D’autant plus que, par le passé, le mollah Fazlullah a plusieurs fois été donné pour mort… pour ensuite réapparaître en relative bonne forme dans des vidéos de propagande du TTP.

Connu également sous le nom de « mollah radio », pour ses prêches radiodiffusés dans le nord-ouest du Pakistan, Fazlullah est l’un des membres fondateurs du TTP, une organisation créée en 2007. Il avait notamment établi une administration parallèle dans la vallée de Swat (jadis prisée par les touristes) afin d’y faire appliquer la charia, avant d’en être chassé par l’armée pakistanaise.

Par la suite, Fazlullah trouva refuge en Afghanistan… Et il fut avancé que Kaboul ferma les yeux afin de rendre la monnaie de leur pièce aux dirigeants pakistanais, accusés de soutenir les taliban afghans.

Mais qu’ils soient pakistanais ou afghans, les taliban sont liés à al-Qaïda. Et Fazlullah avait encouragé les combattants du réseau de Ben Laden à venir dans la vallée de Swat quand il était le « gouverneur de l’ombre ».

S’étant opposé aux campagnes de vaccination contre la poliomyélite [en 2012], Fazlullah aurait ordonné l’assassinat de Malala Yousufzai, une jeune écolière qui s’était opposée aux talibans en raison de leur hostilité contre la scolarisation des filles. Cette dernière sera lauréat du prix Nobel de la Paix. Et il passe pour être le responsable du massacre commis en 2014 à Peshawar (150 tués) ainsi que d’autres attentats particulièrement meurtriers.

Pour le président afghan, l’élimination de Fazlullah est « une grande avancée vers la consolidation de la confiance » entre Kaboul et Islamabad. Et il a demandé aux autorités pakistanaises, en retour, « d’amener les taliban afghans » vivant sur leur territoire « à la table des négociations. »

En mars 2016, le conseiller aux Affaires étrangères du Premier ministre pakistanais, Sarjaz Aziz, avait admis un soutien d’Islamabad aux talibans afghans. « Nous avons de l’influence sur eux [les taliban afghans, ndlr], car leur direction est au Pakistan, et ils y sont soignés, leur famille est là. […] Nous pouvons donc utiliser ces moyens de pression pour leur dire ‘venez à la table' » des négociations, avait-il dit lors d’une intervention devant le Council of Foreign Affairs (CFR).

Et c’est d’ailleurs pour ce soutien aux taliban afghans que les États-Unis ont fini par suspendre leur aide militaire au Pakistan, en janvier dernier.

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