L’Italie demande à l’Otan de l’aider à réduire les flux migratoires

En 2016, alors que l’Union européenne (UE) venait de lancer, quelques mois plus tôt, l’opération EUNAVFOR Sophia, en Méditerranée centrale, pour « casser » le modèle économique des passeurs de migrants opérant depuis les côtes libyennes, Roberta Pinotti, qui était alors la ministre italienne de la Défense, avait demandé à l’Otan de patrouiller au large de la Libye afin de réduire les flux migratoires.

À l’époque, Rome souhaitait une modification du mandat de l’opération navale Active Endeavour qui, mise sur pied au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, avait pour objet la lutte contre le terrorisme.

Quelques semaines plus tôt, à la demande de l’Allemagne et de la Grèce, l’Otan avait justement lancé une opération en mer Égée visant à réduire les flux migratoires depuis la Turquie. « Nos navires vont fournir de l’information aux garde-côtes et autres autorités nationales de Grèce et de Turquie. Ceci les aidera à être encore plus efficaces pour gérer les réseaux de trafic illégaux », avait expliqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique.

Finalement, le mandat de l’opération Active Endeavour ne fut pas modifié étant donné que cette dernière prit fin en octobre 2016, pour être remplacée par l’opération « Sea Guardian », dont les missions sont actuellement de contribuer à la connaissance de la situation maritime et à la lutte contre le terrorisme tout en participant à « la constitution de capacités de sûreté maritime. »

Depuis 2013, ce sont 600.000 migrants qui ont atteint les côtes italiennes. Mais selon l’agence Frontex, les flux migratoires au départ de la Libye ont diminué significativement depuis l’été 2017. Selon les mois, cette baisse varie entre 57% et 90%. Par exemple, en octobre 2016, 26.148 migrants avaient réussi à atteindre les côtes italiennes. Un an plus tard, ce chiffre était tombé à 2.588. Et, depuis le début de cette année, les arrivées ont reculé de 85%.

L’action diplomatique menée par les autorités italiennnes auprès du gouvernement d’union nationale libyen (GNA) y est sans doute pour beaucoup. De même que les discussions avec les troupes du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen. Résultat : des réseaux de passeurs ont été perturbés, voire démantelés, et les gardes-côtes libyens sont désormais plus actifs et efficaces. Au second semestre 2017, 60% des migrants ayant pris la mer ont été secourus et ramenés à leur point de départ par ces derniers.

Reste que, pour le nouveau gouvernement « anti-système » italien, issu des dernières élections législatives, il faut aller encore plus loin. En effet, la nouvelle majorité, constituée par La Ligue et le Mouvement Cinq Étoiles, considère la Méditerranée comme le « front sud » de l’Otan et voit dans les flux migratoires un risque d’infiltration terroriste. Ce qui n’est pas une vue de l’esprit, comme l’ont montré des affaires récentes.

« Nous sommes attaqués et nous demandons à l’Otan une alliance défensive pour nous protéger. L’Italie est attaquée depuis le Sud et non depuis l’Est », a ainsi lancé, le 8 juin, Matteo Salvini, le ministre italien de l’Intérieur, en s’inquiétant du risque d' »infiltrations terroristes » parmi les migrants.

D’autres responsables italiens sont allés dans le même sens. Il est « important pour l’Italie que le sommet de l’Otan de Bruxelles réaffirme l’approche d’une sécurité à 360 degrés, sans négliger la stabilité du flanc sud d’où proviennent d’importants défis pour l’Alliance, à commencer par le terrorisme », a estimé Enzo Moavero Milanesi, le chef de la diplomatie italienne, après une entrevue avec M. Stoltenberg, le 10 juin.

Et le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, a dit, en substance, la même chose au secrétaire général de l’Alliance, ce 11 juin. « On ne peut pas ne pas avoir une coopération plus intense entre l’Otan et l’Union européenne en Méditerranée et ailleurs », a-t-il dit.

En attendant, M. Salvini entend agir contre les ONG qui interviennent en Méditerranée pour porter secours aux migrants. Elles « agissent comme des taxis », a-t-il accusé. Et d’ajouter : « Nous travaillons sur ce front des ONG. Certaines font du bénévolat, d’autres font des affaires. »

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