La logistique de l’armée de Terre « mérite son programme Scorpion »

Le 29 mai, le Sénat a adopté, avec une large majorité (326 voix pour, 15 contre), le projet de Loi de programmation militaire (LPM), qu’il a modifié en votant plusieurs amendements censés corriger quelques « fragilités » décelées dans ce texte, comme par exemple celui visant à prendre enfin en compte l’usure accélérée des matériels dans le calcul des surcoûts liés aux opérations extérieures.

Pour rappel, ce projet de LPM, qui sera désormais examiné par une commission mixte paritaire qui aura à se mettre d’accord sur une versions commune au Sénat et à l’Assemblée nationale, prévoit une hausse annuelle du budget des Armées de 1,7 milliards jusqu’en 2022, puis de 3 milliards afin d’atteindre l’objectif des 2% du PIB en 2025 (soit un budget de 50 milliards, hors pensions et hors surcoûts OPEX).

« Plutôt que d’étaler cet effort de manière continue sur la période, […] vous concentrez les deux tiers de la programmation sur le dernier tiers du calendrier après 2022 », a déploré Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, qui a voté en faveur de ce texte.-t-il déploré. « De cette programmation trop étalée dans le temps résulteront sûrement de graves tensions sur nombre d’équipements anciens dont certains resteront en activité encore longtemps », a-t-il ajouté. Et effectivement, en 2025, on entendra encore parler de la vétusté des Véhicules de l’avant blindé (VAB)… Mais pas seulement.

Parmi les fragilités énumérées par les sénateurs, celle concernant les véhicules logistiques n’a pas été citée. Or, les régiments du Train utilisent quotidiennement, en métropole ou en opération, des camions GBC 180 pouvant transporter 4 tonnes de charge utile.

Le GBC 180 est le fruit d’une rénovation, faite en 1997 par Renault Véhicules Industriels, du Berliet GBC 8KT. Rénovation qui a consisté à remplacer la cabine, le moteur, la boîte de vitesse et le système de freinage tandis que le châssis et les organes de roulement ont été conservés. Ainsi, cela a permis de faire une économie de 30% par rapport à ce qu’aurait coûté l’achat de camions neufs.

Seulement, ces GBC 180 sont intensivement sollicités. Et bien qu’ayant la solide réputation d’être « increvables », il n’en reste pas moins que leur mécanique s’use. Au 31 décembre 2013, le taux de disponibilité des 5.386 exemplaires en dotation était de 72%. Trois ans plus tard, il était descendu à 60% (avec 104 unités en moins, le parc ayant été réduit à 5.282 camions).

« Le problème des GBC peut paraître anecdotique à certains. Moi je me plains quand je fais 300 kilomètres avec ma Mégane. J’ai mal au dos. Mais quand je vois les kilomètres de pistes que parcourent nos logisticiens en camions, je n’ose plus rien dire : ce sont des héros du quotidien! Le gars qui roule sous la chaleur, sur des pistes, pendant trois jours à 30 ou 40 kilomètres à l’heure pour rallier Tessalit à Gao fait une action remarquable! », a reconnu le général Charles Beaudouin, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes de l’état-major de l’armée de Terre, lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

Or, ces camions GBC 180, qui sont l’un des maillons essentiels aux opérations militaires, ne sont que très rarement évoqués, les grands programmes d’armement attirant la lumière sur eux. Les LPM n’évoquent pratiquement jamais leur remplacement ou, à défaut, leur modernisation. Et celle que vient d’adopter le Sénat a bien failli en faire de même.

« Le remplacement des GBC n’était pas initialement dans la LPM. On a réussi à l’inscrire », a ainsi confié le général Beaudouin aux députés. Mais l’armée de Terre n’a obtenu que le strict minimum puisque seulement 80 nouveaux camions de la gamme 4-6 tonnes auront été livrés en 2025. Soit près de 30 ans après la modernisation des GBC 180 et 50 ans après leur entrée en service.

« Certes, les anciens modèles tiennent mais à quel prix! Les châssis sont des GBC 8 KT qui datent des années 1960-70! La mobilité de l’armée française repose pourtant essentiellement sur ses camions. […] C’est donc un souci premier pour nous et nous sommes très satisfaits de l’avoir au moins fait entrer dans la LPM parce qu’alors la DGA va travailler sur ce sujet », a expliqué le général Beaudouin.

Le rapport annexé de la LPM 2019-25 indique que 7.000 nouveaux camions (désignés par la mention « Successeur poids lourds, armée de Terre ») seront en service d’ici 2030.

Plus généralement, la modernisation de la logistique de l’armée de Terre est l’autre « grand chantier » du général Beaudouin. « Ce sujet est essentiel : on peut conduire des opérations sans char Leclerc, mais on ne peut pas le faire sans camions, sans citernes de ravitaillement ou sans engins de dépannage. Une armée moderne repose sur une logistique forte. Cette logistique mérite son programme Scorpion », a-t-il fait valoir devant les députés, en référence au renouvellement des capacités de combat de l’armée de Terre.

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