Ce que prévoit la coalition gouvernementale italienne « anti-système » en matière de défense

Dans le domaine militaire, l’on se plaît à évoquer, en France, les coopérations avec l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais c’est oublier que Paris et Rome ont établi des liens solides en matière de défense, tant au niveau opérationnel qu’industriel.

En effet, l’Italie participe au programme de drone européen RPAS MALE, via Leonardo ainsi qu’à des projets dans le secteur spatial (satellites Athéna-Fidus et Sicral 2, par exemple). Français et Italiens ont par ailleurs en commun le système de défense aérienne SAMP/T, fruit d’un développement conjoint, l’hélicoptère NH-90 ou encore les frégates Horizon. L’on pourrait également citer les Frégates multimissions (FREMM) mais les navires de ce type mis en oeuvre par la Marina Militare ont un « design » différents de ceux utilisés par la Marine nationale. Toutefois, leur origine vient d’une volonté commune.

Toujours sur le plan industriel, Naval Group et Fincantieri ont l’intention de s’associer dans le domaine des navires de surface, en s’inspirant de l’alliance Renault-Nissan pour l’automobile. Ce rapprochement doit se faire dans le cadre de la reprise du chantier naval STX France par le groupe italien.

Aussi, l’accord de gouvernement, conclu par la Ligue et le Mouvement 5 étoiles, les deux formations politiques dites « anti-système » (bien qu’ils en fassent partie) ayant réussi à tirer leur épingle du jeu lors des dernières élections législatives, ne peut que concerner la coopération militaire avec la France.

Au-delà du fait que les mesures économiques envisagées par cette coalition gouvernementale peuvent susciter un certain scepticisme quant à leur faisabilité, l’accord prévoit une hausse des effectifs, tant au niveau des forces armées que celui des forces de sécurité intérieure, ainsi qu’une amélioration des conditions de travail et une hausse des soldes. Cependant, rien de bien précis n’a été pour le moment avancé.

L’une des principales orientations de ce contrat de coalition porte sur les engagements forces armées italiennes. dans les opérations internationales. Il est ainsi question de les passer en revue en fonction de critères géographiques et de leur intérêt pour la sécurité de l’Italie. Il est possible que la participation italienne à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) soient menacée, de même que celle à la mission Resolute Support en Afghanistan.

Pour la nouvelle coalition gouvernementale, l’accent doit être mis sur une « utilisation plus efficace des forces armées », en particulier à des « fins de protection territoriale et de souveraineté nationale ».

S’agissant des coopérations industrielles, l’accord décrit la « protection » de groupes italiens de l’armement comme « essentielle », avec une référence particulière à Fincantieri (qui discute d’un rapprochement avec Naval Group) et à Leonardo.

Dans son programme électorale, la Ligue a donné des précisions sur ses intentions. « L’industrie nationale de la défense est un secteur de haute technologie qui offre au pays d’importantes opportunités d’emploi, tout en ayant une valeur stratégique. » et « l’intérêt national doit rester au centre des politiques sectorielles : la coopération européenne doit être poursuivie, mais elle ne doit pas saper celle avec des partenaires privilégiés non européens tels que les États-Unis, ou bientôt comme la Grande-Bretagne », y est-il affirmé.

En revanche, rien n’a été dit sur les dépenses militaires italiennes. D’un montant de 17,6 milliards d’euros en 2015, ces dernières ont été portées à 20,2 milliards l’année suivante et de nouveau augmentée de 500 millions d’euros en 2017. Et elles représentent désormais 1,12% du PIB italien, ce qui est bien loin de l’objectif des 2% du PIB, auquel Rome a souscrit en 2014, lors du sommet de l’Otan de Newport.

Justement, s’agissant de l’Otan, il n’est pas question de remettre en cause l’adhésion de l’Italie. Et l’accord de coalition réaffirme que les États-Unis demeurent un « partenaire privilégié ». Pour rappel, le territoire italien abrite des commandements de l’Otan ainsi que des bases américaines (notamment à Naples). Quant à la défense européenne, rien n’a été précisée à son sujet.

Cependant, l’accord de coalition prévoit « une ouverture vers la Russie, qui ne doit pas être perçue comme une menace mais comme un partenaire économique et commercial ». Et aussi plaide-t-il pour une levée des sanctions visant Moscou pour son rôle en Ukraine.

Chacun de leur côté, la Ligue et le Mouvement 5 étoiles préconisaient d’autres mesures qui ne figurent pas explicitement dans l’accord qu’ils ont passé. Pour le premier, il était ainsi question de rétablir la conscription pour « assurer la préparation des citoyens à l’obligation constitutionnelle de défendre la patrie, dans le cas d’une mobilisation (improbable , mais théoriquement pas impossible) provoquée par une crise internationale majeure. » Obligatoire et universel, ce service aurait dû intéresser l’armée et la fonction publique italiennes.

Quant au second, il réclamait par exemple plus de transparence dans le budget militaire, lequel dépend d’au moins deux ministères (Défense et Développement économique pour les approvisionnements), ainsi que dans les exportations d’équipements militaires.

Reste à maintenant à attendre la nomination du successeur de Roberta Pinotti à la tête du ministère de la Défense italien. Selon la presse transalpine, deux noms circulent : ceux de Guido Crosetto (qui n’appartient à aucun des deux partis de la coalition qui s’annonce) et d’Elisabetta Trenta, du Mouvement cinq étoiles.

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