Un rapport du Pentagone ne voit pas d’amélioration en Afghanistan

Le rôle de l’Inspection générale spéciale du Congrès américain pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR) et de l’Inspection générale du Pentagone concernant l’opération Freedom’s Sentinel, n’est pas de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein mais de dire dans quel état où il se trouve. Aussi, les conclusions de ces deux organismes tranchent avec ce que peuvent dire les responsables militaires américains (ainsi que ceux de l’Otan) sur la situation afghane.

Ainsi, alors que le général John Nicholson (entre autres), qui commande la mission Resolute Support de l’Otan ainsi que les forces américaines déployées en Afghanistan, affirme régulièrement que la situation s’améliore. C’était encore le cas en janvier dernier où, dans un communiqué, il s’était félicité d’un « certain nombre de succès » des forces afghanes face aux taliban, au cours de l’année passée.

Après le dernier rapport du SIGAR, publié le 30 avril, celui de l’inspecteur général du Pentagone, qui vient d’être rendu public [.pdf], va dans le même sens. C’est à dire que ses conclusions vont à rebours des déclarations optimistes de certains responsables américains.

« Ce trimestre, les autorités américaines ont affirmé que les talibans n’atteignaient pas leurs objectifs et que les évènements tournaient à l’avantage de l’armée » afghane. Or « les chiffres disponibles montrent peu de progrès », affirme ce rapport, qui revient sur les opérations menées entre le 1er janvier et le 31 mars.

En novembre 2017, le général Nicholson avait estimait que les forces afghanes allaient contrôler 80% du territoire dans les deux ans à venir. Tel n’est pas l’avis de l’inspection générale du Pentagone, pour qui il y a eu « peu de changements positifs » au cours des trois premiers mois de l’année, le gouvernement afghan ne contrôlant que 229 districts sur 407, contre 59 pour les talibans. Les 119 autres restants étant « contestés ».

En outre, le rythme des attentats ne faiblit pas, y compris à Kaboul. En janvier, rappelle le rapport, le général James Hecker a estimé que ces attaques étaient le signe que les talibans (ainsi que les jihadistes de la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique) « n’avaient rien pu faire » en 2017 et qu’ils commettaient des attentats suicides « pour essayer de gagner en légitimité ». Reste que ces attaques ont tué et blessé des centaines de civils et « suscité une couverture médiatique importante » ainsi que des critiques à l’égard du gouvernement afghan, accusé d’être incapable d’assurer la sécurité, relève le document.

L’inspection du Pentagone reprend ausi les chiffres de la mission des Nations unies en Afghanistan (UNAMA), selon lesquels le nombre de victimes civiles en Afghanistan au cours du premier trimestre est similaire à celui des années 2016 et 2017 à la même période.

« Cela montre que même si les forces américaines disent que l’armée afghane progresse et passe à l’attaque contre les talibans, le peuple afghan n’a peut-être pas un sentiment de sécurité renforcée », conclut le rapport.

En outre, ce dernier se dit très sceptique face aux affirmations de l’Otan, qui, dans un document intitulé « The Path to a Win » et publié le 15 janvier, expliquait comment les 15.000 militaires de la mission Resolute Support allaient venir à bout des taliban, ce que 150.000 n’avaient pas pu faire jusqu’en 2014. Et de citer la nouvelle stratégie américaine, le déploiement de nouvelles capacités et l’amélioration des forces afghanes, pouvant désormais compter sur une force aérienne « robuste ».

Seulement, le rapport rappelle que des responsables du renseignement américain ont indiqué, lors d’auditions devant le Congrès, qu’ils s’attendaient à une « détérioration modeste » de la situation en Afghanistan pour cette année.

D’autant plus que, comme l’a déjà souligné le SIGAR, les effectifs des forces afghanes sont inférieurs de 11% par rapport à ce qui était prévu (313.728 hommes contre 352.000), après avoir connu une nouvelle baisse. « Ce déficit, à un moment où l’accent est de plus en plus mis sur le renforcement de la létalité des forces armées et de sécurité afghanes, renouvelle les inquiétudes concernant le taux de recrutement, de désertion et de pertes ainsi que celles sur leur efficacité globale », note le rapport.

Photo : Forces spéciales afghanes (c) US Air Force

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