L’Albanie souhaite une présence militaire américaine sur son territoire

Invité à Pristina pour le 10e anniversaire de la proclamation d’indépendance du Kosovo, en février dernier, le Premier ministre albanais, Edi Rama, a évoqué l’éventualité qu’il y ait « un seul président » pour les deux pays.

« Le Kosovo et l’Albanie vont avoir une seule politique étrangère et non seulement des ambassades et des représentations diplomatiques conjointes. […] Mais pourquoi pas un seul président, en tant que symbole de l’unité nationale, avec une politique de sécurité nationale? », a en effet déclaré M. Rama.

De quoi mettre un peu plus d’huile sur le feu dans des Balkans occidentaux déjà minés par les tensions, les rivalités confessionnelles et les luttes d’influence entre pro-occidentaux et pro-russes. Car, ce type de déclaration n’est évidemment pas fait pour rassurer Belgrade, qui accuse, non sans raison d’ailleurs, Tirana d’avoir le projet de bâtir une « grande Albanie » [voir carte].

D’autant plus qu’il ne s’agissait pas de la première déclaration d’Edi Rama allant dans le sens d’une union étroite entre l’Albanie et le Kosovo. Dans un entretien au site Politico, en avril 2017, il avait en effet estimé que cela serait une « alternative possible pour ouvrir les portes de l’Union européenne. »

Justement, après les déclarations de M. Rama à Pristina, Bruxelles a remis Tirana à sa place. « L’UE a toujours soutenu les principes de réconciliation et de coopération régionale dans les Balkans occidentaux », a en effet rappelé la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure. « Le Conseil européen s’est prononcé pour une intégration des pays des Balkans occidentaux et nous continuerons donc à travailler avec ces pays de manière bilatérale dans cette perspective », a-t-elle ajouté.

Reste que, le 17 avril, l’UE a proposé d’ouvrir des négociations d’adhésion à l’Albanie et à la Macédoine. Une décision qui se « fonde sur une évaluation de progrès réalisés par ces deux pays sur les recommandations faites en 2016 et un examen des mesures mises en œuvre par Tirana et Skopje », a expliqué Federica Mogherini, Mme le Haut-représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Voilà de quoi faciliter, si la procédure va à son terme, le travail des puissantes mafias albanaises (le nombre d’Albanais et de Kosovars incarcérés dans les prisons françaises a augmenté de 340% depuis 2011).

« C’est une chose à laquelle le peuple albanais aspire depuis de nombreuses années », a commenté la ministre albanaise de la Défense, Olta Xhacka, lors d’une visite à Washington, le 18 avril. Cela lui donnera « l’espoir que si nous faisons des sacrifices, si nous restons sur la bonne voie, nous atteindrons nos objectifs et nous irons où se trouve notre destinée: dans la famille euro-atlantique », a-t-elle estimé.

Avec un budget militaire au plus bas et des capacités réduites (les forces albanaises n’ont plus d’aviation de combat), l’Albanie est membre de l’Otan depuis 2009. D’où la demande faite par Mme Xhacka, lors d’une rencontre avec James Mattis, son homologue américain.

« Je pense qu’il faut envoyer un message fort : que les Balkans occidentaux sont une région orientée vers l’Ouest, et que nous partageons et devons protéger les mêmes principes et valeurs », a dit la ministre albanaise. « Nous pensons qu’il est temps que les Etats-Unis établissent une présence en Albanie », a-t-elle ensuite lancé. Et cela pourrait prendre la forme d’une base navale sur l’Adriatique, que ce soit de façon bilatérale ou dans le cadre de l’Otan.

Pour Mme Xhacka, la « présence des Etats-Unis ou de l’Otan serait une démonstration très claire que la région n’est pas oubliée par ses alliés », d’autant plus que Tiran s’inquiéte quelque peu des menaces multiples auxquelles » cette dernière est « confrontée ». « Et nous pensons qu’il est très important que l’Otan et les Etats-Unis attachent un peu plus d’importance à ce qui se passe dans la région » des Balkans, a-t-elle fait valoir.

Parmi les menaces qui viseraient l’Albanie, Mme Xhacka a cité la Russie, qui « tente d’accroître son influence et ses actions déstabilisantes, que ce soit par ses services secrets, ses investissements (… ou encore) sa propagande », mais aussi la Chine, l’Iran et… la Turquie, pourtant membre de l’Otan.

Cela étant, ce ne sont pas les seules. En juin 2017, un rapport d’Europol avait souligné que la région des Balkans occidentaux était soumise à l’influence des mouvements jihadistes et aux groupes criminels.

Un constat partagé par la Revue stratégique française, selon laquelle les Balkans souffrent « de faiblesses qui peuvent être utilisées à des fins de déstabilisation par des mouvements radicaux (notamment jihadistes), des groupes criminels ou des États tiers ».

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