La France n’entend pas lancer d’opération militaire dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition anti-EI

Le communiqué diffusé par l’Élysée, après la rencontre du président Macron avec une délégation des Forces démocratiques syriennes (FDS) comprenant des représentants kurdes, arabes et chrétiens, n’évoque pas un renforcement militaire dans le nord de la Syrie à Manbij afin d’empêcher l’offensive que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne cesse de promettre.

Le texte indique seulement que la France soutient les FDS, dont les milices kurdes syriennes (YPG) constituent le gros des troupes, « en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daesh dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

Or, avec son opération « Rameau d’olivier », menée contre les YPG, la Turquie détourne les FDS du combat contre Daesh, notamment sur les rives orientales de l’Euphrate, où les jihadistes tiennent encore quelques positions.

Seulement, les liens des YPG avec le Parti des travailleurs du Kurdistan turc [classé parmi les organisations terroristes, ndlr] expliquent la position de la Turquie, par ailleurs membre de l’Otan.

Aussi, le président Macron, en « prenant acte de l’engagement des FDS à n’avoir aucun lien opérationnel » avec le PKK et « à condamner tout acte à caractère terroriste d’où qu’il vienne », souhaite qu’un « dialogue puisse s’établir entre les FDS et la Turquie avec l’assistance de la France et de la communauté internationale. »

Mais avoir des discussions avec les FDS, il n’en est absolument pas question à Ankara. « Nous rejetons tout effort visant à promouvoir un dialogue, des contacts ou une médiation entre la Turquie et ces groupes terroristes », a répondu Ibrahim Kalin, le porte-parole de la présidence turque.

« Au lieu de prendre des mesures susceptibles d’être interprétées comme conférant une légitimité à des organisations terroristes, les pays que nous considérons comme amis et alliés doivent prendre fermement position contre le terrorisme dans toutes ses formes. Les noms divers et variés ne sauraient cacher la vraie identité d’une organisation terroriste », a encore ajouté M. Kalin.

Le président Erdogan s’est montré plus virulent à l’égard de Paris. « J’aimerais souligner que je suis extrêmement peiné par […] l’approche totalement erronée de la France à ce sujet. […] Qui êtes-vous pour parler de médiation entre la Turquie et une organisation terroriste? », a-t-il lancé.

Le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag, s’est quant à lui fait plus menaçant. « Ceux qui coopèrent avec des groupes terroristes contre la Turquie […] et attaquent la Turquie avec eux, recevront le même traitement que nous infligeons à ces groupes terroristes et seront des cibles pour la Turquie », a-t-il dit. « Nous espérons que la France ne prendra pas une telle mesure irrationnelle », a-t-il insisté.

À ce propos, faut-il rappeler l’attitude irresponsable d’un agence de presse officielle turque qui, en juillet 2017, a révélé les positions occupées par les forces spéciales françaises et américaines dans le nord de la Syrie, quitte à compromettre leur sécurité alors que la ville de Raqqa était toujours aux mains de Daesh?

Dans cette affaire, l’on marche sur des oeufs. Comment soutenir ceux qui ont été le fer de lance dans le combat contre Daesh tout en ménageant la Turquie, alliée au sein de l’Otan? Visiblement, le président Trump s’en lave les mains étant donné qu’il a promis, le 29 mars, que les troupes américaines déployées actuellement en Syrie seraient bientôt de retour au pays.

Pour Paris, ce qui importe le plus est de continuer le combat contre Daesh et d’éviter son retour. Ce qui ne peut pas se faire sans les FDS. Ce qu’a expliqué une source de la présidence française à l’agence Reuters. « Il y a un réexamen très précis de la situation de Daesh et de ce risque et le message qui a été passé jeudi soir [la rencontre entre Emmanuel Macron et la délégation des FDS, ndlr], c’est qu’on avait besoin de la pleine mobilisation des FDS pour poursuivre cette lutte sur le terrain », a-t-elle dit.

Cela étant, si les forces turques et les groupes rebelles syriens soutenus par Ankara (et qui, apparemment, ne se livrent à des pillages à Afrin) passent à l’offensive contre Manbij, les FDS ne pourront pas justement pas se concentrer sur la lutte contre Daesh. Aussi, une présence des forces spéciales françaises dans cette ville aurait du sens. D’autant plus qu’elles connaissent bien le secteur pour y avoir conseillé les milices kurdes contre les jihadistes en 2016.

En tout cas, il n’est absolument pas question pour la France de lancer une nouvelle opération militaire en Syrie en dehors du cadre de la coalition anti-EI.

« Si le président [Macron] estimait que, pour atteindre nos objectifs contre Daesh, on avait besoin un moment donné de reproportionner notre intervention militaire, il faudrait le faire, mais ce serait dans le cadre existant » de la coalition, a ainsi dit la source élyséenne. Ce qui a été officiellement confirmé par la suite.

« La France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire sur le terrain dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale anti-Daesh », a fait savoir, en effet, l’Élysée, via un nouveau communiqué. « Il faut poursuivre ce combat ensemble », poursuit le texte, qui évoque « des risques de résurgence de Daesh », en particulier dans la région frontalière de l’Irak.

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