Le chef de l’Otan en Afghanistan accuse à nouveau la Russie de soutenir le mouvement taleb afghan

Depuis maintenant plusieurs mois, des dirigeants afghans accusent régulièrement la Russie de livrer des armes au mouvement taleb. Et ces accusation sont reprises par les responsables militaires américains, comme l’a fait au moins à trois reprises, James Mattis, le chef du Pentagone.

En avril 2017, lors d’un déplacement à Kaboul, ce dernier avait ainsi mis en garde Moscou contre la tentation d’aider les taliban afghans. « Nous engagerons un dialogue diplomatique avec la Russie. Nous le ferons où nous pouvons, mais il nous faudra nous confronter à la Russie là où elle agit à l’encontre du droit international et là où elle enfreint la souveraineté des Etats », avait-il affirmé. À l’automne, accusant l’Iran d’en faire de même, il avait estimé, en soulignant que ces deux pays avaient subi des « pertes à cause du terrorisme », qu’il serait « extrêmement imprudent de croire qu’ils pourraient en quelque sorte soutenir le terrorisme dans un autre pays sans le faire revenir chez eux. »

Ces allégations ne sont pas sans fondement. Ainsi, en décembre 2015, le diplomate russe Zamir Kaboulov, avait expliqué que les intérêts de la Russie « coïncidaient objectivement » avec ceux des taliban afghans dans la lutte contre l’État islamique, qui commençait alors à s’implanter dans la zone afghano-pakistanaise. Et d’expliquer : « Les taliban d’Afghanistan comme les taliban du Pakistan ont déclaré qu’ils ne reconnaissaient pas [le chef de l’EI] al-Baghdadi comme calife, qu’ils ne reconnaissaient pas l’EI […] et ils portent déjà des coups durs à l’EI. »

Pour la Russie, les taliban afghans sont moins dangereux que la branche afghano-pakistanaise de l’EI [EI-K] dans la mesure où leurs motivations seraient essentiellement nationalistes. En clair, ils n’auraient pas l’intention de mener des actions en dehors de l’Afghanistan, contrairement à leurs « concurrents » se réclamant d’al-Baghdadi. Seulement, c’est oublier que le chef d’al-Qaïda [Ayman al-Zawahiri] a fait allégeance à celui du mouvement taleb…

Toutefois, Moscou a toujours réfuté les accusations concernant des livraisons d’armes au taliban afghans, en faisant valoir qu’il n’y avait pas de preuves pour les étayer.

Lors d’un entretien diffusé le 23 mars par la BBC, le général John Nicholson, le commandant des forces américaines et de la mission Resolute Support [de l’Otan] en Afghanistan, n’a pas livré de « preuve » pour soutenir son propos. Toujours est-il qu’il a accusé directement la Russie de livrer des armes aux taliban afghans et de saper les efforts américains en Afghanistan. Jusqu’à présent, il s’était contenté de ne pas démentir les informations faisant état d’une implication russe.

« Nous voyons un récit qui exagère grossièrement le nombre de combattants de l’EI [groupe État islamique] ici », a dit le général Nicholson. « Ce récit est ensuite utilisé comme une justification pour les Russes afin de légitimer les actions des taliban et leur fournir un certain degré de soutien », a-t-il accusé.

« Des armes ont été apportées, à ce quartier général, par les dirigeants afghans qui nous ont dit qu’elles avait été données par les Russes aux talibans « , a poursuivi le genéral Nicholoson. « Nous savons que les Russes sont impliqués », a-t-il insisté, avant de dénoncé « l’activité déstabilisatrice » de la Russie.

Selon le chef de la mission Resolute Support, les armes destinées aux taliban passeraient en contrebande par le Tadjikistan, où la Russie conduit régulièrement des exercices militaires. Les Russes « apportent beaucoup de matériel et ils en laissent derrière eux », a-t-il expliqué.

Interrogé sur le fait de savoir si Moscou menait une « guerre par procuration » contre les États-Unis en Afghanistan, le général Nicholson n’a pas été aussi affirmatif. « Cette activité [les livraisons d’armes] a pris de l’ampleur au cours des 18/24 derniers mois. […] Avant cela, nous n’avions pas vu ce genre d’activité déstabilisatrice de la part de la Russie ici, mais il est intéressant de noter le moment où tout cela s’est produit », a-t-il répondu.

Cela étant, l’ambassade de Russie à Kaboul a réagi près de 48 heures après la diffusion de cet entretien donné par le général Nicholson à la BBC. « Nous insistons de nouveau sur le fait que de telles déclarations sont absolument dénuées de tout fondement et nous invitons les responsables à ne pas raconter n’importe quoi », a-t-elle fait valoir.

Selon le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, au sujet de la situation en Afghanistan, et magré plusieurs attentats meutriers commis dans les zones urbaines, « le nombre d’attaques directes menées par des taliban a baissé dans le pays durant l’hiver » mais ces derniers ont « consolidé leur emprise, tout au long de l’année 2017, sur un territoire majoritairement rural. »

S’agissant de la branche afghano-pakistanaise de l’EI, le rapport note qu’elle « a bien résisté aux opérations concertées des forces militaires afghanes et internationales » et que des formations qui lui sont affiliées ont « participé à des affrontements violents contre les forces du gouvernement afghan et les taliban, ce qui semble indiquer que le groupe a élargi son rayon d’action géographique et commence à consolider sa présence ailleurs que dans l’est. »

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