La France durcit le ton à l’égard de la Russie, après la tentative d’assassinat d’un ex-espion russe au Royaume-Uni

La tentative d’assassinat du colonel Sergueï Skripal, un ex-officier du renseignement russe réfugié au Royaume-Uni après avoir été condamné en Russie pour avoir travaillé pour le Secret Intelligence Service [MI-6, ndlr] a contraint le gouvernement britannique à prendre des mesures à l’encontre de la Russie, sur laquelle les soupçons convergent.

Pour rappel, le 4 mars, le colonel Skripal et sa fille ont été retrouvés inanimés à Salisbury, empoisonnés par un gaz innervant de « qualité militaire », qui, selon les analyses effectuées par un laboratoire du ministère britannique de la Défense (MoD) spécialisé dans les armes chimiques, appartiendrait au groupe des agents « Novichok », développés par l’Union soviétique dans les années 1970. Un policier a d’ailleurs été aussi contaminé par la même substance.

Le 14 mars, et alors que le Conseil de sécurité des Nations unies devait se réunir pour évoquer cette affaire, Mme le Premier ministre britannique, Theresa May, a donc annoncé l’expulsion de 23 « diplomates » russes et le gel des contacts diplomatiques avec la Russie, qui n’a pas répondu à la demande d’explications exigée par Londres.

Jusqu’à présent, et même si elle avait condamné vigoureusement la tentative d’assassinat du colonel Skripal et de sa fille, la France observait une relative prudence dans cette affaire. Ainsi, le 13 mars via un communiqué, la ministre des Armées, Florence Parly, s’était limitée à faire part « à son homologue de la solidarité et du soutien de la France face un acte particulièrement grave et inacceptable. »

Visiblement, les éléments présentés par Londres ont fait pencher la balance. Ainsi, la France a joint sa voix à celles de l’Allemagne, des États-Unis et du Royaume-Uni pour condamner la tentative d’assassinat du colonel Skripal par une substance chimique et estimer que « cette « atteinte à la souveraineté britannique » constitue une « menace » pour la sécurité.

« Nous, les chefs d’Etat et de gouvernement de la France, de l’Allemagne, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, exprimons notre consternation », affirme ce communiqué commun. « Cet emploi d’un agent neurotoxique de qualité militaire, d’un type développé par la Russie, constitue le premier emploi offensif d’un agent neurotoxique en Europe depuis la seconde guerre mondiale », poursuivent-ils.

« C’est une atteinte à la souveraineté britannique, et toute action de cette nature venue d’un Etat-partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques est une violation claire de ladite convention et du droit international. C’est notre sécurité à tous qui est menacée », ajoutent-ils.

« Nous partageons le constat britannique qu’il n’y a pas d’autre explication plausible [que la reponsabilité russe] et relevons que l’incapacité de la Russie à traiter des demandes légitimes du Royaume-Uni accentue encore sa responsabilité », estiment les dirigeants français, britanniques, allemands et américains. Et ce conclure : « Nous demandons à la Russie de répondre à toutes les questions liées à l’attaque de Salisbury. La Russie devrait en particulier déclarer de façon entière et complète son programme ‘Novichok’ à l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). »

Plus tard, le président Macron s’est exprimé publiquement sur cette affaire, ce qu’il n’avait jusqu’alors pas encore fait. « Je veux dire ici toute ma solidarité à l’égard de Theresa May », a-t-il dit, lors d’un déplacement en Indre-et-Loire. « Tout porte à croire » que la Russie en est « responsable » de la tentative d’assassinat du colonel Skripal, a-t-il continué. « Le travail mené par les services britanniques, partagé avec les services français, le confirme », a-t-il assuré. Et d’insister : « La France condamne donc avec la plus grande fermeté cette attaque inacceptable sur le sol d’un pays allié. »

En outre, M. Macron a indiqué qu’il discuterait des mesures qu’il entend prendre à l’égard de la Russie avec la chancelière allemande, Angela Merkel.

Par ailleurs, l’Otan a également réagi. « Cette attaque est extrêmement grave », a dit Jens Stoltenberg, son secrétaire général, en évoquant l’affaire de Salisbury. « La Russie est notre voisin et la décision d’entrer dans une confrontation sera sa décision », a-t-il prévenu.

« Nous ne souhaitons pas une nouvelle Guerre froide, nous ne voulons pas être entraînés dans une nouvelle course aux armements, car c’est coûteux, dangereux et dans l’intérêt de personne », a encore fait valoir M. Stoltenberg. « Mais nous avons un message : l’Otan défendra tous ses membres contre toute menace […] Nous sommes en mesure de nous défendre », a-t-il ensuite assuré, avant d’appeler les Londres à agir de façon « proportionnée et modérée », afin de ne pas réduire les chances d’une prochaine réunion du Conseil Otan-Russie (COR). L’Alliance « veut continuer a avoir un dialogue. Il est difficile mais nécessaire », a-t-il en effet plaidé.

Côté russe, l’on continue à démentir toute implication et à préparer une riposte aux mesures prises par les autorités britanniques. « Il est clair que Londres se trouve dans une situation très difficile en ce qui concerne les négociations avec l’Union européenne sur le Brexit. […] La popularité de ce gouvernement ne cesse de baisser » et « cette manière d’organiser des provocations autour de Sergueï Skripal détourne l’attention », a voulu expliquer Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe.

Mieux : le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, cité par l’agence Interfax, a démenti l’existence des agents « Novichok ».

« Il n’y a eu aucun programme de développement d’armes chimiques sous le nom ‘Novitchok’ ni sous l’URSS, ni en Russie », a-t-il en effet assuré.

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