La France assoit sa position de troisième exportateur d’armements

La trajectoire financière de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 reposait sur une équation à plusieurs inconnues, dont, par exemple, un recours excessif aux recettes exceptionnelles, dont le caractère aléatoire ne s’est pas démenti, ou encore l’exportation de certains équipements afin de compenser une baisse des livraisons aux forces françaises.

Et ce pari a donc été tenu. Ainsi, et selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), au cours de la période 2013-17, les exportations françaises d’armements ont augmenté de 27% par rapport aux années 2008-12. Et cela place la France au troisième rang des exportateurs d’armes.

Considérer des périodes de 5 ans, comme le fait le SIPRI, permet de dégager des grandes tendances dans la mesure où les exportations d’équipements militaire peuvent fluctuer d’une année à l’autre.

Mais les conclusions du rapport du Sipri ne sont pas une surprise. Ces dernières années, le montant total des exportations françaises d’armements a été à deux chiffres alors qu’il peinait à dépasser les 6 ou 7 milliards d’euros en 2013. Soit près de trois fois moins qu’en 2015 (17 milliards), grâce notamment aux premiers contrats « export » du Rafale (munitions comprises) et à la vente de navires (FREMM, corvettes, etc).

« Les commandes de matériels de défense français à l’export ont connu une progression spectaculaire au cours des dernières années. Le changement d’échelle radical était notable dès 2015, avec près de 17 Md€ de prises de commandes (contre 4,8 Md€ en 2012). Cette année-là, plusieurs caps avaient été franchis. L’objectif d’égaler, pour la première fois, le montant des prises de commandes nationales avait non seulement été atteint, mais largement dépassé puisque ces dernières s’étaient élevées à 11 Md€ en 2015 », avait ainsi rappelé la Direction général de l’armement (DGA), en juin dernier.

Ainsi, la France a su profiter de la hausse des importations d’armements, en captant 6,7% du marché. Ce qui n’a pas été tout à fait le cas de l’Allemagne, dont les ventes ont reculé de 14% entre les périodes 2008-12 et 2013-17. Toutefois, et alors que, sous l’influence des sociaux-démocrates de la coalition gouvernementale emmenée par Angela Merkel, il était question de « moraliser » les exportations d’armes, les industriels allemand ont augmenté leurs ventes vers le Moyen-Orient de 109%.

Cela étant, et ce n’est pas, là encore, une surprise, les États-Unis ont accentué leur domination du marché mondial de l’armement, avec une progression de 25% de leurs ventes d’équipements militaire entre les périodes 2008-12 et 2013-17. À eux-seuls, ils pèsent 34% du total des exportations d’armes, notamment grâce à une moisson de contrats au Moyen-Orient (cette représente 49% du total de leurs ventes à l’étranger).

« Sur la base d’accords signés sous l’administration Obama, les livraisons d’armes américaines en 2013-17 ont atteint leur plus haut niveau depuis la fin des années 1990 », souligne Aude Fleurant, directrice du programme « armes et dépenses militaires » du SIPRI. « Ces accords ainsi que d’autres grands contrats signés en 2017 ont permis aux États-Unis d’asseoir leur rang de plus grand exportateur d’armes au monde dans les prochaines années », a-t-elle ajouté. Qui plus est, les livraisons de F-35 à plusieurs pays européens conforteront davantage cette avance.

Sur la période 2013-17, Les exportations d’armes américaines sont déjà 58% supérieures à celles de la Russie, classée en seconde position dans le classement du SIPRI, avec 22% de parts de marché. D’autant plus que les ventes russes d’équipements militaires ont baissé de 7,1% entre 2008-12 et 2013-17.

A priori, ce recul profite à la Chine, qui a augmenté les siennes de 38%, en profitant de la défiance américaine à l’égard du Pakistan et remportant des succès en Algérie et au Bangladesh. Mais plus encore, c’est en Afrique que les industriels chinois ont augmenté leurs parts de marché.

« La Chine […] devient de plus en plus capable de produire ses propres armes et continue de renforcer ses relations avec le Pakistan, le Bangladesh et le Myanmar en fournissant des armes », note le SIPRI. Ce que confirme par ailleurs la baisse de 19% des importations d’armes entre 2008-12 et 2013-17.

D’autres pays s’affirment de plus en plus sur le marché de l’armement. C’est le cas d’Israël, qui a augmenté ses exportations de 55%, de la Corée du Sud (+65%) ou encore de la Turquie (avec un spectaculaire +145%).

S’agissant des pays importateurs, l’Inde se classe au premier rang. Cela s’explique par la modernisation (forcément longue car les processus d’achat sont souvent très compliqués) de ces forces armées et la nécessité de faire face à au moins deux menaces : celle du Pakistan et celle de la Chine. Au total, le marché indien représente 12% des importations mondiales d’armes, après une hausse de 24% entre 2008-12 et 2013-17. Si la Russie reste encore son principal fournisseur, d’autres acteurs ont poussé leurs pions, comme les États-Unis, avec une hausse de 557% de leurs ventes d’équipements militaires au cours de la période considérée.

« Les tensions entre l’Inde, d’une part, et la Chine et le Pakistan, d’autre part, alimentent une demande croissante de l’Inde en armes majeures qu’elle est incapable de produire elle-même », relève Siemon Wezeman, chercheur principal au programme « armes et dépenses militaires » du SIPRI.

Après l’Inde, viennent ensuite l’Arabie Saoudite, qui a augmenté ses importations d’armes de 225% par rapport à 2008-12 (et ce sont les Occidentaux qui en ont profité), l’Égypte (+215%) et les Émirats arabes unis. Cette ordre sera très probablement différent lors de la prochaine étude du Sipri, le Qatar ayant signé plusieurs contrats d’armement importants au cours de ces derniers mois.

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