Le chef militaire de l’Otan veut plus de moyens (américains) pour contrer une éventuelle menace russe

Au début de ce mois, la Rand Corporation a publié un rapport [.pdf] qui a eu son petit effet dans les milieux liés à la défense d’outre-Atlantique. Ainsi, ce document affirme que, si elle le décide, Moscou pourrait s’assurer la conquête des trois pays baltes (Lituanie, Estonie et Lettonie) en seulement 60 heures de combat dans la mesure où les troupes américaines seraient « dépassées » par les forces terrestres russes, tant au niveau de la puissance de feu que celui des effectifs. En clair, il suggère des scénarios plausibles dans lesquels les États-Unis pourraient perdre une guerre face à la Russie…

Le rapport a établi ses conclusions sur plusieurs constats. Le premier est que la présence militaire américaine en Europe a été réduite assez significativement depuis la fin de la Guerre Froide. Le second est que, pendant que les forces de l’Otan étaient déployées en Afghanistan pour des opérations de stabilisation et de contre-terrorisme, la Russie a mis l’accent sur la mobilité et la puissance de feu de ses troupes. Et cela lui « donne un avantage important » dans un possible conflit proche de ses frontières, d’autant plus qu’elle a aussi amélioré ses capacités A2/AD [anti-accès/déni d’accès].

Le second constat fait par la Rand Corporation est que la plus forte densité de forces aériennes et terrestres russes se trouve dans le district militaire occidental de la Russie. Le rapport de force est ainsi largement à l’avantage de Moscou, qui pourrait rapidement mobiliser 78.000 hommes contre les 32.000 soldats présents dans les pays baltes (en comptant les effectifs des bataillons multinationaux de l’Otan, dans le cadre de la présence avancée renforcée, eFP)

« Compte tenu de la posture et de la capacité actuelles de l’Otan, avec des bataillons européens et une brigade blindée américaine, la Russie peut encore s’assurer rapidement du fait accompli », souligne le rapport, pour qui « la capacité démontrée de la Russie à rassembler des forces prêtes à intervenir à l’intérieur de ses frontières, tirant parti de ses réseaux ferroviaires et routiers internes, lui confère un avantage considérable en termes de distance / temps pour générer des forces de combat » durant les premiers temps de la « crise ».

« Rien dans cette analyse ne devrait suggérer qu’une agression classique russe contre l’Otan est susceptible d’avoir lieu. Cependant, la prudence suggère que des mesures devraient être prises pour atténuer les zones de vulnérabilité potentielles afin d’assurer une relation de sécurité stable entre tous les membres de l’Otan et la Russie », recommande ce rapport.

Lors d’une audition par le comité sénatorial des Forces armées, le 8 mars, le général Curtis Scaparrotti, le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) et chef des forces américaines en Europe (EUCOM), a relativisé les conclusions du rapport de la Rand Corporation, même si elles rejoingnent d’autres estimations faites récemment.

« Si vous considérez uniquement la concentration de forces terrestres à la frontière de l’Europe orientale, je serais d’accord. Mais nous combattons aussi dans d’autres domaines », a en effet affirmé le général Scaparotti. « Nous avons repris des forces depuis que l’étude de la Rand a été faite. Nous avons réécrit des plans et nous nous battrions différemment », a-t-il ajouté.

Qui plus est, outre sa présence renforcée dans les pays baltes et la Pologne, l’Otan a décidé la création (ou la réactivation) de deux commandements, l’un chargé d’améliorer « le mouvement de troupes et d’équipements au sein de l’Europe » (et en particulier de l’Est), l’autre devant être dédié à la protection des routes maritimes dans l’Atlantique-Nord.

Cela étant, le SACEUR partage l’une des conclusions du rapport de la RAND, à savoir celle concernant le renforcement de la « dissuasion conventionnelle » face à la Russie, avec une « posture plus robuste conçue pour augmenter considérablement le coût de l’aventurisme militaire contre un ou plusieurs États membres de l’Otan. »

« Je n’ai pas toutes les forces dont j’ai besoin aujourd’hui en Europe et nous devons continuer à investir pour établir la posture requise « , a en effet affirmé le général Scaparrotti. En réalité, il s’agit pour lui de défendre les crédits que prévoit d’allouer le projet de budget du Pentagone pour la prochaine année fiscale.

Pour rappel, il est de remplacer « l’European Reassurance Initiative » par une « European Deterrence Initiative » (EDI), laquelle serait dotée de 6,531 milliards de dollars (contre 4,7 milliards actuellement). Cette hausse significative de smoyens doit permettre d’améliorer le prépositionnement des équipements et de financer le renforcement ainsi que les rotations des unités américaines.

« L’augmentation proposée de 2 milliards de dollars pour l’IDE dans le [projet de] budget 2019 permettrait la rotation de forces additionnelles », a ainsi plaidé le SACEUR.

Par ailleurs, le général Scaparrotti a déploré le manque de coordination des agences gouvernementales américaines pour contrer les cyber-menaces russes. « À travers l’Europe, le long de sa périphérie au Moyen-Orient et au-delà, la Russie a montré sa volonté et sa capacité d’exercer une influence, de répandre la désinformation et de saper la confiance dans l’Otan », a-t-il dit.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]